Orelsan, le masque et la plume

Le rappeur est l’une des fines lames de l’Hexagone. Fort d’un nouvel album, « Le chant des sirènes », il remplira l’AB ce 28 janvier.

Lors du making of de la géniale série télé Bref, Orelsan disait à peu près ceci : « Si dans dix ans, on veut avoir un état des lieux des trentenaires, il faudra regarder Bref. »

On pourrait presque dire la même chose à propos de son nouvel album Le chant des sirènes (voir ci-contre) paru l’automne dernier.

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À 29 ans, comme son grand frère virtuel anglais Mike Skinner (The Streets), Aurélien incarne un certain nihilisme, à l’image de cette génération qui, si l’on s’en tient à la première phrase de sa chanson « Seul », n’attend « pas grand-chose de spécial ».

Ce qui ne nous a jamais empêchés d’avoir toujours eu beaucoup de respect et d’affection pour le travail du jeune homme. Qu’on avait déjà rencontré au plein cœur de la tourmente créée autour de son morceau « Sale Pute » lors du festival Les Ardentes en 2009. Seul festival, soit dit en passant, à ne pas avoir déprogrammé le talentueux rappeur. Pour l’heure, c’est dans les locaux de sa firme de disques que nous retrouvons celui qui risque bien d’être un « incontournable » en 2012.

Avant d’évoquer votre deuxième album, il est quasi impossible de ne pas revenir sur cette polémique de 2009. Serge Teyssot-Gay (ancien guitariste de Noir Désir) nous disait que lorsque vous avez fait la première partie de son nouveau projet Zone Libre à Rennes, des associations de féministes vous auraient presque lynché. Rétrospectivement ?

C’était dingue. Ce qui m’a plus fait péter les plombs à Rennes, c’est que les féministes avaient récupéré une manifestation d’étudiants et de NPA, un parti super à gauche. Du coup, le concert était très violent. Des gens empêchaient ceux qui avaient des tickets d’entrer… mais je ne faisais juste que la première partie de Zone Libre, ce n’était pas mon concert. C’était totalement absurde parce que Zone Libre est un groupe engagé.

Le danger, c’est qu’on arrive vite au n’importe quoi. Aujourd’hui, j’ai l’impression que la censure n’est plus une censure d’Etat. Il y a tellement d’informations qu’on n’arrive plus à y voir clair.

A bientôt trente ans, et si l’on en juge par « Le chant des sirènes », vos émotions sont plutôt contrastées, non ? Vous êtes un optimiste déraisonnable ou un pessimiste mesuré ?

En général, j’aime bien quand les émotions sont tranchées dans la musique. Pour faire quelque chose comme ça, il faut beaucoup de narration. Il faut forcément des éléments un peu plus dramatiques, il faut forcer le trait. Mon caractère, mon naturel, sera toujours plus négatif que positif. Quand je rentre chez moi le soir, seul, comme beaucoup de gens de ma génération je pense, je vais plus être vers le bas que vers le haut. Parce que je suis un être humain à peu près normal. Du coup, ça dépend de quel angle on regarde le disque. Un peu comme dans le premier. Il y a un côté assez sombre et un côté assez positif. Tout est question de perspectives.

Comment analyser « Suicide social », alors ?

Si on prend le côté négatif, c’est quelqu’un qui est au bord du suicide et qui voit le mal partout. À partir du moment où on a dénoncé toutes ces choses-là, où le personnage met le doigt sur ce qui ne fonctionne pas, c’est aussi le premier pas pour comprendre pourquoi cela ne fonctionne pas. Avec l’envie d’aller plus loin. Personnellement, je me sens mieux aujourd’hui que pendant mon adolescence. Ou même, le début du passage à l’âge adulte. C’est logique puisqu’aujourd’hui, j’ai une sorte de place dans la société. J’ai un métier. Je vis de ma passion, donc c’est cool. Je n’ai pas de raison d’être triste… mais, d’un autre côté, nous sommes dans une époque quand même assez étrange. Même dans mon métier, le disque. C’est une période assez bâtarde où je peux vivre de ma musique mais sans planifier sur plus de deux ans. Pas question de se reposer sur mes lauriers.

Vous pensez qu’il y a quinze ans, vous auriez vendu dix fois plus qu’aujourd’hui ?

Je le pense aussi. Je suis très présent sur le Net et énormément téléchargé. Ce qui m’oblige aussi à plus travailler, à produire plus, en tout cas. Mes revenus principaux, ce sont les droits d’auteur, les passages radio et les ventes de disques. Pas spécialement les concerts – parce que j’ai une grosse production sur les concerts.

Vous avez énormément de succès auprès des adolescents et des adolescentes. Pourtant vos textes sont très mûrs. Les ados, aujourd’hui, seraient-ils plus matures qu’il y a quinze ans ?

Je ne sais pas te dire pourquoi. Quand j’écris un texte, il y a bien un moment où je pense à qui je m’adresse… mais ça s’arrête là. Je pense que les gamins et gamines aujourd’hui sont assez intelligents – spécialement par rapport aux médias. J’ai l’impression qu’on ne peut plus leur raconter n’importe quoi. Et je pense qu’il y a un côté fun aussi dans ce que je fais. Dans le morceau « Raelsan », il y a des effets spéciaux, des masques… c’est très contemporain. Je ne sais pas combien de fois je mentionne mon téléphone portable dans le disque mais c’est normal, il est greffé… Mon vocabulaire doit aussi y être pour quelque chose aussi. J’écris comme je parle. Le vocabulaire est propre à mon époque. Il n’est ni super « kids » ni échappé de L’odyssée d’Homère…

Quel est le public des concerts d’Orelsan ?

Les premiers rangs se situent entre 15 et 18 ans. Ensuite, c’est plus âgé ; et au fond, encore plus métissé. Même s’il y a beaucoup de filles, surtout à Paris, j’ai un public très mixte. En province, ça dépend, ça varie…

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Orelsan en concert ce 28 janvier à l’Ancienne Belgique à Bruxelles. Complet.

http://www.myspace.com/orelsan

La critique de l’album

PHILIPPE MANCHE

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