Réalisé par Georges Méliès, Le voyage dans la lune a été patiemment restauré, 110 ans après sa sortie. Le film, long d’un peu plus d’un quart d’heure, a désormais aussi son accompagnement musical. Les compositions sont signées par Air, le duo emblématique de la french touch.
“Le voyage dans la lune” (extrait)
Il semble que ce soit le réalisateur Olivier Assayas qui ait soufflé le nom d’Air aux fondations ayant œuvré à la restauration du film de Méliès. En même temps, Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin pratiquent depuis toujours une musique instrumentale, inspirée par l’espace et la science-fiction. Et puis, avec ce Voyage dans la lune, les deux bricolos de la french touch (cette musique électronique des Garnier, Daft Punk et autres St. Germain qui a replacé la France sur la carte du genre dans les années 90) bouclent un chapitre entamé en 98 avec l’album classique Moon safari.
“Le voyage dans la lune” (extrait)
Pour vous, il n’était au départ question que de composer de la musique destinée à accompagner la projection du film au festival de Cannes en 2011 ?
Oui. A l’époque, nous travaillions sur un nouvel album pour lequel nous cherchions une ligne directrice ; le film nous l’a donnée. Comme nous disposions déjà d’éléments, nous avons complété par d’autres morceaux, puis tout édité en un mois de travail intense. Finalement, ça a donné 14 minutes de musique pour accompagner le film, et ces compositions-là, rallongées et complétées, un album spécifique.
Les images du film ont directement influencé la musique ? Certaines scènes sont très psychédéliques, par exemple…
Oui, nous avons voulu à certains moments imaginer une musique un peu dark, étrange. C’est vrai que la Lune est assez terrifiante, ça n’a pas l’air sympa là-bas : les champignons géants vénéneux, les extraterrestres ultra agressifs… Nous avons justement essayé de relever l’émotion en travaillant sur des musiques parfois un peu extrêmes, de parti-pris. Notamment lorsqu’il y a du combat : on dirait du jazz-fusion-funk. Nous avons en tout cas essayé d’utiliser toutes les palettes sonores disponibles.
“Le voyage dans la lune” (extrait)
Le travail de composition a été aussi délicat que celui des restaurateurs du film ?
Notre travail a été l’opposé. Eux ont essayé de restituer le plus fidèlement possible le film tel qu’il était, et nous, nous avons essayé de le dynamiter, de faire quelque chose de complètement anachronique, en utilisant des techniques de composition et d’enregistrement d’aujourd’hui. Mais bien sûr, Méliès tournait ses films pour divertir les gens, et ils avaient du plaisir à aller les voir : nous sommes restés dans cette démarche-là.
Avec l’envie de participer à la restauration d’un patrimoine ?
Pas particulièrement, ni de faire la musique dans un esprit de 1902. D’autant que celle qu’on met en général sur les films muets n’était pas du tout adaptée à celui-ci. Elle ne va pas du tout avec le fantastique et la science-fiction. A l’époque, il n’existe pas de piste sonore sur la pellicule, et Méliès n’a pas accompagné son œuvre de musique, ce qui fait qu’il n’y a pas eu un travail sérieux de composition. Si le cinéma avait été parlant, il aurait pu demander à des compositeurs comme Debussy, Ravel ou Erik Satie de composer une musique complètement onirique, et ça aurait été quelque chose d’intéressant. Mais il n’y a eu aucun travail de fait, c’était juste un mec qui jouait ce qui lui passait par la tête dans une foire. Nous avons essayé d’instaurer une collaboration artistique entre la musique et le film. Le rêve serait de savoir ce que Méliès en penserait aujourd’hui, malheureusement, on ne saura jamais si ce que nous avons fait est ce qu’il fallait pour son film.
Vous dites vouloir désormais entamer une seconde partie de carrière en évitant de tomber dans des pièges…
C’est-à-dire que nous avons déjà une fois réalisé un petit miracle en existant et en tournant avec notre musique. Et là, il faut en faire un deuxième. Bien sûr, nous aurons toujours des disques et une fanbase, mais comment le faire dignement, avec panache ? C’est un beau défi que très peu d’artistes ont réussi à relever. Parce que quand on s’est trouvé, artistiquement parlant, qu’on a un nom et une réputation, c’est dur d’en sortir.
1 – Science-fiction
2 – Se renouveler
3 – Air libre
Didier Stiers
(photo: Wendy Bevan)
– « Le voyage dans la lune » (Virgin/EMI, sortie le 6 février).
– Infos sur la restauration du film: Fondation Groupama Gan pour le Cinéma et Fondation Technicolor
phil
3 février 2012 à 14 h 36 min
Pour l’avoir visionné ce matin, je peux dire que le film a un charme fou avec cette BO. Un mélange réussit. vraiment Top!
mikekafka
3 février 2012 à 20 h 33 min
“”Mais il n’y a eu aucun travail de fait, c’était juste un mec qui jouait ce qui lui passait par la tête dans une foire. Nous avons essayé d’instaurer une collaboration artistique entre la musique et le film.””
Vachement prétentieux les ptits gars d’Air !