Sharon Van Etten, clocharde céleste

Proche de Beirut et de The National, Sharon Van Etten se révèle avec un “premier” album.


Elle n’a pas encore trop l’habitude de parler de sa musique, mais on imagine qu’au fil des semaines passées depuis notre rencontre au café de l’AB, elle a un peu gagné en pratique. D’autant que, comme elle nous l’a confié, ça la lui révèle parfois sous un autre jour…

La dernière fois qu’on vous a vue en Belgique, c’était avec The National…
Ah oui, ce show ! C’est la première fois que j’ouvrais pour eux sur cette tournée, j’étais super nerveuse. Auparavant, je n’avais jamais joué devant tant de monde. Et puis, on se doute que le public n’est pas là pour vous. Mais finalement, je me suis bien amusée ! J’ai passé tellement de temps sur les routes, à jouer dans des bars, parfois au milieu de types bourrés. Du coup, c’était tout de suite moins frustrant de monter sur scène comme «opening act»…

Aujourd’hui, vous savez pourquoi vous chantez et passez votre temps sur les routes ?
J’ai commencé à écrire parce que j’apprenais à parler de mes émotions, à les reconnaître, les admettre… J’ai fait des scènes ouvertes avec ces textes, et puis les gens ont commencé à réagir à ce qu’ils entendaient. Dès que j’ai réalisé que je véhiculais quelque chose dans mes chansons, peu importe quoi, que les gens ressentaient quelque chose, j’ai pensé que je devais apprendre à écrire mieux. Là, je pense encore devoir apprendre à être une meilleure auteure. Et surtout, j’ai la responsabilité de faire passer un message positif. Finalement, écrire m’aide à passer des caps. Et être sur scène aussi, dans un sens, surtout quand je m’aperçois que les gens qui viennent m’écouter se reconnaissent dans certaines des choses que j’ai pu écrire.

Qu’avez-vous appris en écrivant les textes de «Tramp», alors ?
J’étais tellement dans le 36e dessous quand j’ai écrit ces chansons qu’elles m’ont accompagnée pendant une sorte de processus de guérison. À l’époque, je me sentais perdue, et brisée, émotionnellement parlant. Je logeais dans la cave chez mes parents, je me demandais si j’étais assez douée que pour poursuivre la musique. Le déclic a été de me dire : «Je fais quelque chose, je ne sais pas ce que ça représente, mais c’est ok». Et je me suis autorisée à être nostalgique, mais sans tomber dans la déprime. Ce disque est du coup la réalisation de ce que je suis une personne plus solide aujourd’hui. Je peux évoquer mes amours du passé sans être triste, sans que ça me rende dingue.

Ce titre évoque beaucoup d’images, et pas forcément les plus gaies, non ?
Je voulais un titre fort, court, mais effectivement qu’il évoque beaucoup de choses. Cet album représente deux ans de travail, et pendant ces deux ans, entre les concerts, je n’ai pas eu de chez moi permanent. Je dormais un peu partout, chez des amis, et même dans ma voiture, une fois. «Tramp» est un terme qui évoque tout ça, ne pas avoir de toit. Mais il peut avoir plusieurs degrés, aussi. Quand on le dit d’un homme, on fait aussi référence à ce qu’il endure. Mais quand on le dit d’une femme, c’est encore plus connoté négativement, presque comme synonyme de «slut»… Cette distinction me paraissait intéressante, surtout au regard des thèmes sur lesquels j’écris.

D’où vient cette espèce de ferveur dans laquelle baignent ces chansons ?
Merci ! Comme je vous le disais, certaines de ces chansons ont été tellement cathartiques pour moi. Il me semble que la manière dont je les chante importe presque plus que les textes parce que je me sentais incapable de dire avec des mots ce que je ressentais quand je les chantais… C’est un peu difficile à expliquer, mais je suis sûre qu’il y a des gens qui ressentent ça aussi : être incapable de communiquer avec des mots, et y arriver en laissant l’émotion se diffuser dans du chant.

DIDIER STIERS

En concert le 3 mars au Botanique. Infos : http://www.netevents.be/fr/concert/204318/Sharon-Van-Etten/
Critique de l’album “Tramp” : http://mad.lesoir.be/musiques/pop-rock/cd/36305-sharon-van-etten-tramp/


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