Le groupe fétiche du réalisateur Dario Argento sera mardi sur les planches de l’Ancienne Belgique. Ce concert permettra notamment d’entendre (ou de ré-entendre) la bande originale de Profondo rosso, son œuvre majeure. Le temps d’un retour aux seventies, avec comme un petit parfum de « retromania »…
Qui sait… Sans Bernard Herman auprès d’Hitchcock, la folie de Sueurs froides serait moins vertigineuse. Privés d’Ennio Morricone, les westerns spaghettis de Sergio Leone ne vaudraient plus qu’une poignée de dollars. Quant aux films de Dario Argento, amputés des thèmes de Goblin, ils mettraient moins mal à l’aise. A commencer par ce Profondo rosso entre horreur et thriller, dont la bande originale sera rejouée mardi à l’Ancienne Belgique par le groupe de Claudio Simonetti.
« J’ai débuté avec Goblin en 75, nous raconte le compositeur italien né à Sao Paulo. Profondo rosso a été notre premier film… et un gros succès : le disque s’est vendu à des millions d’exemplaires. » Goblin enchaîne avec Suspiria, autre jalon de taille dans l’œuvre de Dario Argento, puis se sépare en 1978. Simonetti poursuit en solo sa collaboration avec le réalisateur ; il vient de mettre la touche finale à la bo de son Dracula 3D, tout juste présenté à Cannes. Leur quatorzième collaboration… « J’ai travaillé sur de nombreux films différents mais les plus populaires restent les films d’horreur, concède-t-il. J’en suis content, même si mon nom s’efface parfois derrière celui d’Argento. »
Goblin fut d’abord une formation comme des tas d’autres, née dans les années 70 et fortement influencée par le rock progressif. Celui de King Crimson, Genesis et Gentle Giant. De retour en Italie après avoir passé un an à enregistrer des maquettes dans un studio londonien, elle se trouve par chance un label désireux de les produire. « Il était aussi l’éditeur des films de Dario. Et lui cherchait un groupe dans le style d’Emerson Lake & Palmer, Deep Purple… Le type du label lui a suggéré de nous écouter avant de chercher à travailler avec ces grands noms. Argento est venu en studio, il a aimé et a décidé de nous confier la musique de Profondo rosso. J’avais 22 ans, et lui était déjà un grand réalisateur… »
Comme d’autres l’ont déjà fait, sur scène, la formation italienne (baptisée « New Goblin » pour rappeler que son line-up n’est plus celui des origines) se replonge dans l’une de ses œuvres majeures. Claudio Simonetti, fines montures et barbichette soigneusement taillée, aurait-il lui aussi succombé à cette « retromania » diagnostiquée par le journaliste british Simon Reynolds ? « Beaucoup de musiques actuelles ressemblent à ce que j’entendais dans le passé. » Avec un sourire en coin : « Oasis, c’était les nouveaux Beatles, non ? Et puis, de nombreux groupes de rock jouent du heavy metal comme dans les seventies. Je ne sais pas trop pourquoi il en va ainsi. Peut-être tout a-t-il été fait ? Ou que pour trouver quelque chose pour le futur, il faut retourner dans le passé. »
Issu d’un cursus classique (apprentissage du piano au conservatoire, à Rome), le compositeur a vite mis un pied dans des univers plus électriques. « Le rock des seventies inclut pas mal d’influences classiques. A l’époque, il n’existait pas comme aujourd’hui d’écoles où apprendre le jazz, le rock… On apprenait à jouer du rock en écoutant des vinyles ! »
Simonetti rit, quand on lui demande ce qui les lie, le réalisateur et lui. Allez savoir ! « Peut-être que je comprends ce qu’il veut ? En tout cas, je suis toujours surpris que ça fonctionne. Et qu’après tant d’années, la nouvelle génération connaisse si bien ma musique. Normalement, les jeunes aiment les jeunes artistes, non ? »
Didier Stiers
(Photo: Mich Leemans)
Profondo Rosso – Trailer
Profondo Rosso – Thème (1975)
Halloween – Thème (1978)
John Carpenter aurait-il tout chipé à Goblin ?
Quand Pink Floyd dit « non »
À l’AB, Goblin rejouera ses compositions les plus importantes, écrites pour Profondo rosso, Suspiria et Phenomena notamment. Profondo rosso (Les frissons de l’angoisse), relatant l’enquête menée par un pianiste témoin du meurtre d’une médium, est un film capital dans l’univers d’Argento. Pour deux raisons principales, analyse Alan Jones, auteur de Profondo Argento : la présence de Daria Nicolodi (actrice de théâtre, future compagne du réalisateur, mère d’Asia) et le travail de Goblin. « J’avais voulu faire appel à Deep Purple pour Quatre mouches de velours gris, lui explique Argento. Et pour ce film-ci, j’ai demandé aux gens de Pink Floyd s’ils étaient intéressés, mais ils ne l’étaient pas. J’ai cherché des suggestions auprès d’amis musiciens, c’est ainsi qu’une cassette démo de Goblin m’est parvenue. »
Pour être précis, le réalisateur avait à l’origine sollicité un premier compositeur italien, le jazzmen Giorgio Gaslini, dont il ne se montra pas satisfait, mais dont trois compositions seront pourtant conservées. Quant à Goblin… « Nous avons commencé à inventer, insiste Claudio Simonetti. Nous n’avions évidemment pas de sampleurs, juste des Moog, des orgues Hammond, des mellotrons, les claviers des seventies. » (D.S.)
3 questions de
Giacomo Panarisi
Le chanteur de Romano Nervoso est non seulement un fin connaisseur du cinéma d’horreur, mais il compte en outre parmi les admirateurs de Goblin. D’où cette idée de nous faire parvenir quelques questions… dont trois ont été soumises subito presto à Claudio Simonetti. Quant au groupe louviérois, on pourra le retrouver aux Ardentes le 7 juillet, il comptera parmi les artistes invités à essuyer les plâtres au nouveau festival de Ronquières le 29 juillet et sera par deux fois en live aux Pays-Bas début octobre. Notamment. (D.S.)
Ennio Morricone, Goblin, Calibro 35 et d’autres encore ; pourquoi l’Italie semble-t-elle être un pays phare en matière de musique de film ?
Ce n’est pas une tradition
Que pensez-vous du cinéma de genre italien actuel, en déclin par rapport aux années 60, 70 et 80 ?
Il est presque mort
Comment travailliez-vous, à l’origine ?
La méthode a changé