“Playlist” : Thierry Coljon retrace ses souvenirs de critique musical au journal “Le Soir”. Editions Luc Pire, 192 pages, 21 euros, en librairie dès le jeudi 15 novembre 2012.
Peter Gabriel, So. Avec Sledgehammer, Peter décroche son premier numéro un américain. Red Rain, Big Time, Don’t Give Up avec Kate Bush, Mercy Street, In Your Eyes… Mais il n’y a que des tubes.
Etienne Daho, Pop Satori. Cette fois, ça y est. Étienne est sacré leader d’une scène pop française qui s’émancipe enfin de la bonne vieille chanson, en lorgnant de l’autre côté du Channel.
Paul Simon, Graceland. Le chanteur folk des années 60 et 70 connaît un regain de succès grâce au flair incroyable qui le pousse, en plein apartheid, à chanter avec des musiciens noirs sud-africains.
The The, Infected. Matt Johnson ! Qu’est-il devenu ? Avec Mind Bomb et cet album-ci, il impose un univers oppressant absolument magique. Du génie à l’état pur.
The Waterboys, This is the Sea. Mike Scott appelait ça la Big Music. Un romantisme échevelé passant par des perles comme The Whole Of the Moon ou Be My Enemy.
Sade. Impossible de ne pas craquer pour la belle Nigériane, le 22 février à Forest National.
Pink Floyd. Je les vois le 10 juin à Nantes, au stade de la Beaujoire.
Madness. Fin de tournée très arrosée, sur la scène du Manhattan de Louvain, le 4 avril. Le même mois que Simply Red, le 30.
Jean-Jacques Goldman. Le 1er mai, JJG nous donne rendez-vous à Forest National qui deviendra sa salle fétiche.
Crowded House. Premier concert belge, au Biérodrome d’Ixelles, le 10 octobre.
Thierry Coljon revient sur les souvenirs et anecdotes qui ont marqué ses 30 ans de journalisme musical dans «Le Soir».
La mémoire nous joue souvent des tours. Lors du dernier passage en Belgique d’AC/DC, lesoir.be ressort une interview d’Angus Young parue dans « Le Soir » en 1986. Je me demande qui a bien pu, à l’époque, réaliser cette interview quand je découvre, ébahi, ma signature. Je n’avais donc gardé aucun souvenir de cette rencontre… téléphonique. Le guitar hero australien y défendait sa version du rock’n’roll en concluant par un délicieux : « Je me sens bien dans mes petites culottes et je respecte les femmes parce que ma maman en a été une. »
Je n’oublierai par contre jamais ma première et seule rencontre avec Yoko Ono, à Amsterdam, dans cette même suite de l’hôtel où, avec John, elle avait réalisé, en 1969, un de ses fameux « bed in » pour la paix dans le monde. Si elle se plie à l’exercice de l’interview, sortant du silence depuis la mort de John, moins de six ans plus tôt, c’est pour tenter de remplir (en vain) l’auditorium Q de la V.U.B. Yoko, charmante, accepte de ne parler quasiment que de John (« Si ses chansons sont si puissantes, c’est parce qu’il se sentait très proche de la souffrance des gens. Ça venait de son enfance malheureuse et de la violence qui régnait à Liverpool. Enfant, il ne pouvait voir ni son père ni sa mère. »). Quand je lui confie que j’étais à New York à la grande veillée funèbre en l’honneur de John, quatre jours après sa mort, Yoko, le visage défait, craque, au bord des larmes : « John représentait le monde entier ». Elle propose à son manager de nous prendre en photo avec mon appareil. Malheureusement, l’homme ne fera aucun réglage et la photo sera floue.
Des rencontres marquantes, j’en aurai eu en cette année 1986. Miles Davies qui, en pleine mini-conférence de presse, répond à ma question en s’interrompant pour demander : « Pourquoi tu me regardes comme ça ? », avec ses yeux perçants et cette voix d’outre-tombe. A ce moment-là, j’aurais voulu disparaître six pieds sous terre. Little Richard et ses mains baladeuses au moment de la traditionnelle photo-souvenir. Stephan Eicher, dans sa roulotte, avant ce surréaliste concert du 22 juin, à la première (et dernière) édition du Festival Rencontre du Treizième Type, à Liège, le soir d’un certain Belgique-Espagne qui allait nous propulser en demi-finale du Mundial mexicain de football. Le concert était à ce point passionnant qu’on a raté la première mi-temps du match, avant d’en aller voir la suite et fin chez Jean-Marie Wynants et faire la fête toute la nuit.
On s’est aussi beaucoup amusé avec Stéphanie de Monaco et son « Ouragan » dans un verre d’eau. Après le rencontre exclusive de la princesse (et tout le cirque des gardes du corps qui va avec), un facétieux appel au procès contre “Le Sdu satirique « Pan », suite à notre insolence littéraire, et la saisie après deux éditions (y en avait cinq à l’époque) d’un texte trop salace sur les lolitas (selon notre directeur-rédacteur en chef Yvon Toussaint, c’était une première en un siècle d’histoire du journal, oups !), ce fut le concert au Cirque royal en 1991. Première d’une tournée mondiale qui s’est arrêtée là, histoire d’arrêter les frais. Je regrette toujours de ne pas avoir acheté le t-shirt avec l’inscription « World Tour »… sans mention d’aucune ville ni date.
Plus sérieusement, je retiendrai de cette année 1986 ma première rencontre avec un des plus grands : Peter Gabriel, venu à Bruxelles seul, sans manager, pour quelques interviews d’une heure. Une gentillesse, une modestie, une intelligence qu’il me sera donné, avec ou sans Marc Ysaye, de revivre trois fois. Des moments uniques qui, chaque fois, me feront dire : je fais le plus beau métier du monde.
THIERRY COLJON
Bonus internet : VINCENT QUITTELIER