“Playlist” : Thierry Coljon retrace ses souvenirs de critique musical au journal “Le Soir”. Editions Luc Pire, 192 pages, 21 euros, en librairie dès le jeudi 15 novembre 2012.
Prince, Lovesexy. Après Sign O’ the Times, Prince remet ça, avec autant de verve et d’imagination, le tube Kiss en prime.
Leonard Cohen, I’m Your Man. L’album du grand retour pour le troubadour canadien, avec First We Take Manhattan, Take This Waltz et Everybody Knows qui, entre chœurs féminins et synthés, osent un son moderne.
Sinead O’ Connor, The Lion & the Cobra. La turbulente Irlandaise livre un premier album qui restera à jamais son meilleur, grâce à cette rage et cette innocence qu’elle perdra malheureusement par la suite.
Midnight Oil, Diesel & Dust. Le militant australien Peter Garrett, pas encore ministre de l’environnement ni acteur, livre avec Beds Are Burning un manifeste explosif qui donne envie de faire la révolution.
The Pixies, Surfer Rosa. Avant Doolittle et le succès, ce Surfer Rosa est tout aussi réussi, avec le fameux Where Is My Mind, ressuscité par Placebo en 2003, et Cactus repris par Bowie en 2002.
George Michael. Le Faith Tour passera bien par Paris-Bercy le 30 mai mais la date belge sera annulée en raison d’un problème à la gorge de George.
Arno. Arno devient une vedette en France. Le 11 juin, il remplit l’Élysée Montmartre.
Michael Jackson. Michael met pour la première fois les pieds en Belgique. Ce sera le mardi 23 août à Werchter.
Tom Tom Club. La moitié de Talking Heads se retrouve le 24 octobre – pour mon anniversaire – à la Gaité, rue Fossé-aux-Loups.
Steve Winwood. Au Royal Albert Hall, le 2 octobre, ça change tout.
Le bilan 1988 : Les femmes et le beat
Thierry Coljon revient sur les souvenirs et anecdotes qui ont marqué ses 30 ans de journalisme musical dans «Le Soir».
Ces deux-là, on aura passé les années 80 à les mesurer, à les comparer, à les opposer : Michael Jackson et Prince. Tous les deux seront à un mois d’intervalle (le 23 juillet à Anvers pour le second, le 23 août à Werchter pour le premier) sur scène en Belgique. Tous les deux, je les ai croisés, à Rome et Paris.
Michael n’était encore jamais venu en Europe. Après la folie Thriller, il avait été obligé (par son père) de tourner aux Etats-Unis avec ses frères. Ensuite était sorti Bad, l’album de toutes les émancipations, avec cette première européenne du Bad Tour, le 23 mai à Rome (comme il est marqué sur ce polo Fred Perry qui vaudrait son pesant d’or sur ebay mais auquel je tiens beaucoup). Après le concert spectaculaire au stade Flaminio auquel Sony (qui vient de racheter CBS en janvier) a convié toute la presse européenne, les 700 invités se retrouvent au palais Taverna. Michael dîne avec Sophia Loren dans un salon privé pendant qu’avec Jean-Luc Cambier de Télémoustique et Nicky de Neef de Sony, on se retrouve, par mégarde, à la table des gardes du corps qui se révèlent très sympas et bavards avec nous jusqu’à ce qu’ils nous demandent notre métier. Journaliste ? Malaise : ils ne peuvent, par contrat, parler à la presse. Ils cèdent gentiment leur place aux musiciens de Michael. On aura beau remplir leurs verres pour les faire parler, ils ne tomberont pas dans le piège. On en était là dans nos vaines tentatives quand, brouhaha, Michael passe en coup de vent, nous salue d’un petit geste de la main et d’un sourire timide… suivi, quelques minutes plus tard, par Sophia, elle aussi chaleureusement applaudie par l’assemblée. On restera plusieurs jours à Rome pour s’en remettre.
Le 8 juillet, je me retrouve à Paris pour la première mondiale du Lovesexy Tour de Prince. Depuis ce premier concert à l’Ahoy de Rotterdam, le 19 août 1986 (suivi par Forest le 27), je ne le lâche plus d’une semelle compensée. En 1987, j’ai vu trois fois (à Paris, Utrecht et Anvers. Oui, oui, j’ai gardé tous les tickets !) le délire scénique du Sign O’ the Times Tour. Et là, à Paris-Bercy, c’est une fois de plus un vrai régal. Françoise Hardy, Laurent Voulzy, Nicola Sirkis et Louis Bertignac prennent leur pied mais on ne les retrouvera pas sur l’île du Bois de Boulogne où une after party très privée est organisée. On y file dès la fin du concert, à 23h45. Le bac nous dépose parmi les mannequins d’ébène, le couturier Azzedine Alaïa et l’actrice Mathilda May. La soirée buffet s’éternise quand son altesse Prince débarque avec sa cour à 2 heures du matin. Grâce à Jacqueline, son attachée de presse française, je parviens à me glisser jusqu’à lui pour serrer sa main gantée et lui dire que son concert était génial et que nous sommes nombreux à l’attendre à Anvers. Les yeux fuyants, le sourire timide, il me répond yes, avant de se réfugier derrière ses dulcinées Cat et Sheila E.
Prince commence à s’ennuyer. Les mondanités, ce n’est pas son truc. A 3 heures, tout le monde lève le camp. La rumeur circule : tout est prêt pour un concert « improvisé » aux Bains-Douches. J’y file. A 4 heures, Prince monte sur scène, entouré de son groupe pour 1h10 d’un concert fou que je vis, marchant sur les pieds du photographe Jean-Baptiste Mondino, le nez dans la queue de cheval de Mathilda May. A 5 heures, Paris s’éveille. Le pavé est humide et on est là, hébété de joie et de fatigue. Il est l’heure de rentrer à Bruxelles.
THIERRY COLJON
Bonus internet : VINCENT QUITTELIER