La playlist 1991 de Thierry Coljon

“Playlist” : Thierry Coljon retrace ses souvenirs de critique musical au journal “Le Soir”. Editions Luc Pire, 192 pages, 21 euros, en librairie dès le jeudi 15 novembre 2012.

5 albums

Nirvana, Nevermind. Telle une bombe dans le jeu de quilles des grosses productions finissantes, ce disque inspire toute une génération et son succès millionnaire fausse les règles du business. Kurt Cobain ne s’en remettra jamais vraiment.
 
 
 
Massive Attack, Blue Lines. Sorti, sous le nom de Massive, en pleine guerre du Golfe, ce premier album des Bristoliens lance le mouvement trip-hop, maître des genres croisés.
 
 
 
 
U2, Achtung Baby. Brian Eno et Berlin, Dublin et la chute du Mur… Tout cela inspire à U2 un disque noir, comme la société dirigée par les médias envahissants. Prophétique ! Avec One en cerise sur le gâteau.
 
 
 
 
Red Hot Chili Peppers, BloodSugarSexMagik. Rick Rubin décide de muscler ce groupe californien trop dilettante. Un sérieux qui passe par Give It Away et un paquet de titres cinglants. Ça ne rigole plus !
 
 
 
 
Primal Scream, Screamadelica. Mêler le rock des seventies à la techno, telle est la tâche réussie de ce troisième album du groupe anglais, sorte de cousin tout aussi camé de Nirvana.
 
 

5 concerts


Iggy Pop. Avec That Petrol Emotion en première partie de ce concert au Brielpoort de Deinze, le 20 janvier.

Michel Sardou. C’est ça aussi, le professionnalisme : voir une seule et unique fois Sardou sur scène, le 22 février à Forest.

Deep Purple. Il faut avoir vu ce groupe au moins une fois dans sa vie. Pourquoi pas le 8 mars à Forest National.

Fredericks Goldman Jones. D’abord au Vélodrome Jacques Anquetil de Paris – sous la pluie – le 6 juin, puis à Forest le 13 décembre.

Carole Laure. On a toujours craqué pour la belle Montréalaise. Et encore plus ce soir du samedi 16 novembre au Théâtre de La Louvière.

Principaux articles de cette année-là

MC Hammer : Caprices d’artistes, caprices des dieux ?
“Powaqqatsi” : Les jours guerriers de Phil Glass
Morrissey : Morrissey en a Marr des Smiths
Jean Ferrat : Jamais résigné
Léo Ferré : Pas mort, le vieux copain
Frank Sinatra : l’interview
Viva Brasil : Quand le Brésil fait son show
Le bilan 1991 : Perles et diamants, et la percée des produits belges
 
 

back to 1990 / go to 1992
 
Table des matières

Sinatra et les fils d’Ipanema

Thierry Coljon revient sur les souvenirs et anecdotes qui ont marqué ses 30 ans de journalisme musical dans « Le Soir ».
Si quelques belles capricieuses ont nourri le précédent épisode, les hommes, parfois, ne sont pas moins des divas. Ainsi, en 1991, la star du moment n’est autre qu’MC Hammer, aujourd’hui oublié. Sa conférence de presse, quelques instants avant sa première européenne à Rotterdam, fut des plus surréalistes. Arrivé en salle de presse avec deux heures de retard, le rappeur américain a été accueilli par des journalistes excédés dont des Espagnols et Italiens au sang chaud qui ne l’ont pas lâché avant qu’il ne s’excuse et se justifie, avant de se lever, la queue entre les jambes, au bout de cinq minutes.
A Forest, un dimanche, il nous refera le coup de l’interview accordée en dernière minute, sans prévenir. J’accepte de mettre un terme à un barbecue campagnard et me rapatrie fissa à Bruxelles avant d’apprendre, dans les coulisses de Forest-National, que mister Hammer n’a que cinq minutes à me consacrer. S’étonnant de ne pas me voir enregistrer l’entretien, il l’interrompt, appelle l’attachée de presse qui ne peut, déconfite, que lui traduire ma réponse : pour ce qu’il a à me dire en si peu de temps, ma mémoire suffit.
On préfère de loin les caprices artistiques de gens comme George Michael qui, à Birmingham, dans le cadre d’une tournée mondiale se limitant à quatre villes (Londres, Tokyo et Rio), prendra un malin plaisir à ne chanter, pour l’essentiel, que des standards soul et funk, sans reprendre son dernier single que Sony venait de publier. Tout cela devant les pontes de la firme japonaise qui avaient tout payé rubis sur ongle. On connaît la suite : le procès et le divorce.
De belles rencontres émailleront encore cette année, inaugurant une décennie qui sera la plus généreuse et la plus folle en la matière – ce sera la dernière avec des firmes de disques aux humeurs dispendieuses.

Il a fallu aller à Los Angeles pour craquer devant le charme de la belle quadra rousse Bonnie Raitt ; à Venise pour voir la première de la tournée européenne par Phil Glass, du film Powaqqatsi, avec grand orchestre live ; à Paris pour rencontrer Michael Stipe de R.E.M. ; à Bordeaux pour voir Noir Désir et parler avec Bertrand Cantat ; à Gand pour enfin décrocher une interview de Morrissey, quelques minutes avant son concert au Brielpoort de Deinze ; et à Marciac pour comprendre après un déjeuner chez le chef étoilé André Daguin – spécialiste du foie gras de canard – pourquoi Wynton Marsalis, grand gourmet, venait si souvent à ce festival pyrénéen de jazz.
Mais c’est à Bruxelles que les deux « Magnifiques » de la chanson française sont venus pour nous parler : Jean Ferrat et Léo Ferré. Deux grands moments d’autant plus chéris que notre Gainsbourg tant aimé s’est barré cette année-là.
Et puis il y a les interviews impossibles comme celle de l’idole de mon enfance, Frank Sinatra – que j’écoutais dans les jupes de ma maman fan entre les fans – qu’il ne sera possible de réaliser que par fax interposé. Une frustration que le concert au Sportpaleis (le premier en Belgique depuis seize ans, qui sera aussi le dernier) aura vite fait d’étouffer. Je ne sais toujours pas qui de maman ou de moi avait les yeux les plus humides.
Une autre histoire d’amour se nouera avec le Brésil, découvert en 1990, grâce à Jean-Michel De Bie et le festival bruxellois Viva Brasil sponsorisé par un avionneur portugais. J’y retournerai en 1991 et 1994 avec, pour guides, Gilberto Gil, Milton Nascimento, Gal Costa, Caetano Veloso, Jorge Ben, Marisa Monte, Chico Buarque… et enfin le grand Tom Jobim, au bord de sa piscine avec vue imprenable sur le Corcovado, quelques mois avant sa mort. Des rencontres exceptionnelles d’artistes surdoués rappelant quel formidable vivier musical le Brésil nous offre depuis un demi-siècle.
THIERRY COLJON

Bonus internet : VINCENT QUITTELIER


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