Le 24e festival de Dour s’est achevé dimanche, après quatre jours de fête au « Boue Lagoon ». Malgré la pluie, le festival a rassemblé 148.000 spectateurs. Face à eux, Battles, The Bots, Dinosaur Jr et autres vieux rappeurs ont assuré, avant le barnum attendu des Flaming Lips.
Il est 21 heures 30 en ce dernier jour de festival. Les Flaming Lips s’apprêtent à jeter des confettis dans la boue, à dessiner des arcs en ciel dans les nuages plus ou moins noirs et à extraire ce qu’il reste d’énergie aux survivants. Les Dourois toujours présents sur le site de la Machine à Feu, qu’on pourrait rebaptiser le « Boue Lagoon » en ce dimanche pluvieux, sont héroïques…
Ils auront finalement bien fait d’attendre : la fin du monde version Wayne Coyne est festive, hédoniste et se célèbre dans un océan de terre liquide sur lequel on rame en se marrant. A distance, avec les reflets du soleil couchant, on dirait parfois aussi une patinoire… Et pendant ce temps, le barbu fait joujou dans sa bulle, pose des questions angoissantes (« Is David Bowie dying ? ») et transforme les lieux en lampe à lave géante. Raconte qu’il a vu des gens couverts de boue s’éclater comme jamais. Puis empoigne sa guitare et nous raconte une fois encore l’histoire de cette Yoshimi qui se bat contre des robots roses. S’interrompt pour calmer deux mudfighters, reprend puis s’en va. Et comme promis, donne du canon à confettis dès son retour sur scène pour le rappel, classique : « Do you realize ? » « That everyone you know someday will die ? » C’est sûr Wayne, mais pour l’heure, on est tous dans le même bourbier, avec les mêmes sourires.
Flaming Lips @ Dour – Wayne Coyne dans sa bulle
Dimanche, les citernes et les pompes se succèdent autour du Dance Hall, manifestement le coin de la plaine qui souffre le plus des ondées, de la boue et du passage incessant des festivaliers. L’accès au chapiteau a même été barré le temps de faire procéder au pompage de l’eau stagnante. Lattes disjointes, devenues miraculeusement élastiques et jets liquides y agrémentent la circulation du public. Quelques chiffres ? Ces deux-ci en tout cas : 7 tonnes de foin ont été réparties sur la plaine de la Machine à Feu pour l’éponger autant que possible, et 50.000 litres d’eau ont été évacués de ce même Dance Hall. Ça donne une bonne idée de l’état des lieux : à l’heure où les rappeurs français de Sexion d’Assaut riment sur la Last Arena, les fans les plus jeunes massés au pied de la scène ont les pieds noyés.
On se demande évidemment combien on aurait dénombré de festivaliers sous un grand soleil. A titre de comparaison, nous sommes 148.000. Contre 161.000 l’an dernier, soit 3.000 de moins par jour. Mais tout de même 32.000 campeurs !
De ce 24e festival de Dour – 233 concerts, 14.810 minutes de musique -, on retiendra le passage explosif d’un Battles retrouvé et la claque The Bots, deux frangins afro-américains de 15 et 19 piges, héritiers des Bad Brains. On se souviendra des chapiteaux blindés dès l’après-midi jusqu’au bout de la nuit par des clubbers en transe. De la bonne tenue des vieux rappeurs. The Pharcyde en live. Doom en mode karaoké. Et d’autres « anciens », mais rockeurs cette fois : Dinosaur Jr, toujours plus intense et parlant sur scène qu’à l’interview. Du soleil distillé dans le rap d’un Kaer. De cette Cannibal Stage baignant dans l’euphorie à l’heure où s’y produit The Experimental Tropic Blues Band…
Droopy Gentleman, Baxter Dury, la classe toute british, charme le Club Circuit Marquee avec sa pop bancale, les tubes de son Happy soup et le magnifique « Cocaïne man ». Il y a du peuple. Dour n’a pas encore dit son dernier mot. Pendant ce temps d’ailleurs, les furieux Celebral Ballzy excitent le Dance Hall avec un punk hardcore qui a les crocs.
L’an prochain, le festival aura lieu du 18 au 21 juillet. Les organisateurs ont décidé pour l’occasion de réclamer le même statut météorologique spécial que les parcs d’attraction !
Julien Broquet et Didier Stiers