“Playlist” : Thierry Coljon retrace ses souvenirs de critique musical au journal “Le Soir”. Editions Luc Pire, 192 pages, 21 euros, en librairie dès le jeudi 15 novembre 2012.
Alain Bashung, Fantaisie militaire. Et si La nuit je mens était la plus grande chanson jamais écrite par celui qui, ici, malaxe de prodigieuse façon mots et mélodies.
Lauryn Hill, The Miseducation Of Lauryn Hill. La chanteuse des Fugees décroche la timbale avec ce premier album solo, un disque parfait, entre rap, soul et ragga.
Manu Chao, Clandestino. Échappé de Mano Negra, Manu revient en douceur et conquiert le monde avec ses chansons surtout espagnoles.
Lucinda Williams, Car Wheels On A Gravel Road. Quand on écoute ce disque croisant country, rock, folk et blues, on est convaincu d’une chose : Lucinda est la plus grande des chanteuses américaines encore en activité.
Garbage, Version 2.0. La réussite du premier album en encore plus fort et dévastateur. Push it !
Jean-Louis Murat. Le Parcours Chanté du Bota proposait le même soir du 28 janvier Murat, Zézé Mago, Cornu et –M-.
James Taylor. Son grand retour européen passe par le Barbican Hall de Londres, le 31 janvier.
Jean-Jacques Goldman. Au Zénith de Lille, le 15 mai, avant Forest le 10 octobre.
The Smashing Pumpkins. Dans les jardins du Botanique, le 28 mai, histoire de créer l’événement.
Massive Attack. D’abord à Forest, le 5 juin, avant l’AB, le 27 novembre.
Garbage : Trois hommes et une femme
Helmut Lotti : Mauvais cycliste mais bon chanteur
Baly Othmani : L’homme chantant du désert
Thierry Coljon revient sur les souvenirs et anecdotes qui ont marqué ses 30 ans de journalisme musical dans «Le Soir».
Il ne faut pas nécessairement être une star pour attirer un journaliste rock au pays des étoiles. Quand, en 1996, je bois une bière avec Philippe Manche dans la loge de Garbage au Vooruit de Gand, je suis loin de me douter que deux ans plus tard le groupe allait devenir énorme, tout en restant d’une simplicité non dénuée d’amitié.
Quand je débarque en mars à Madison, Wisconsin sous la neige, c’est déjà la nuit. Cassé par ce long voyage et le jetlag, je file en taxi à l’hôtel, heureux de trouver une chambre et un lit. A peine couché, le téléphone sonne. C’est Butch Vig qui se demande, au bar, où sont les Belges ? Et ce sera comme ça durant quatre jours, avec Butch, Steve et Duke rejoints par une Shirley qui n’est pas la dernière à faire la fête. Comme si à Madison, il n’y avait que deux choses : des bars et le fameux Smart Studio où Butch et Nirvana ont maquetté l’album Nevermind. On se reverra souvent avec Garbage, à T/W, au Beach, à Bourges ou, en 2001, une nouvelle fois à Madison. Ces quatre-là sont des vrais camarades qu’on a été heureux de retrouver en 2012.
On est toujours content de voir un Clapton sur scène à Boston ou un Dylan à Copenhague. Mais il n’y a pas que le rock dans la vie. Il y a aussi les girafes, les éléphants et un safari en Afrique du Sud avec Helmut Lotti, qu’on retrouvera à New York l’année suivante, avant d’écrire – à la demande de Luc Pire – un livre concernant son succès. Comme quoi, tout peut arriver dans la vie. Une leçon à tirer néanmoins de tout cela : non, le genre musical adopté par Helmut (à l’époque « goes classic ») n’est vraiment pas mon truc, non il ne s’agissait pas de prétendre que ses disques étaient géniaux et qu’il fallait les acheter, sous prétexte que son producteur et sa firme de disques avaient trouvé les moyens de nous « corrompre ». Mais en allant au-delà du contenu musical, il est possible d’analyser un phénomène et un modèle économiques et surtout de mieux connaître un artiste qui s’est toujours montré charmant, acceptant nos réticences artistiques avec la plus grande des modesties. Ça devait être dit.
Plus sérieusement, il y a des moments de grâce où on oublie tout, où tout – le fait d’être journaliste, d’écrire sur la musique, de rencontrer des stars dans de beaux hôtels – , où tout cela disparaît au moment de se retrouver face à soi-même, à la vie, à l’éternité. C’est ce qui m’est arrivé, à l’invitation du promoteur de concerts Philippe Kopp, avec mon collègue Damien Bodart, dans le désert du Tassili, dans le sud algérien, à Djanet pour être précis. Après le stress d’un stop obligé à Alger – encore en pleine guerre civile, il nous a fallu une escorte armée pour pouvoir nous rendre dans la casbah – on découvre le monde des Touaregs et en particulier la philosophie humaniste de Baly Othmani, chanteur et musicien mais aussi chirurgien à ses heures. Un personnage fabuleux qui nous recevra chez lui et nous accompagnera même pour une nuit dans le désert à la belle étoile, quand, autour du feu, il nous chantera les plus belles berceuses pour accompagner notre sommeil aux mille rêves. Sans doute la plus belle nuit de notre vie. Merci Philippe, merci Baly !
THIERRY COLJON
Bonus internet : VINCENT QUITTELIER