Personnage, univers et voix atypiques sur la scène francophone : Barbara Carlotti est tout cela à la fois. Pour sa tournée, elle proposera une setlist essentiellement constituée de titres extraits de son nouvel album, L’amour, l’argent, le vent. Complétés par deux ou trois autres plus anciens. Et d’une éventuelle reprise choisie selon l’humeur du moment. Peut-être du Brigitte Bardot. Les Shangri Las. Ou « Seasons in the sun ». Celles-là, elle les a déjà faites siennes. « Comme l’album est très nocturne, nous avons aussi bossé « Les nuits de la pleine lune » d’Elli et Jacno. Et je me demandais si on ne ferait pas « A forest » de Cure ! » Entretien.
Vous faites partie de ces artistes qui travaillent mieux la nuit ?
Je suis assez insomniaque. Et la nuit est beaucoup plus propice à la concentration, et à la créativité d’une certaine manière. On est dans un autre espace-temps. J’ai beaucoup bossé la nuit, sur cet album, et j’aimais bien ça.
Et cette fois, vous avez aussi beaucoup écrit en voyage…
Le voyage et la nuit ! Au Japon, j’étais souvent toute seule. J’étais même toute seule dans le bâtiment : j’étais logée à l’Institut français de Tokyo, c’était au mois d’août et il était fermé. Du coup, j’étais seule dans un immeuble des années 30, c’était dingue. J’avais la salle de cinéma pour travailler, il y avait un piano, et j’avais loué les services d’un prof de Kyoto qui venait me donner des cours tous les deux jours, un prof de shamisen qui venait m’apprendre des chants de geisha. Il y avait une grande terrasse, j’ai passé beaucoup de temps là, la nuit, à écrire… C’était assez étrange.
Un peu « Lost in translation » ?
Ah oui ! Complètement. Les Japonais ne sont pas des gens au premier abord très ouverts, il faut un certain temps… Et du coup, j’ai passé toute une partie de mon voyage seule. En plus, je débarquais quasiment du Brésil, c’était hyper-étrange ! Donc j’ai beaucoup découvert le Japon par la musique, j’allais voir des concerts qui avaient déjà commencé parce que je me perdais dans les rues. J’étais un peu paumée, mais en fait, ça ne me déplaisait pas parce que c’était un peu l’idée du voyage.
Cette envie de partir au Brésil, au Japon, à l’origine, c’était juste parce que vous aviez entendu de la musique, un instrument ?
L’idée était surtout de sortir vraiment de chez moi. De Paris, de France, de ma façon d’écrire habituelle. De voir d’autres choses parce que je sentais que ça se rétrécissait autour de moi. Il fallait que je trouve quelque chose de plus ouvert dans le son, dans la musique. Et ma façon d’aborder ça, c’est d’aller chercher ailleurs.
Mais vous aviez des « points d’entrée » ?
Quand je suis partie au Brésil, j’avais vraiment les Tropicalistes en tête. Caetano Veloso, Os Mutantes que j’avais beaucoup écouté, ou Tom Zé que j’ai même essayé de rencontrer là-bas. Mais comme on jouait le même soir que lui, on n’a pas pu. Finalement, j’ai fait la connaissance de sambistes qui m’ont montré plein de percussions… Le Brésil, c’est une nation qui est unifiée par la musique, c’est ça que j’allais trouver. Et puis ses paysages, l’atmosphère, la façon de vivre des gens : toutes ces choses-là influencent le travail. C’était à la fois aller flâner quelque part, prendre des impressions, vivre des expériences, et en même temps explorer une musique qui me plaisait et que j’avais en tête.
Notamment de l’électro !
Au Japon, il y a beaucoup de groupes expérimentaux un peu électro qui sont super-intéressants. C’est d’abord à cause d’un film comme We Don’t Care About Music Anyway que je suis allée au Japon. On y voit des barges qui font des trucs pas possibles ! Certains mélangent la musique traditionnelle avec de l’électronique super-pointue. J’avais vu ce film-là à la Maison de la Culture du Japon, à Paris. J’avais appelé les mecs. Ils ne m’ont pas répondu mais du coup, je suis partie au Japon avec cette idée d’être dans un mélange. Pareil qu’au Brésil : une musique traditionnelle mais réactualisée. Sauf qu’au Japon, c’est encore plus trash.
Et l’Inde, alors ?
Quand je suis partie en Inde avec mes musiciens, on avait écrit un certain nombre de chansons. Nous sommes entrés dans un studio à Bombay, la nuit. Un sitariste qui fait plein de percussions vocales et joue de l’harmonium est venu nous rejoindre. Nous avons essayé des choses avec lui et gardé que ce qui nous semblait vraiment intéressant pour les chansons.
Vous chantez avec Philippe Katerine, sur cet album… Très sagement, finalement !
Ah mais je lui ai dit d’arrêter de chanter comme Philippe Katerine ! Je voulais qu’il s’exprime plus simplement. Il chante super-bien. En même temps, vu ce qu’on chante, c’est assez drôle qu’il soit calme comme ça. C’est aussi une chanson un peu aquatique, elle a quelque chose de suspendu. Elle est assez solaire, positive. Je dirais que c’est une chanson bleu turquoise !
Didier Stiers
À voir mercredi 18 juillet, à 20 h 00 au Salon bleu.
La playlist des francos: