La jolie surprise El Gusto

Le chaâbi, cette musique populaire algéroise (et même « la » musique populaire algéroise), est un mélange addictif de mélodies berbères, andalouses et de chants religieux. Il dit le blues de la casbah, aujourd’hui encore, même si c’est avant la guerre d’indépendance qu’il a connu son âge d’or. Mais foin de cours d’histoire : c’est ce blues-là qu’El Gusto est venu « exalter et exulter » (sic) à Esperanzah ce samedi soir.

Par instants, le « Buena Vista Social Club d’Alger » dégage un petit quelque chose de délicieusement suranné. El Gusto n’est pas un groupe mais une « équipe ». Qui ne donne pas un concert mais un « gala ». Et les musiciens n’y jouent pas d’intros mais des « préludes » !

Voilà pour la forme. Et pour le fond, comment ne pas se sentir repartir quelques décennies en arrière quand est par exemple évoquée la figure tutélaire du chanteur et compositeur Elie « Lili » Boniche en filigrane de « On m’appelle L’Oriental » ? Ou d’« Alger Alger » par Paul Sultan au piano ? Mêmes sensations quand Luc Cherki à la guitare reprend « Je suis pied noir »…

Si la soirée se déroulait sur le ton du « c’était mieux avant », elle ne serait pas aussi emballante. Rien de tout ça non plus, heureusement !

Alors ils sont tous là, ces anciens élèves du maître El Anka, retrouvés et réunis par la documentariste Safinez Bousbia (voir le reportage de Philippe Manche à Alger). Au milieu de l’équipe (donc) : Abdelmadjid Meskoud, en Monsieur Loyal espiègle derrière sa mandole, qui n’en peut plus de changer de paires de lunettes ! Il règne ce soir comme un petit parfum d’impro, mais aussi de réunion de famille. Une famille qui a casé tant bien que mal ses pianos, luths, violons et percussions, son accordéon et sa contrebasse sur la scène Côté Jardin.

De cette scène montent des airs sans cesse plus amples au fil de chaque chanson. « El haraz » ? On ne comprend pas tout – ce style, c’est aussi en berbère et en arabe -, mais on devine l’humour de certaines d’entre elles. Tenez, comme celle qui parle du thé et du café : « Deux excitants ! » (sic) Et puis, oui, il y a cette touche hypnotique dans le chaâbi, de transe euphorisante que dégagent tous ces instruments progressivement à l’unisson. A un moment d’ailleurs, Mohamed El Ferkioui, le miroitier par lequel la réalisatrice a remonté la piste de ces « anciens », n’y tient plus et dépose son accordéon : bonnet toujours sur le crâne, le « papy » s’en va esquisser quelques pas de danse devant ses camarades.

El Gusto joue comme si ses membres n’avaient jamais arrêté. Avec une complicité évidente. Et une envie tout aussi visible de faire plaisir, jusqu’au « rappel », l’attendu « Ya rayah », classique du chaâbi signé Dahmane el-Harrachi, aussi repris en son temps par Rachid Taha. Alors, « effet Buena Vista Social Club » ou pas ? Pareil : voir une bande de septuagénaires (au moins, pour certains) jouer et chanter tout en s’échangeant quelques plaisanteries, inviter de la sorte à la fête et au partage, ça fait juste du bien. Merci messieurs !

Didier Stiers
(Photo : René Breny)

El Gusto – “Ya rayah” @ Berlin Jazz Festival
Rachid Taha – “Ya rayah”

 

 

Didier Stiers

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5 Comments

  1. sohib

    5 août 2012 à 17 h 55 min

    La musique chaâbi s’appuie sur 09 modes musicaux. 08 modes proviennent de la musique arabo-andalouse comme: moual,zidane,ghrib,jarka,araq,sika,mezmoum,ramel maya. le neuvième mode s’appelle Sahli.
    * La chanson ya rayah de Dahmane El Harrachi par exemple est composée dans le mode Sahli

  2. sohib

    6 août 2012 à 0 h 26 min

    El Haraz, un texte en arabe marocain.

  3. M

    6 août 2012 à 14 h 22 min

    Encore une Jolie Surprise! Sympa, le gimmick. =)

  4. Vandekerckhove

    7 août 2012 à 12 h 16 min

    Heu,
    je me permets un bémol…lors de ce concert, j’ai vu le site se vider au fur et à mesure tellement cela n’était pas dans l’ambiance….

    Mon seul bémol du festival et avis partagé par d’autres participants.

  5. fayçal

    11 septembre 2012 à 16 h 13 min

    je suis un fan de chaabi depuis mon enfance et c’est normal puis que mon papa était fan aussi de hadj m’hamed el anka a l’époque ou le chaabi était nouveau né et a mon tour moi aussi je suivais le meme chemin que mon père je me souviens chaque vendredi matin la journée commence par les chanson de hadj mhamed el anka je me susi grandi comme ça puis a la découverte de ces élèves tel que guerouabi et boudjem3a el ankis el koubi mahdi tamache chercham hassane said mais moi mon avion a aimé tout ces aérodromes sauf que celui de amar ezzahi m’a fort attiré c’est une question de goût en gardant toujours el hadj el anka sur les cieux de chaabi (( et dans le désespoir que c’est les dernier jours de chaabi wellah j’ai senti ça, et j’ai perdu le gout d’entendre ces nouveau chanteurs qui ne respecte pas vraiment cet merveille crée par el anka )) mais après que j’ai vue le film documentaire de mademoiselle safinez et voir le concert de bercy bennn mon vieux c’est la renaissance c’est la réincarnation, tout le monde nous parles du passé qu’il était beau joli charmant et ils nous montrent l’impossibilité de le revivre tellement qu’il était fort en émotions mais safinez a pue nous faire vivre ça puis que ils sont vivants et c’est l’essentiel ( ils ont fait un travail avec le coeur de la nostalgie je ne sais pas quoi dire ( merci a tousssssss)

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