L’électro fait Le Bœuf

Ce n’est pas la première fois qu’on s’intéresse à l’électronique, au Palais des Beaux-Arts. La musique des machines s’y fait entendre depuis quelques années déjà, sous différentes appellations. L’avant-dernière en date : Bozar Electronic Music Festival. Et sur ses cendres, voici qu’est né le Bozar Electronic Arts Festival, BEAF pour faire simple, lequel a débuté hier et s’achèvera ce samedi… par une « party » en bonne et due forme organisée à l’hôtel Bloom. Petit mode d’emploi, et chronique de la soirée de jeudi…

L’intitulé indique clairement la direction prise : pluridisciplinaire. En d’autres termes, trois jours certes pour bouger, mais aussi voir et même penser, trois jours d’arts visuels, de films, de photographie et d’autres formes d’expression encore au carrefour de tout cela.

Si vous êtes de ces accros aux applis pour smartphone, le Beaf servira aussi de rampe de lancement à Beat Bang, « application ludique de La Médiathèque de la Communauté Française de Belgique, destinée à faire découvrir les musiques électroniques de 1988 à aujourd’hui grâce à 500 disques de référence. » En démo pendant les trois jours du festival, elle sera bientôt disponible sur l’Apple Store et Google Play. Nous y reviendrons.

Trois jours, c’est amplement le temps qu’il faut pour s’imprégner de cette nouvelle philosophie, une philosophie à laquelle le pedigree fourni de l’Australien/basé à Reykjavik Ben Frost colle à merveille. Ce jeudi, sa venue au Bozar, avec Daniel Bjarnason et les cordes de la Sinfonietta Cracovia était une première : entre sons post-industriels et musique orchestrale, il a ainsi « revisité » Solaris, le film-culte de Tarkovsky dont on appréciera définitivement l’interprétation en images manipulées signée Brian Eno. Notre avis ? Voyez ci-dessous ! Le duo dub Hype Williams ce vendredi juste après le warm-up de DJ Sofa, la club music qui fait le buzz, celle des Américains de Nguzunguzu, vendredi toujours, le Belge Geoffroy samedi (incontournable de l’électro de qualité – voir ses soirées « Leftorium ») : voilà quelques-uns des autres invités de cette édition inaugurale. Les intitulés changent, la qualité reste…

Didier Stiers
Info : www.bozar.be et 02/507.82.00.

 

A écouter au Bozar ou chez soi : Geoffroy recommande…
1/ Silver Apples.
Les ancêtres de l’électro, parce qu’ils eurent un jour l’idée de faire joujou avec des oscillateurs, actifs depuis 1967  nonobstant quelques interruptions ! Simeon Coxe poursuit seul depuis la mort en 2005 du batteur Danny Taylor.
2/ The Field. Fidèle au label Kompakt depuis 2004, le Suédois Axel Willner se balade entre micro house et techno minimale. A écouter entre autres choses, son album From here we go sublime.
3/ Gold Panda. Quand il s’agit d’expérimenter avec des rythmes complexes et des samples de voix, Derwin Lau le Londonien est probablement l’un des artistes les plus intrigants de la corporation. Il a vécu au Japon, d’où ces influences asiatiques qui parsèment son électronique.

 

Beat Bang et autres théories : la chronique de Nicolas Alsteen
La première édition du festival Bozar Electronic Arts a commencé ce jeudi à Bruxelles.  Envahis par le beat, acquis à la cause des dernières innovations visuelles et technologiques, les couloirs du Palais des Beaux-Arts sont entrés dans une dimension façonnée par les musiques synthétiques. Très chic.

Lancé sur trois jours, le festival illustre d’emblée son envie d’ailleurs en conviant les symphonies de Music For Solaris sous les voûtes de la salle Henry Le Bœuf. Grand trip transversal, le projet emporte le public à la croisée des chemins. Entre cinéma et digressions visuelles, musique classique et électronique, la représentation scelle une rencontre aussi réelle que virtuelle entre artistes issus d’horizons lointains. Philosophe du bruit, réinventeur du noise rock, l’Australien Ben Frost est associé au compositeur islandais Daniel Bjarnasson le temps d’une relecture symphonique d’un classique du cinéma russe (Solaris, Andrej Tarkovski, 1972). Derrière les deux hommes, l’ensemble du Sinfonietta Cracovia orchestre des projections mises en images par le producteur Brian Eno (Talking Heads, Bowie, etc.) et son fidèle bras droit, Nick Robertson. Visuels en mutation et musique en mouvement : le voyage proposé est de nature contemplative. On est loin des percées soniques habituellement imaginées par Ben Frost. Pour le coup, la (dé)connection est totale.

Pour revenir à la musique dans son plus simple appareil, on monte à bord de la machine à remonter le temps. On part à la rencontre de Silver Apples, formation culte de l’ère primaire : l’électrozoïque. C’est qu’en 1968, ce duo new-yorkais – initialement composé de Danny Taylor et Simeon Coxe – a posé les jalons du beat minimal, psychédélique et répétitif en signant un premier album (Silver Apples) moderne et avant-gardiste. Depuis, le monde a changé et Danny Taylor s’en est allé (1948-2005). Aujourd’hui, le vieux Simeon Coxe bidouille seul et hulule comme un hibou à la lune. Il n’y a pas grand-chose à voir. Certaines modulations de fréquence entrouvrent un sublime espace-temps rétro-futuriste. Du reste, on campe souvent aux portes de l’ennui.

En se promenant dans le dédale agencé par Horta, on tombe nez-à-nez avec une étrange installation audio-visuelle : « Rheo: 5 horizons ». L’œuvre du Japonais Ryoichi Kurokawa se compose de cinq écrans et autant d’enceintes. L’ensemble représente la dynamique du son et des images sous la forme d’un diagramme. On n’y comprend rien, mais c’est plutôt beau : une boucle kaléidoscopique de plus de 8 minutes. À force, ça pique un peu les yeux.

Si on attendait beaucoup de la rencontre entre l’électronicien anglais Andy Votel et le duo expérimental Demdike Stare, on doit rapidement déchanter : un loupage d’avion est venu annuler la collaboration. L’énorme surprise de la soirée revient à la création de Robin Fox. L’Australien manipule le son et la lumière. Synchronisé avec le beat, le faisceau laser découpe la réalité et la fait pivoter. Comme un feu d’artifice dans l’espace, ce show restitue la géométrie du son en trois dimensions. La musique est martiale et minimale, mais l’expérience maximale.

Au bout de la nuit, le duo britannique Forest Swords remet la musique au centre des débats avec ses textures organiques vrillées de dub, de bruits blancs et de pulsations hypnotiques. Juste de quoi repartir la tête à l’envers.

N.A.

 


 

Didier Stiers

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