Makyzard : “L’impro, c’est la source”

C’est en 2009, à Esperanzah, qu’on l’a d’abord croisé, Mathieu D’Angelo. Sur la petite scène, face au public qui lui lançait les mots à partir desquels improviser. Ébouriffant ! « Avec moi, il y avait un cajon, une guitare et un dj. C’était très MacGyver, quand j’y repense ! » Trois ans plus tard, on le retrouve assis à la terrasse de l’Union…

Quatorze septembre… C’est son anniversaire. Et nous sommes à quelques jours d’un concert dans le cadre du Rallye Chantons Français. Rien ne semble avoir changé : « Maky » est toujours aussi passionné par son art. Pareil. A deux petites choses près : il s’est déniché dans ce coin de Saint-Gilles un trois pièces en enfilade (« Hyper lumineux, pour écrire, c’est terrible ! »), et il le tient enfin, ce premier album ! C’est pas trop tôt, quand on est rappeur depuis plus de quinze ans, et slammeur depuis six ou sept !

« Je me suis toujours dit qu’il fallait qu’on sorte un truc. Tu donnes des ateliers à des petits qui sont déjà là avec leur « street cd », alors que toi… Imagine ! » S’il dit « on », c’est parce que son projet porte le nom de MAKYzard et comprend les musiciens avec lesquels le disque en question, Embraser le calme, s’est finalement fait. Rap et sonorités acoustiques y font bon ménage. La guitare flamenca est celle de l’ami Marolito. Une rencontre décisive : « Voilà trois ans qu’on se connaît, surtout à travers la réalisation de l’album. On a quelque chose d’identique : il est prof de morale, je donne des ateliers d’écriture mais un peu avec la même démarche. Ce qu’il aime dans le rap, c’est ce que j’aime aussi… »

Ses ateliers, Maky l’assistant social qui a repris ses études sur le tard après s’être égaré en route, c’est en général aux 12-18 ans qu’il le donne. « Dans le cadre scolaire, des humanités générales… Parfois aussi avec des jeunes qui sortent ou qui vont entrer en IPPJ. Des « jeunes » au sens large quoi, qui sont dans leur rôle comme on l’est un peu tous. Mais quand tu prends le temps de leur parler, tu vois qu’ils ne sont pas de si mauvaise composition que ça. » Sans perdre de vue que nombre d’entre eux écouteront peut-être plus facilement un Kery James qu’un préfet ou un dirlo… « S’il y a une Star Academy, il y a aussi une Rap Academy. Ma génération sait les dégâts que ça a causé : les faux rêves, à quel point ça peut monter à la tête… Ne rien leur dire, c’est de la non assistance à personne en danger. »

Parce qu’ à 36 ans, il arrive à un moment de sa vie où, comme d’autres, il s’est demandé quelle était sa spécialité, « Maky » a lâché le bic, l’outil pourtant indispensable du poseur de rimes. « L’impro, c’est la source, c’est le moyen d’être au plus près d’un morceau, en termes d’intention comme d’intonations. Si tu écris, tu vas réfléchir à ce que tu vas dire, t’adapter à une structure, et ce ne sera plus exactement la même chose. Ce n’est jamais aussi fluide que l’impro. Avec elle, tu peux aussi bien être sur le beat que le survoler, y revenir… »

Et puis, il y a la voix : dans cette configuration, il aimerait lui donner une autre fonction. « Je voudrais la travailler comme un instrument. Je ne suis pas chanteur, mais quand j’improvise, j’arrive à certains moments à choper des intonations de reggae, de ragga, ou à la Nougaro. Il y a cette magie… » Et cette force, aussi : « Quand je suis en impro, il y a un moment où je visualise les mots, et je parviens à des combinaisons que je n’arrive pas du tout à faire dans mon écriture. »

Septembre, c’est pour les artistes aussi le mois de la rentrée. Et des projets. Un clip, c’est sûr, de nouvelles scènes, et pourquoi pas la France ? Mathieu dresse le bilan de son été : arrivé un peu tard pour les festivals (les bookings se règlent bien au préalable, disons en décembre/janvier), il n’en a pas moins fait l’ouverture de Bruxelles-les-Bains et le BSF. « A chaque fois, il y avait déjà un public, et l’espace continuait à se remplir au fur et à mesure du concert. J’ai remarqué, et c’est une grosse fierté, qu’il y avait de tout : tranches d’âge, classes sociales… Et comme j’en discutais avec Odilon (Ndlr : son dj), quand tu as la moitié des gens présents qui voient du scratch pour la première fois, c’est kiffant ! Comme d’entendre souvent cette réflexion : J’aime pas le rap, mais ça, j’aime bien ! » Prêcher des convertis n’a jamais été son truc !

Didier Stiers
(Photo : Roger Milutin)

Prochains concerts : 24 novembre à la Maison du Peuple de St-Gilles, 25 novembre au Festival Zéro-18 à Bruxelles, 22 février 2013 au Centre Culturel de La Louvière et 5 mai 2013 à l’Inc’Rap Festival à Incourt. Infos : www.facebook.com/MAKYzard.

 

Didier Stiers

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