Raphael prend le temps de vivre

Raphael publie lundi Super-welter, son sixième album. Réalisé et joué à deux avec son producteur Benjamin Lebeau, ce disque ne sera pas suivi d’une tournée. Rencontre avec un artiste qui privilégie la vie à sa carrière.
Raphael revient déjà, deux ans après Pacific 231. Mais cette fois, il n’y aura pas de tournée. Parce qu’il a envie de faire les choses autrement, de ne pas s’enfermer dans un cycle infernal. Il nous dit de quoi sa vie est faite.
L’idée de ce disque était de tout faire à deux, à la maison…
Oui, c’est à peu près ce qui s’est passé. J’avais déjà travaillé avec Benjamin sur « L’apiculteur » de Bashung et sur « Le bar de l’hôtel » pour le disque précédent. J’aime bosser avec lui. On a commencé à faire des maquettes. Il me renvoyait habillées ou déstructurées les démos que je lui envoyais. Ça me plaisait ce que j’entendais. On pensait aller en studio mais on aurait perdu ce côté brut, ce son, ce charme…
Ce disque ne contient que dix morceaux totalisant 35 minutes…
C’est bien, je trouve. Il y avait plein d’autres choses mais j’aime les disques courts. Je viens de l’époque du vinyle. Après onze ou douze chansons, j’ai un problème de concentration. Je pense que c’est pareil pour les gens. Aujourd’hui, avec internet, on achète titre par titre. Je n’aime pas les disques longs. On perd un sentiment, une unité. D’habitude les chansons que je n’utilise pas, je les jette. Parfois, ça arrive que je les place, comme « Port coton », pour le disque de ZAZ. Elle datait de quelques années. Je trouvais qu’elle lui irait bien. Sinon, j’aime travailler à la commande, sans sortir de vieux plats.
ZAZ, tu as eu du flair en étant un peu son parrain dans le métier. Son succès a dû te faire plaisir. Est-il prévu de poursuivre la collaboration…
Rien n’est prévu, non mais je serais ravi de retravailler avec elle. ZAZ a beaucoup de talent…
Produire tout un album d’un artiste, ça te plairait ? Et qui de préférence ?
Oui, ça me plairait. Il faut trouver la personne. Ça prend beaucoup de temps, il faut très bien s’entendre. J’adorerais travailler avec Christophe. J’apprendrais beaucoup.
De là à en faire un métier, comme Benjamin Biolay…
Non. Je travaille beaucoup mais je fais aussi beaucoup de trucs personnels : je peins, j’écris, je voyage. Je ne suis pas un boulimique de collaborations. Stephan Eicher, c’est par amitié que je vais passer quelques jours chez lui ou alors ZAZ, c’était parce qu’elle n’était pas connue…
Tu peins, tu écris, tu enregistres ton album à la maison… Tu deviens très casanier…
J’ai envie d’être avec ma famille (Ndlr. Raphael a un petit garçon de 4 ans, Roman, avec l’actrice Mélanie Thierry). C’est pour ça que je ne veux pas tourner sur ce disque. J’aime l’idée de faire à bouffer tous les soirs à mon petit garçon ou lui raconter une histoire. J’ai besoin de perdre du temps, de rêver, de rien foutre. J’aime voyager aussi. Je rentre du Canada et dans quinze jours, je vais à Cuba avec ma femme. En décembre, j’irai en Asie, je pense…
Parlons du disque. C’est la première fois qu’un artiste préfère ne pas donner les paroles avant une interview…
Je ne les mets pas non plus dans le livret. C’est de la modestie, oui. Je suis fier de ces paroles mais elles n’ont pas besoin d’être reproduites. C’est de la pop.
Chaque chanson est comme un petit film. Tu as d’ailleurs réalisé toi-même le clip de « Manager », le premier single. On pense au « Modern love » de Bowie dans le film de Carax, avec le mec qui court…
Ça ne parle pas de ma manager, c’est vrai (Ndlr. Caroline « fille de » Manset). C’est une chanson d’amour et l’ennui en amour, les risques à prendre. Sans doute que le film Mauvais sang a dû traîner dans un coin de ma tête.
D’habitude, tes clips sont réalisés par Audiard, Dahan, Assayas, Benchetrit…
J’avais envie d’essayer quelque chose moi-même, que je n’avais jamais fait. Le scénario, le casting, le découpage, le montage… J’ai adoré faire ça.
C’est vrai que tu n’arrêtes pas. Tu as aussi fait du théâtre l’an dernier, avec Emma De Caunes, « Pour l’amour de Gérard Philipe » de Pierre Notte, au Théâtre La Bruyère…
C’était d’autant plus courageux que l’expérience a été très douloureuse pour moi. Je n’ai pas aimé ça. J’étais assez mauvais, je crois. Je ne suis pas fait pour le théâtre. L’idée d’aller au même endroit tous les jours me rendait très malheureux. Je voulais apprendre, c’est tout. C’est comme un voyage raté.
As-tu eu d’autres propositions au cinéma, après le Lelouch (« Ces amours-là ») ?
Oui mais rien qui ne m’ait tenté. Je n’ai reçu que des propositions nulles. On me demande aussi souvent des chansons mais la vie est courte et je n’ai pas envie de faire des trucs qui me font chier.
Si Audiard – qui a fait ton DVD live – te demande, là tu dis oui…
J’aurais du mal à refuser, oui. Mais je ne serais pas à l’aise, je ne suis pas acteur. Je trouve incroyable, ce DVD. Autre chose que les trucs pourris qu’on a l’habitude de voir partout. Il a transformé ce concert en concert de rêve. C’est nouveau, j’en suis très fier.
De ne pas défendre ces nouvelles chansons sur scène entraîne le risque qu’elles ne trouvent pas leur public…
Je ne crois pas que le fait de tourner fasse marcher un disque. Sinon pour des groupes comme Louise Attaque ou Tryo. J’adore ce disque, c’est mon préféré, avec Caravane. J’aimerais le défendre sur scène. Mais j’ai trop joué. Ce cycle est épuisant, trop répétitif. Je fais des disques régulièrement… Je viens souvent… Ça sera frustrant car j’adore ces chansons, mais peut-être que dans un an…

Raphaël : “J’ai trop joué” by Guitariosott

Propos recueillis par THIERRY COLJON

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