Avec « Fade », les Américains de Yo La Tengo signent un album classique, qui ne dépareillera pas leur impeccable discographie.
Bruxelles, 31 octobre 2012, La Fleur en Papier Doré… Ira Kaplan vient de s’installer à une petite table, dans la pénombre. Il est inquiet : à des milliers de kilomètres, l’ouragan Sandy a frappé Hoboken, entre autres, provoquant l’inondation de la moitié de la ville. C’est de ce coin du New Jersey que Yo La Tengo est originaire, et le chanteur/guitariste du groupe y a de nombreux proches.
« Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, me dit-il en achevant d’envoyer un mail avec le portable de son attaché de presse, mais dans mon pays, les gens qui ont des opinions politiques comme les nôtres sont constamment accusés de ne pas l’aimer, d’être antiaméricains. Mais regardez ces photos, ajoute-t-il sur un ton un peu las… Voir la ville que j’aime dans cet état, ça me serre le cœur. » Yo La Tengo pas patriote ? Parce que le trio serait opposé à la guerre contre la terreur, ce genre de choses ? « Ils disent cela car ce sont des… saligauds », répond Kaplan avec un petit rire.
Sur le même ton, il évoque ensuite « des choses difficiles vécues par le groupe », mais refusera poliment d’en dire plus à ce propos. Si ce n’est qu’il y voit un motif de plus d’être heureux de faire de la musique ensemble, et que c’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles Fade, le nouvel album, dégage ce petit quelque chose de paisible.
On dit souvent du trio de Hoboken que s’il n’a pas vendu des millions de disques, nombreux sont en tout cas ceux qui lui ont piqué quelques idées. Et qu’il figure à coup sûr parmi les « inventeurs » de genres comme la lo-fi, le grunge ou le nu-country. Ce qui est sûr par contre, c’est que même au bout de 30 ans de parcours, Ira Kaplan, James McNew et Georgia Hubley ne voient pas poindre l’ennui à l’horizon. « Nous avons écrit douze morceaux pour illustrer un documentaire live de Sam Green à propos de l’architecte Richard Buckminster Fuller et nous l’avons accompagné sur scène. Nous allons sortir un album fait par Georgia, un disque sur lequel elle joue un morceau de guitare électrique de 19 minutes, inspiré par un concert solo qu’elle avait fait à la demande de quelqu’un. Nous jouons parfois à des mariages d’amis pour lesquels nous écrivons aussi des morceaux… En fait, les choses que nous avons envie de faire ne manquent pas. »
Depuis 2001, et quasi tous les ans, Yo La Tengo monte sur scène à l’occasion d’Hanoucca, la fête des lumières du judaïsme. Le groupe s’est également embarqué dans une série de concerts au cours desquels une roue, un peu comme dans les foires, déterminait la set-list… « Nous aimons bien les rendez-vous un peu traditionnels, dit Ira, qu’il s’agisse d’événements annuels ou d’autres projets hors tournée. » Eprouvent-ils le besoin ou l’obligation de se réinventer sur scène ? « Je ne pense pas que ce soit obligatoire. Quand nous essayons quelque chose que nous n’avons jamais fait auparavant, ça traduit plus l’âge du groupe… Nous croyons, et nous savons, que chacun de nos concerts est “unique”, même si c’est parfois plus évident, comme lors de ce Wheel Tour. »
La musique qu’on entend aujourd’hui n’inspire pas plus que ça nos trois Américains. « La plupart du temps, quand nous faisons des références musicales, c’est de vieille musique qu’il s’agit. » Vieille de combien ? « Oh… de la musique des années 40 aux années 70. » De quoi ne pas se laisser emporter par les remous agitant une industrie qui a bien changé, en 30 ans ? « Est-ce que nous nous y sentons à l’aise ? Je ne sais pas si l’idée du confort est appropriée. C’est excitant, j’aime ça, je suis content d’avoir la possibilité de jouer. Vraiment. Si ça ne dépendait que de moi, et ça ne dépend pas de moi, je préférerais que moins de gens entendent notre musique et plus de gens l’achètent. Mais comme on ne me demande pas mon avis… »
Yo La Tengo en concert le 16 mars à l’AB.
Notre critique de l’album et l’écoute intégrale
eaulivier
31 janvier 2013 à 22 h 10 min
Même si j’ai un faible pour Painfull et I can hear your heart… Le dernier est effectivement très bien. Vivement l’AB.