On a pu entendre, ce mercredi matin, aux studios ICP d’Ixelles (garant d’un son parfait), ce très attendu album de David Bowie. The Next Day paraîtra finalement le 8 mars, dans une version deluxe de 17 titres.
Cet album, en un mot, est rageur, pour ne pas dire dévastateur. Sur des rythmes lourds et des riffs de guitares incisifs, Bowie n’y va pas par le dos de la cuiller. The Next Day décoiffe. C’est le disque d’un artiste qu’on croyait retiré du monde, uniquement soucieux de sa famille qu’il élève downtown Manhattan. Il n’en était rien. Bowie a bien préparé son coup. Communiquant par un contrepied aux usages actuels, refusant de parler, laissant ses musiciens commenter la chose sur le net, Bowie frappe fort. Il a la niaque. Les deux premiers singles (« Whe Are We Now » et « The Stars (Are Out Tonight) ») ont beau se pencher sur son passé et sa célébrité, le reste du disque est une charge cinglante sur le monde tel qu’il est devenu. Et ça dégage…
Voici ce qu’il en est, morceau par morceau.
The Next Day
Riff rock’n’roll pour l’intro d’un titre où Bowie retrouve sa voix forte et enragée. Guitare et voix en avant. David vient nous dire qu’il est là, bien vivant, avec des solos de guitares dévastateurs. « Work with Satan while they dance like saints… Here I am, not quite dying, my body left to rot in a hollow tree. »
Dirty Boys
Bowie reprend son sax baryton pour une voix passée au vocoder. Un blues hanté. Riff haché, saccadé, de guitare. Break brutal. La basse de Gail-Ann est ronflante. Un petit solo de sax et c’est fini… Trop court !
The Stars (Are Out Tonight)
Deuxième single, plus joyeux et rythmé que le premier. Bowie s’amuse avec son passé qui le hante comme le baiser de la mort qui l’a frôlé. La vacuité de la célébrité vue par celui qui a tout connu et a survécu à tout. La guitare électrique est toujours leader. Dans le film, Bowie affronte son passé, avec une Tilda Swinton savoureuse en ménagère troublante face à une jeune fille ressemblant au Bowie seventies cheveux orange. « The stars are never sleeping/Dead ones and the living », dit-il philosophe.
Love Is Lost
Rythmique lourde, plombée, répétitive, avec un riff de guitares la déchirant tel un orage dans la nuit… Longue nappe d’orgue ascendante. « Oh, qu’as-tu fait, qu’as tu fait ? … Ta peur est aussi vieille que le monde ». Titre menaçant et hypnotique.
Where Are We Now?
On a déjà tout dit sur cette pièce nostalgique de ses « Berlin days », morceau mélancolique presque funèbre. Qui tranche avec le reste de l’album. La bonne blague de David qui nous a effrayés avec son visage déformé et ce semblant d’adieu testamentaire.
Valentine’s Day
Bowie livre ici une mélodie très pop pour un des premiers titres écrits pour le disque et qui ne parle pas de la fête des amoureux. Plus un souvenir aigre d’un gamin affrontant à l’école des gosses plus populaires que lui. Sha la la, sha la la… On n’est pas loin du second degré dans les arrangements solaires. La guitare mène toujours le bal. A croire que ce disque est fait pour la scène (on croise les doigts).
If You Can See Me
Retour à un rythme plus énervé, avec des cassures de rythme assez osées. Voilà le morceau qu’aucune radio ne choisira. Les synthés servent ce titre inspiré par la lecture de livres sur l’histoire médiévale. Bowie met ici nos nerfs à l’épreuve. On en connaît beaucoup qui sauteront ce morceau sur leur iPod. La guitare est ici une épée pourfendeuse d’envahisseurs. Un violoncelle clôt la chanson par un mugissement.
I’d Rather Be High
Bowie poursuit le combat. Il préférerait encore voler dans les airs ou être mort, quitte à tester ces armes sur ces hommes dans le sable. « Teenage sex… » La guitare et le rythme saccadé prouvent que l’homme est fâché.
Boss Of Me
Retour du sax baryton pour ce petit exercice où le narrateur se plaint qu’une fille venant d’un trou perdu puisse devenir son boss. Les chœurs le rejoignent ainsi que cette éternelle gratte incisive pour appuyer le propos qui ne manque pas d’ironie.
Dancing Out In Space
Bowie revient à un titre dansant mené par la guitare de David Torn. Il y a du Eno dans la sonorité de ce funk nous ramenant un peu à Young Americans. Titre « radio friendly » au rythme joyeux sur des distorsions synthétiques délirantes. Mais c’est toujours la guitare qui mène le bal. « No one here can beat you/Dancing out in space. »
How Does The Grass Grow?
Grosse attaque rock avant un « la-la-la-la » en falsetto. La guitare, une fois de plus, détruit tout sur son passage. Titre très rock, un peu absurde, très ironique… Avec ces sirènes tirées de sa période berlinoise. Le final est plus réussi.
(You Will) Set The World On Fire
Un riff dévastateur emprunté aux Kinks : Bowie reprend les armes car « I can hear the nation cry! ». Kennedy et Van Ronk sont cités dans cette charge contre la célébrité. Qui va foutre le feu au monde. Décidément, Bowie est bien remonté et énervé sur ce disque.
You Feel So Lonely You Could Die
Ah, un peu de calme et de tendresse pour ce morceau évoquant la solitude et la dépression suicidaire. La mort, une fois de plus, est au centre, d’une chanson emphatique d’un homme qui sait de quoi il parle. Des chœurs féminins apportent la douceur nécessaire pour insuffler un peu d’espoir. Tout cela sur un rythme de slow presque crapuleux. Très beau moment. « Oblivion shall own you, death alone shall love you. »
Heat
Coups de semonce apocalyptiques en intro. Bowie reprend sa voix de crooner hanté par un Scott Walker funèbre. «And I tell myself : I don’t know who I am ». Morceau un peu schizo sur des guitares inquiétantes. Une quête d’identité qui, finalement, parcourt toute l’œuvre de Bowie. « I’m a seer but I am a liar », avec le violon lancinant qui ne fait rien pour rassurer. A donner froid dans le dos.
Titres bonus sur l’édition limitée :
So She
Titre autrement plus revigorant sur un beat synthétique nous ramenant aux années 80. « The sleeping sky takes the moon so slow ». Toutes les femmes pourront se reconnaître dans cet hommage à « the only one I know».
Plan
Nouvelle charge à la guitare ravageuse sur un beat martial. Très belle intro à la sonorité sale. Les synthés montent… eh oui, il s’agit d’un bref instrumental.
I’ll Take you There
Et voilà encore un titre guerrier pour clore le tout. Bowie nous emmène dans ce monde (USA en particulier) qui lui inspire cette rage, cette énergie, cette fougue passant par – une fois de plus – des riffs vertigineux et une rythmique imposante.
The Next Day à paraître le 8 mars uniquement dans sa version deluxe et, 15 jours plus tard en vinyle (distribution Sony Music).
THIERRY COLJON
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frans # David Bowie
28 février 2013 à 18 h 23 min
Son premier single “Where Are We Now” était cryptique. Est ce qu’il nous montre littéralement que la bouteille est vide?
Voici mon interprétation: https://sites.google.com/site/videowherearewenowfr/
vinz
4 mars 2013 à 14 h 19 min
Pas trop d’accord avec TC…
Certes l’album est dynamique… assez énergique… mais la teinte générale est malgré tout de la pop… C’est malgré tout assez gentil.
Notamment le traitement des guitares bien propres sur elles…
L’album est malgré tout pas mal du tout. Les compositions sont bien foutues et surprenantes et lorgnent du côté de chez Bowie… J’ai l’impression que pour la première fois Bowie ne cherche pas à innover… il a comme revisité les 30-40 dernières années… plusieurs périodes où il était présent… comme s’il avait retrouvé des morceaux de plusieurs époques… Vu la dynamique de l’album j’aurais aimé un son plus “sale”, plus glauque et plus méchant… les synhtés son très 80’s, les guitares plutôt douce amères que franchement distordues (enocre que je n’ai qu’écouté le streaming d’iTunes) ou malsaines…
Au final, je trouve l’album aussi un peu “trop court”. Il y 14 chansons en 53 minutes… et on reste sur sa faim sur certains titres dont le fade out final ressemble plus à un extrait qu’un morceau complet…
Bref, je ne le trouve pas enragé… Certes bien énergique… mais c’est du pur style Bowien. Pour les fans, pleins de références à son passé sont audibles… et le maître est en pleine forme, bien en voix et capable encore de sortir des chansons décentes…
En plus il paraît qu’ils ont enregistrés une trentaine de titres… espérons qu’il y aura bientôt un autre… TU nous as manqué David B.