Ave Portishead!

c HEUNINCKX


Sans réelle actu, Portishead passait dans la région, à la Rockhal d’Esch-sur-Alzette, histoire de relancer la machine et nous rappeler à quel point il est un groupe de classe supérieure.

C’est aujourd’hui bien connu et accepté, Portishead aime prendre son temps. Cinq ans après le miraculeux « Third », qui lui-même était arrivé onze ans après le deuxième album, les Anglais n’ont toujours pas annoncé la suite, même si officieusement, Geoff Barrow a commencé à y travailler en janvier 2012. Le groupe semble fonctionner au rythme d’une dizaine de dates par an afin de garder la machine huilée. Et dimanche, à la Rockhal au Luxembourg, la machine était mieux que huilée! Proche du parfait, Portishead nous a rappelé qu’à vingt ans d’âge, il est un groupe au-dessus du lot. Pourquoi? Parce que!

Le perfectionnisme.
Déjà au niveau du répertoire. Trois albums en vingt ans, c’est peu, mais il n’y a là rien, mais alors rien! à jeter. Mieux, les classiques de la première heure, ‘Glory Box’ en tête, ont beau être connus et remâchés, ils ont gardé leur caractère avant-gardiste. Ajouté à cela, une sonorisation qui laisse entendre toutes les subtilités (de distorsions) sonores et des musiciens qui jouent comme des jazzmen, la note toujours juste et assurée… Car si Portishead s’amuse beaucoup avec les sons informatisés, c’est avant tout un groupe de pures musiciens qui jouent la musique. Et oui, tatie Marcelle!, c’est foutrement bien joué!

Le goût de l’aventure.

Déjà à la base, le trip hop est un mélange de styles et de sons, une musique d’expérimentateurs, de laborantins pop. Mais comment sortir de la cage trip hop sans finir par sonner comme du papier-peint sonore (Massive) ou comme une bouillabaisse mal dosée mal digérée (Tricky)? Seul Portishead a trouvé la solution. Certes, ça leur a pris dix ans! Mais ils ont fini par trouver la brèche, en durcissant le son et en canalisant les informations. Et c’est semble-t-il cette voie que le groupe continue à suivre, à l’écoute de ‘We Carry On’ qui a terminé le concert, ainsi que du titre le plus récent joué dimanche (‘Chase The Tear’ 2009) et du projet Beak> de Geoff Barrow: direction Allemagne et la Kosmische muzik du 3e millénaire. Et en même temps, qui peut prédire ce que donnera le quatrième Portishead? Qui peut assurer qu’il sortira un jour?

Geoff Barrow.
C’est lui le chef d’orchestre, le professeur Tournesol de l’électrique et de l’électronique. C’est lui qui décide de se taire pendant dix ans plutôt que de sortir un disque dont il ne serait pas totalement satisfait. C’est lui qui a trouvé la voie hors des sentiers trip hop et qui continue de fouiller avec ses multiples projets (Beak>, Quakers). Tout ce qu’il touche prend de la valeur (Anika, « Primary Colors » de The Horrors) et nourri Portishead. Sur scène, il passe des scratch aux percus et aux machines, ou s’assied derrière la batterie pour simplement écouter et donner la dynamique. Bref, c’est lui le patron.

Beth Gibbons.
On pensait que les années et le succès aidant, la Beth allait commencer à se sentir plus à l’aise sous les projecteurs. Mais en fait, non. En plein milieu de ‘Chase The Tear’, elle demande d’arrêter, tourne en rond sur scène, semble perdue, paniquée, puis reprend son tour de chant. Un chant toujours juste, au service de la musique, qui, bien qu’il pourrait aisément se perdre dans des envolées surjouées, reste humble et pure. Plein de fragilité et de blues. Sans Beth Gibbons, Portishead ne serait qu’un groupe de producteurs trop sûrs d’eux. Elle est la Nina Simone du trip hop et l’âme du groupe.

Tout ça pour dire… Portishead, un groupe qui vieillit bien. Et comme c’est pas toujours le cas, ça fait d’autant plus de bien!

C.H.

Bonus tracks.
Machine Gun. Du Front 242 qui serait devenu millionnaire. Et cette batterie électronique distordue dans tous les sens qui annonce la 3e guerre mondiale… Le son est énorme, la terre tremble!
Glory Box. Un silence de plusieurs minutes, les musiciens qui se regardent… Uh? Puis un roulement de batterie jazz et le sample d’Isaac Hayes qui lance le morceau. On la connaît par coeur, mais on la découvre de nouveau. Et cette version est simplement splendide, relevée par des musiciens, on se répète, vraiment au-dessus du lot.
Roads. La plus belle chanson du monde, non?
We Carry On. Pour terminer le set, Neu! rencontre Joy Division en 2022, la marche à suivre? Le son est puissant comme un missile patriot, trippant comme un hallucinogène. Pendant ce temps, Beth Gibbons prend un petit bain de foule (oui!) avant de s’enfouir dans les loges.

Tracklist complet.

Silence/ Nylon Smile/ Mysterons/ The Rip/ Sour Times/ Magic Doors/ Wandering Star/ Machine Gun/ Over/ Glory Box/ Chase The Tear/ Cowboys/ Threads RAPPEL Roads/ We Carry On

DIDIER ZACHARIE
Photos: CHRISTOPHER HEUNINCKX





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5 Comments

  1. Hibern

    11 mars 2013 à 15 h 22 min

    J’ai également assisté au concert, cela faisait 16 ans que j’attendais cela et je n’ai pas été déçu !

  2. Spice

    11 mars 2013 à 15 h 56 min

    Je les suis depuis le début. Je trouve l’article très juste dans sa définition du groupe. A regarder leur parcours, on se dit que d’autres feraient bien d’en prendre de la graine. Ici pas de quantité, de la qualité uniquement!
    Pour tout dire, je pensais être décu par leur prestation. A force de combler le manque en épluchant Youtube, je me disais qu’il ne tiendraient pas mes attentes. Et là, pour le premier concert du groupe auquel j’assiste, je dois dire que ca a été la claque!! Un son parfait et une prestation au delà du studio, châpeau bas Portishead!

  3. Nico

    11 mars 2013 à 16 h 12 min

    Pareil que Hibern, ça fait bien 14 ans que j’aime ce groupe, et enfin j’ai eu l’occasion de les voir en concert, et c’était magistral. J’ai aussi beaucoup apprécié le “live show” sur l’écran grâce aux nombreuses caméra dissimulées sur scène (je n’en avait vu que 2 ou 3). Un groupe à voir absolument au moins une fois en live dans sa vie !

  4. flynn57

    11 mars 2013 à 23 h 04 min

    Elle s’est prie d’une envie soudaine de venir toucher le public c’etait assez surprenant. Elle a l’air aussi fragile que quand elle chante. Et les seuls mots qu’elle a prononcé durant le concert son ‘sorry’ et ‘thank you’.. troublante de sincérité ! Mention spéciale pour ‘wandering star’ et ses graves hypnotiques et la sublime ‘roads’.:- P

  5. Dam

    12 mars 2013 à 12 h 33 min

    Concert parfaitement rodé,
    une foule étonnemment venue en nombre, lorsqu’on connait les affluences moyennes de la rockhal …
    Je ne regrette qu’une interprétation “lisse”, certes parfaite, mais sans réelle surprise.
    Autre hic : une bande d’énergumènes lorrains qui n’ont pas arrêté de jacter… Dans ces cas-là, on devrait être autorisés à coller des claques…

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