Madame Zazie aime les risques

Le huitième album de Zazie est moins compliqué que le précédent. Plus grave et plus électro aussi. Rencontre.

Zazie est-elle têtue ou a-t-elle le goût du risque tant artistique qu’industriel ? Il y a trois ans, elle imaginait un septième album, 7, constitué de sept fois sept morceaux selon sept thématiques différentes. Un concept bien compliqué qui lui a valu sa plus mauvaise vente depuis Zen en 1995. Alors qu’elle caracole habituellement entre les 400 et 500.000, ce sont 120.000 pièces qui cette fois ont trouvé acquéreur. Le signal alerte a beau avoir sonné dans le bureau de Pascal Nègre, son boss d’Universal, Zazie revient avec un huitième album qui ne cherche pas la facilité et le commercial.

La chanteuse est venue à Bruxelles pour défendre ce nouvel opus produit par Olivier Coursier d’AaRON.

Quel est ton état d’esprit avant la sortie de ce nouvel album ?

Le trac. 7, les gens n’ont pas très bien compris mais ce n’est pas de leur faute. On a commis quelques erreurs. Je n’ai aucun regret car c’était marrant à faire. Et après, on a pu remettre les chansons où on voulait, à savoir sur scène. L’erreur, c’est que moi, et donc les médias, on a été obligés d’expliquer le concept et en parler, plutôt que de parler des chansons. Mais si j’ai le trac, ce n’est pour ça. Ce disque-ci demande à celui qui l’écoute d’être un peu acteur de la chose. Je n’ai pas l’impression que tout se livre dès la première écoute. Dans un monde d’immédiateté, qui te demande un single, qui doit te faire voyager, j’essaie moi de voir comment me réinventer et le présenter comme j’ai envie.

On découvre un nouveau partenaire – Olivier d’AaRON – et une couleur plus électro, comme par le passé sur scène…

 

J’aime bien AaRON. Je l’ai contacté et on a réalisé ensemble l’album sans aucune velléité ni d’électro ni du reste. Comme le disque était très perso, je voulais quelqu’un d’un peu vierge par rapport à moi. Travailler en famille t’empêche de te réinventer, de te booster. Si c’est plus électro, c’est parce qu’on est tous les deux aux claviers. On a fait ça chez lui, dans un petit studio cave de deux mètres sur toi, parmi les cartons.

Ce disque est donc personnel. Alors, Madame ou « Mademoiselle » comme le dit cette chanson ?

Je n’ai pas la bague au doigt et suis donc demoiselle administrativement. Mais paraît-il que si tu as un enfant, on peut t’appeler Madame. J’avais écrit cette chanson bien avant le débat sur le mariage pour tous. Pour moi, il n’y a pas de débat ou alors c’est l’âge de pierre. On a entendu des propos fascistes. Ces gens, qui ont manifesté contre la nouvelle loi, ont peur de l’inconnu en fait. Ils ont peur de tout ce qui n’est pas eux, ils ont peur des autres. Ils sont conservateurs, ils mettent en conserve des schémas à eux. Pour moi, chacun fait ce qu’il veut.

Le point commun entre « Les contraires » et « Cyclo », c’est la difficulté de l’amour au quotidien…

C’est un souci, des questions que se pose tout le monde. Et moi, ni plus ni moins. Si je suis cyclothymique, ce n’est pas le côté bipolaire de la chose. Ce n’est pas pathologique. Les filles sont de toute manière plus sujettes à ça parce qu’on a des cycles basés sur la lune. Le monde est très cyclo, je trouve. Il suffit qu’Oprah Winfrey vante les qualités de la friteuse Seb pour que l’action Seb le lendemain monte en flèche. On passe de l’hystérie pour pas grand-chose à la grosse dépression. Je participe aussi au système mais j’essaie malgré tout de le phagocyter de l’intérieur et de me réinventer. « Tout » parle de l’immédiateté du désir. Il nous faut tout, tout de suite.

L’autre grand thème récurrent du disque, c’est l’âge et le temps qui passe…

Vieillir ne me fait pas du tout peur. Je ne suis pas reliftée. Je dis qu’il faut un peu se débarrasser des codes que nous impose la société. Nous sommes des victimes mais il faut aussi réinventer ça. Il y a de très belles femmes d’un certain âge : Jacqueline Bisset, Jane Birkin… C’est à nous d’ouvrir ces petites voies-là. Mon mec m’aime comme je suis. La société est assez dure avec les filles. Tu peux être sexy en étant moins belle, séduisante en étant moins parfaite. C’est d’autant plus touchant. « 20 ans », c’est le contraire du jeunisme. La citrouille danse jusqu’au bout de la nuit. Je vois beaucoup de quadras et de quinquas qui se lâchent sans sens du ridicule. Ils sont libres dans leur tête et débarrassés de ces codes imposés. J’ai l’impression que c’est plus compliqué pour ceux qui ont vraiment 20 ans, à cause de la crise, tout ça. On a eu plus de chance qu’eux. C’était plus simple et plus fun dans les années 80.

Sarah Moon a réalisé une très belle photo pour la pochette…

C’est un regard vierge par rapport à moi, après trois pochettes par Laurent Seroussi que j’adore. Quelle fraîcheur pour une femme de 73 ans. Elle n’a pas fait beaucoup de pochettes, à part le Souchon… J’adore son côté très éternel féminin. On n’est plus dans le fashion. Sa photo est un peu floue et énigmatique, comme mon album. J’y ai mis ce climat. Un truc qui ne se la pète pas, qui n’est pas très impactant mais se trouve dans une intimité.

Tu as commencé dans la mode, avant la chanson. Ça t’intéresse toujours ?

Je ne suis pas trop fashion victim mais parfois j’aime bien la légèreté. Pour rendre digeste la profondeur dans le travail. J’adore aussi arriver à la télé avec du H&M. C’est mon petit pied de nez à moi. Ce jeu existe maintenant.

Qu’en sera-t-il du concert ?

Je serai le 6 décembre à Forest National, pour la Saint-Nicolas. Mais avant cela, on a préparé pour ce printemps un set à trois, avec Olivier et Jean-Luc Leonardo. Trois synthés… On va faire des mini-concerts, amener la musique là où il n’y en a pas.

Tu fais toujours partie des Enfoirés…

J’y suis encore cette année, oui. J’y vais sans arrière-pensée. L’an dernier, c’était compliqué, avec une grosse machine un peu déraisonnable. Pourquoi pas retourner aux débuts, avec peu de gens ? Et puis quand tu discutes avec le président des Restos, tu ne te poses plus de questions. TF1 nous l’achète plus cher que les autres, du coup fuck les états d’âme.

THIERRY COLJON

Zazie sera à Forest National le 6 décembre. Infos : www.zazieonline.com

 


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