IAM : «On voulait changer le monde, le monde nous a changés»

iam«Arts Martiens» est le sixième album d’un groupe plus inspiré que jamais et en phase avec le monde. Mélancolique et amer, il renoue avec l’esprit de «L’école du micro d’argent». IAM sera au Dour.
La cour intérieure et ensoleillée d’un hôtel du Onzième arrondissement ce jeudi 25 avril. À table, Akhenaton, Shurik’N, Imhotep, Kheops et Kephren, soit IAM au grand complet, papotent gentiment. Les retrouvailles sont chaleureuses. C’est que les Marseillais sont des gens tout ce qu’il y a de plus normaux, fidèles, droits et intègres.

En quasi deux décennies de rencontres régulières, on a rarement senti le groupe aussi serein et soudé qu’aujourd’hui. La haute tenue de Arts Martiens doit y être pour beaucoup.

Vous étiez partis pour enregistrer un album avec Ennio Morricone. Pour que les lecteurs comprennent bien, ce sont les avocats du compositeur italien qui souhaitaient garder la totalité des droits y compris sur votre travail?

Imhotep: Les compositeurs de musique de film sont en contrat avec les studios. Ces producteurs ont les dents longues. Ils ne voient que des chiffres avec huit zéros. Ils sont dans un autre monde. Quand on a vu les prix de 25.000 euros pour trois secondes de sample, ça nous a refroidis. On garde à l’esprit qu’Ennio est toujours aussi bon mais que ses producteurs sont des truands.

Akhenaton: Tout sample de Morricone utilisé devait comporter le nom de l’œuvre originale. On ne pouvait pas renommer les morceaux. Le disque n’aurait comporté que des titres de Morricone. C’est de l’ordre de l’inacceptable.

Qu’est-ce qui fait qu’«Arts Martiens» soit si proche de l’esprit de «L’école du micro d’argent»? C’est votre méthode de travail?

Akhenaton: La méthode est la même. Nous sommes enfermés dans un même lieu pendant un long moment. Travailler l’épure et le côté brut des instrumentaux.

Ce nouvel album est mélancolique et amer mais pas aigri. Vous êtes d’accord?

Akhenaton: L’amertume d’un constat sur le monde. Des morceaux comme Tous les saints de la terre ou L’amour que l’on me donne sont quand même des fenêtres lumineuses.

Imhotep: Quand on a pris la plume il y a 25 ans, on voulait changer le monde et c’est le monde qui nous a changés. On est des citoyens du monde, on observe le monde et on s’exprime avec les textes et les musiques.

La structure narrative de «Sombres Manœuvres» est intéressante. On est en plein dans un épisode des Sopranos avec deux points de vue…

Akhenaton: Cette histoire-là, sans aller jusqu’au meurtre, c’est le quasi quotidien des jeunes qui grandissent dans les quartiers. Certains empruntent des chemins. D’autres les suivent parce qu’ils veulent conserver ce lien d’amitié. Certains ont du mal à accepter que les gens changent et évoluent. Mon personnage dans la chanson est un suiveur. J’ai des souvenirs d’amis qui se faisaient pourrir parce qu’ils voyageaient. C’est le nivellement par le bas permanent, très présent à Marseille, en France et en Méditerranée.

Du coup, «Notre-Dame veille», ce sont vos sentiments contrastés par rapport à Marseille?

Akhenaton: Ils sont contrastés. C’est bien que tu le dises parce que beaucoup de gens pensent que c’est un morceau négatif. En ce moment, on prend position. Il y a une envie générale de dire que Marseille 2013 (capitale européenne de la Culture, NDLR.) ne répond pas aux attentes des gens. Alors il ne faut pas se servir de IAM comme d’un marteau. Si tu veux des équivalents à Notre-Dame veille, tu te replonges dans Taxi1et tu écoutes Marseille la nuit. C’est l’ennui, tourner en rond. Sauf qu’aujourd’hui, c’est 15 ans plus tard qu’on résume en une phrase: «Marseille la nuit, désert sous réverbère/Le sort vise les mêmes et se tue à te faire perdre/Bocal empoisonné avec plein de locataires».

«Pain au chocolat», c’est la piqûre de rappel suite aux propos démagogiques de Jean-François Coppé?

Shurik’N: Pour certains, c’est juste une phrase de plus mais pour nous, le fait que ce soit juste une phrase de plus, c’est déjà un problème. C’est la banalisation du dérapage depuis les «odeurs» de Chirac.

On parlait d’épure tout à l’heure. Est-ce qu’elle est née en réaction à vos deux précédents disques «Revoir un printemps» et «Saison 5»? Ce nouvel album sonne vraiment comme un retour aux sources.

Akhenaton: Pendant Revoir un printemps et Saison 5 il y a eu des événements personnels dans la vie de chacun. On a vécu des moments difficiles en sortant de notre insouciance des années 90. Saison 5 n’est pas vraiment un album historique mais il n’y a pas eu que de la douleur.

Notre critique *** et l’écoute intégrale

Philippe Manche


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