Il y a des jours comme ça où on a envie de plaisirs simples. Débrancher quelques neurones, penser « feelgood » avec ceux qui restent, et aller écouter un truc qui ne paie peut-être pas de mine mais distille au moins de la bonne humeur pour les jours qui viennent. Seasick Steve joue du blues et du rock sur des guitares douteuses – quand elles ne sont pas fabriquées avec une boîte de cigares, un enjoliveur de bagnole ou d’autres brols invraisemblables -, mais qu’est-ce qu’il fait passer dans une salle de concert, ce bonhomme !
Vendredi, aux Nuits, dans la foulée de Duke Garwood et son étonnant toucher de cordes, ça a carrément duré deux heures. Bien sûr, un type qui chante assis n’est pas très spectaculaire. Même quand un grand chevelu (Dan Magnusson, dans le civil) s’agite à la batterie montée à ses côtés. Pas spectaculaire, mais contagieux comme tout : au troisième morceau, « Self sufficient man », bien rageur, le Cirque bien rempli est déjà aux anges. Les uns bougent la tête en rythme, les autres tapent du pied, et tout en haut des gradins, on en repère même qui se prennent pour des batteurs.
Chez Seasick Steve, tout est dans l’attitude. Dans le plaisir qu’on sent chez lui à balancer du boogie sans fioritures et des vannes, à raconter ses histoires de la campagne (« Down on the farm », extrait du nouvel album, explosif), et à parler de ce qu’il aime : « Il y a des gens qui me demandent ce que c’est que ce bruit qu’on entend au début du disque. C’est le moteur de mon tracteur ! Il n’y a pas de sample de qui ou de quoi que ce soit, sur cet album, c’est mon tracteur ! »
Simple que tout cela, oui, mais pas simpliste pour autant. Quand il va, comme toujours, chercher une demoiselle dans les premiers rangs pour lui chanter « Walkin’ man », bien sûr que ça fait un peu cliché, que la touche d’humour est rodée (« Vous, moi et une guitare, c’est très romantique, non ? »), mais on se surprend à y ressentir un petit quelque chose de plus touchant, quand on voit ce type de 70 balais lui faire la bise (et le baise-main).
C’est aussi le genre de concert dont on peut éventuellement revenir plus instruit. « Chiggers » évoque ainsi ces espèces d’acariens qui vivent dans les hautes herbes du sud des États-Unis et du Midwest, et qui s’intéressent tellement aux organismes à sang chaud qu’ils leur occasionnant bien des démangeaisons. Quand Seasick Steve vous explique quelles précautions prendre et que faire en cas de parasitage, c’est assez savoureux ! Au premier rappel, moins drôle par contre, « Doghouse boogie » est l’occasion pour le bonhomme d’évoquer (en version longue) sa vie chahutée.
Que conclure ? Qu’à 22h45, personne n’a encore envie de rentrer à la maison (et c’est pas faute, pour le barbu, de s’en être inquiété), d’où un deuxième rappel conclu par le remuant « Diddley bo ». Que si ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces, ça n’empêche pas la spontanéité et la sincérité. Et qu’il ne faut jamais se fier aux trucs qui ne payent pas de mine. Prochain rendez-vous : le 8 août aux Lokerse Feesten.
Didier Stiers