Jeronimo, cet attachant zinzin

jeronimoJérôme Mardaga n’est plus fatigué de Jeronimo. Cinq ans après “Mélodies démolies”, il publie un très beau “Zinzin”.Jérôme n’a jamais vraiment arrêté la musique. On l’a beaucoup vu ces derniers temps aux côtés de Saint-André, de Marie France, des Love Drones, de Jacques Duvall, de Marc Morgan, de Benjamin Schoos… Mais point de Jeronimo en vue depuis la fin de la précédente tournée : « J’étais asséché, nous a avoué Jérôme. Tu te retrouves à faire toujours les mêmes scènes… C’était la tournée de trop. Je sentais cette fatigue dès le troisième morceau. Pourtant j’étais content de l’album qui avait été bien accueilli et je traversais une période sereine dans ma vie. En fait, je n’avais jamais arrêté. Il était temps que je mette Jeronimo de côté. »

Jérôme en a donc profité pour servir les autres et beaucoup voyager en leur compagnie, de Londres à Berlin en passant par Paris : « Paradoxalement, j’ai fait plus de musique après Jeronimo que pendant. J’ai aussi produit un album de Marc Dixon et enregistré un album instrumental, Tympan, que je publierai peut-être un jour. En fait, j’ai rechargé mes batteries en jouant les chansons des autres. C’est ce qu’il fallait faire : cherchez un autre éclairage chez les autres. Je suis resté actif, dans un bon rythme. »

Et puis la muse l’a à nouveau taquiné, par hasard, sans crier gare. L’inspiration lui est revenue au moment où il ne s’y attendait pas, sur la terrasse du toit de la maison de son frère, au lac de Garde : « Je n’étais pas du tout dans l’idée de publier un album en 2013. Les chansons sont arrivées d’elles-mêmes, par jeu, à commencer par “ Princesse au regard couleurs ciel de Belgique”. Le reste est venu tout seul ensuite. Elles étaient là. Ce fut une divine surprise. J’ai continué tout seul dans la foulée. »

Les nouvelles chansons de Jeronimo nous font voyager. De « Lac de Garde » à « Ta nuit dans les bras de Berlin », en passant par « Paris petite conne » : « J’aime beaucoup Paris pour ses promenades automnales avec mon amoureuse mais, pour y travailler, j’y ressens une petite pointe d’agacement. J’y ai beaucoup joué du temps de Jeronimo et avec Saint-André. Je n’y apprécie pas l’ambiance du milieu musical. C’est trop ambitieux. Mais cette chanson reste une boutade amicale. En fait, j’aime bien Bruxelles, plus que Liège, car je peux encore y découvrir des rues que je ne connais pas, des magasins de disques où je peux acheter des albums introuvables à Liège. Sinon, j’aime beaucoup Berlin aussi. J’y suis allé avec Mark Gardener, puis Marc Morgan. J’ai toujours été fasciné par les films de Wim Wenders et la trilogie de Bowie. C’est un peu comme la terre promise pour moi. J’ai plus l’impression d’être au centre de l’Europe qu’à Bruxelles. J’y ai pris beaucoup de notes et de photos. Je rêve d’un album à la New York de Lou Reed. »

Frank avant Ayrton

Jeronimo aime le sport. Il aime en parler dans ses chansons. S’il pratique la natation, c’est le vélo qui l’inspire, via un destin exceptionnel, pour la chanson « La mort solitaire de Frank Vandenbroucke » : « La chanson est tout écrite quand t’as une destinée pareille, avec une fin tragique. On l’a porté aux nues puis conspué jusqu’à la mort. J’ai assisté à sa victoire à Liège-Bastogne-liège, en associant ça à un souvenir fraternel. Car, dans la famille, on est plus Formule 1. Je rêve d’écrire une chanson sur Ayrton Senna. Mes parents sont toujours restés en relations commerciales avec l’Italie. Quand on y allait, c’était la traversée des Alpes. Il nous a surtout fait découvrir l’Italie du Nord. Ça a eu un grand impact sur mon frère et moi. Surtout mon frère puisqu’il y vit maintenant. »

Avec l’âge, Jérôme ressent le besoin de retrouver ses racines. L’Italie mais aussi le village de son enfance, Fize-le-Marsal, où il est retourné s’installer : « C’est là où j’habite maintenant, dans une vieille ferme, dans le village de mon enfance. Ça se trouve le long de l’E40, à un quart d’heure de Liège. Et j’ai enregistré le disque dans l’église Saint-Martin. »

C’est là où l’a retrouvé Dominique Duchesnes pour une vidéo à voir sur lesoir.be et pour la session photos. Mais ce disque s’ouvre par une étonnante affirmation : « John Lennon s’est suicidé » : « Un jour, dans l’Eurostar, une personne en face de moi lisait un article, dans un journal anglais, sur les 30 ans de la mort de John Lennon. J’ai imaginé qu’on apprenait seulement maintenant qu’il s’était suicidé. J’aime le décalage un peu surréaliste. C’est comme dans “Elle s’en va tuer un homme”. Ça vient d’une chanteuse québécoise très connue là-bas qui s’est fait entuber par son producteur, j’ai cru qu’elle allait le buter. Elle s’est suicidée l’an dernier après la sortie de son quatrième album. »

Et puis, sur ce disque, on retrouve « Irons-nous voir Ostende ? » dont on trouvait une première version sur le précédent album : « Elle n’était pas achevée. J’ai pensé à Dylan qui fait souvent de longues chansons. J’avais plein de matière à ajouter. C’est un lien avec le passé. Cette version de 12’30’’ va ailleurs. Elle était un peu passée inaperçue et j’ai donc voulu lui donner une seconde chance. J’ai appris que la E40, qui va de Calais au Kazakhstan, est la plus longue route au monde. »

Alors, Jeronimo, définitivement zinzin ? « Pour moi, c’est une allusion à la notion de bruit, un peu désagréable. Plus le double sens avec “ Arrête de faire ton zinzin”. C’est un titre d’album modeste. Une espèce de dérision. C’est une façon décomplexée de présenter le disque, avec ce côté gribouillage. J’ai même pas pensé à Zorro. »

Jeronimo sera le 17 juillet aux Francofolies de Spa, avant sa tournée d’automne.

Notre critique *** de “Zinzin” + l’écoute intégrale sur Deezer

Thierry Coljon


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