A l’ère de la cumbia digitale

Mad_-_La_Yegros_-_1_-_Cr_dit_Pedro_QuintansMachines et instruments acoustiques font bon ménage chez La Yegros. Une révolutionnaire, disent les chroniqueurs, à voir à l’œuvre ce samedi à Esperanzah…

Mélanger musiques traditionnelles et électroniques n’est plus une démarche neuve, mais celle entreprise par Mariana Yegros dans son Argentine natale (elle est originaire de Morón, issue d’une famille venant du nord-est) témoigne d’un respect des racines en même temps qu’une volonté de modernité. Venue du conservatoire, option opéra, La Yegros (prononcez « Chegrosss ») s’est intéressée à des formes de chant plus primitives, africaines et indiennes notamment. La jeune femme sera ce 3 août à Esperanzah ! L’occasion d’apprécier en live les rythmes irrésistibles que distille Viene di me, un premier album, miroir de la scène underground de Buenos Aires.

Qu’est-ce qui vous a détournée du classicisme et de l’opéra ?

En 1998, j’ai pris part à une audition organisée par une compagnie de théâtre alternatif, De La Guarda. J’ai été retenue, et j’ai chanté, pour la première fois de ma vie, devant 10.000 personnes ! C’était vraiment très alternatif, comparé à l’esprit du conservatoire, ça me convenait mieux. Ça correspondait à ma manière de m’exprimer, c’était plus… tribal. Cette expérience m’a réorientée.

Quelles sont les racines traditionnelles de votre musique ?

J’ai incorporé différents styles sud-américains : cumbia, chamamé, milonga, une chanson traditionnelle bolivienne… J’aime mélanger tout ça avec de la musique électronique. Cette fusion, c’est pour moi le moyen de toucher un nouveau public et en même temps donner un petit coup de frais à ces genres plus anciens.

Les musiques traditionnelles n’intéressent plus les jeunes Argentins ?

Cela me semble clair. Prenez le chamamé, que mon père aime beaucoup : c’est typiquement une musique traditionnelle, qu’écoutent les personnes plus âgées. En la combinant avec de l’électronique, j’ai l’impression de créer une connexion avec le passé, les générations précédentes, avec l’histoire de ces jeunes finalement.

Quelles sont les caractéristiques du chamamé, en fait ?

Sur l’album, « El bendito » est un morceau typiquement chamamé : un rythme enlevé, dansé par les gauchos en costumes traditionnels, larges pantalons pour les hommes, grandes jupes pour les femmes… Le ton est joyeux, très dynamique.

Comment ces mélanges prennent-ils forme dans votre travail ?

Je fonctionne d’un côté avec King Coya, le producteur de l’album. Il me propose une sorte de base électronique, sur laquelle je chante et je compose. S’il le faut, nous continuons à développer le morceau à deux, en ajoutant de l’électronique ou en invitant des musiciens à venir jouer de l’un ou l’autre instrument live, comme de la guitare ou de l’accordéon. De l’autre côté, je collabore avec un producteur qui s’appelle Daniel Martin, un ami, qui m’a écrit des morceaux spécifiquement pour cet album.

Vous ne vous êtes pas encore attiré les foudres des traditionalistes ?

Certains aiment, d’autres pas. Mon père, qui adore le chamamé, est très content de ce que je fais ! Mais de manière plus générale, je ne suis même pas certaine que les grands défenseurs de la tradition soient en mesure de savoir où aller écouter ma musique. Par contre, j’ai découvert, avec les concerts que nous avons déjà donnés ici en Europe, qu’il y a pas mal de personnes plus âgées qui viennent nous écouter et dansent pendant les shows. En même temps, ce n’est pas leur culture propre, elles la perçoivent d’un autre point de vue encore…

Didier Stiers


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