Sauvages, ces Savages!

Frontstage - SavagesAprès qu’un certain rappeur encapuchonné ait fait un peu pitié sur la Main Stage avec ses bandes, c’est une autre bande, de filles celles-là, qui a laissé un tout autre genre d’impression. Au Club, les Londoniennes de Savages ont simplement fichu la trouille aux esprits les plus impressionnables. Et impressionné les autres.

 

Oubliez tout ce que vous avez déjà pu lire ou entendre à propos des similitudes entre Savages et Siouxsie & The Banshees. D’accord, difficile de ne pas reconnaître dans la voix de Jehnny Beth (dans la vraie vie : Camille Berthomier – from France) des intonations de la grande prêtresse gothique. Mais il n’y a pas que cela, il y a même bien plus.

A commencer par cette manière d’être sur les planches, d’aller chercher le public, quasiment dans la confrontation, et de déverser sur lui rage, frustration, angoisse et que sais-je encore. Impossible de rester indifférent face à ces quatre filles-là, sur une scène qui n’est pas que théâtre pour elles mais aussi exutoire.

Et il n’est ici pas question de petit short blanc : chez Savages, on s’habille (presque) exclusivement en noir, parce que ce qu’on chante et ce qu’on joue l’est pareillement. Et comme elles l’expliquent (soundofviolence.net), Jehnny Beth (chant), Gemma Thompson (guitare), Ayse Hassan (basse) et Fay Milton (batterie) tordent des préjugés et jouent avec une symbolique féminine. Témoins : « She will », ultra court mais d’une intensité sans nom, ou « On my knees », bien punk pour le compte.

Punk, post-punk, joy-divisionnesque par moments, new wave, posé sur cette basse énorme au son terriblement métallique, Savages admet une « filiation » avec Suicide, de même que Swans, en tout cas pour l’état d’esprit. A apprécier aussi sur Silence yourself, l’album sorti en mai dernier. Duquel est encore tiré, pour clôturer ce brûlant concert, ce Husbands annoncé par une guitare surf/new wave aisément reconnaissable. Avec Parquet Courts, l’un des autres bons plans de ce jeudi à Kiewit.

Didier Stiers

Didier Stiers

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4 Comments

  1. woovee

    17 août 2013 à 19 h 54 min

    “Oubliez tout ce que vous avez déjà pu lire ou entendre à propos des similitudes entre Savages et Siouxsie & The Banshees. D’accord, difficile de ne pas reconnaître dans la voix de Jehnny Beth des intonations de la grande prêtresse gothique. Mais il n’y a pas que cela, il y a même bien plus.” Cher Didier, si vous pouviez nous épargner vos clichés éculés sur Siouxsie, ce serait pas du luxe. Siouxsie a été reprise par LCD Soundsystem, Tricky, Jeff Buckley, et elle est citée en référence par les smiths, PJ Harvey, U2 qui sont tous des artistes gohiques comme chacun sait… Vous semblez faire un amalgame entre le look de Siouxsie et sa musique, et faites exactement ce que certains font pour Cure. Lire à vous de trouver Savages meilleur que Siouxsie And The Banshees, (un groupe cité par une partie des artistes les plus cotés de ces 30 dernières années). On aura décidement tout lu.

    • Rotten

      17 août 2013 à 21 h 03 min

      Etrange… tu as oublié de dire que Siouxsie avait aussi été reprise par Uffie… *** je taquine… elle a aussi été reprise par Ginger Ale, bref… *** 🙂

      Nul doute que le post-punk ressemble au post-punk, et c’est bien là qu’est la surprise avec Savages, spécialement en concert. Ici, il n’est nullement question d’une n-ième parodie (tels The Editors ou Interpol vis-à-vis de Joy Division), mais bien d’un nouveau groupe, dont l’énergie livre bataille avec densité. On me rétorquera : oui, mais en utilisant toutes les ficelles de trucs déjà écrits par d’autres. Je répondrais : à armés égales en terme d’énergie de création artistique, point-barre. Pourquoi ? Il faut les croiser en live pour connaître la réponse. J’ai même envie d’ajouter dans un vrai live, pas dans un festival. Simplement en raison du fait que leur souhait est de faire des concerts, pas des disques ; et qu’elles détestent voir des gens crispés sur leur mobile durant leurs performances, ce qui a le don de me réjouir.

      Habitué des scènes qui ont marqué l’époque (des expérimentations des Virgin Prunes aux différentes branches de l’arbre du genre), je peux témoigner de l’intensité scénique de la chose, qui a sincèrement quelque chose de surprenant. Pourquoi ?

      Si l’on prend un référent (prenons les Cures, par exemple, même si tu n’as pas l’air d’être très enclin à le faire), j’ai envie de dire qu’à l’album Disintegration, tout s’est effectivement désintégré, alors même qu’en terme de déclinaison du post-punk, peu de choses avaient réellement survécu à The Top. Siouxsie, de son coté a poursuivi une route différente à compter de 1991, faisant entrer nombre d’influences (je pense au Japon), dans sa musique. Mais quoi qu’il en soit, ça fait un sacré moment qu’on a pas croisé une telle déflagration scénique, dans ce répertoire très précis. Et à ce titre, ne n’ai même pas envie de jouer le jeu des comparaisons. J’ai beaucoup plus envie de parler de ressenti, celui qui m’indique que je ne mets pas Savages dans la descendance de telle ou telle influence, mais précisément aux cotés des groupes qui ont fait cette époque si particulière. Et ça, c’est pour le moins inattendu.

      Pourquoi (deuxième ?) : en raison du fait qu’on sent que c’est l’énergie qui guide la musique, et non l’inverse. Ca fait très longtemps que ce phénomène ne s’est pas produit, à fortiori scéniquement parlant.

      Dernière chose : il faut remettre les éléments en place. Savages n’en est qu’à son premier album, Siouxsie (avec ou sans Banshees) en compte vingt-quatre, si on englobe le grand tout du catalogue. Ceci donne donc la clé de lecture à utiliser : apprécier le présent pour ce qu’il est, et éviter de jouer à la bataille pour savoir qui est meilleur que qui (ce dont on se fout par-dessus tout). Reste le fait qu’on peut voir effectivement certains points communs, propres à l’appréciation de chacun. Il aurait tout aussi bien pu être question de Ian Curtis dans la crispation scénique, et d’autres si besoin est.

      Mais aucun doute que le fait que Savages s’appelle Savages, joue du Savages, et que je suis extrêmement curieux de connaître la suite de leur histoire musicale.

      • woovee

        18 août 2013 à 1 h 08 min

        “Les bons artistes copient, les grands artistes volent” comme disait l’auteur des “Demoiselles d’Avignon”. Sur scène, elles sont convaincantes, personne ne peut dire le contraire: elles prennent le public de force et arrivent à leurs fins. On parlait de leurs illustres aînés précédemment cités: c’est vrai, il y a chez elles cette urgence et ce même climat fiévreux. Mais cependant, je partage l’avis précédemment donné, Savages n’est pas un ersatz de la scène post-punk même si pour l’instant, elle semblent faire une fixation sur cette période 1978-81 (elles peuvent évoluer). A l’heure actuelle, en plus de l’évident attachement au célèbre groupe mancunien sorti de la factory, on entend des réminiscences des Psychedelic Furs dans leur musique (et pourtant elles n’utilisent pas de saxophone). Il y a ce même son cathédrale… Quoi qu’il en soit, leur musique évoque avant tout les albums The Scream/Join Hands, Pink Flag, la période warsaw et Unknown Pleasures. Il est difficile de ne pas les rattacher à ces disques-là. Mais il n’est pas question de pastiche ici: elles ont assimilées leurs influences pour proposer quelque chose qui leur est propre. Leurs aînés avaient sorti des singles pop avec des hooks catchy: pour l’instant, elles n’ont pas réussi à jouer aussi sur ce tableau-là. “Swinging sweet savages lost in our world”, comme le dit la chanson…

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