L’ancien leader des Talking Heads sera ce samedi 24 août à Bozar. Il y présentera avec St.Vincent « Love This Giant », album commun enregistré par ces deux artistes novateurs. Entretien avec un David Byrne plus libre que jamais.Où êtes-vous » nous demande David Byrne lorsqu’il décroche son téléphone.« A Bruxelles » lui répond-on. « Et vous ? ». « Je suis à New-York, à mon bureau, le soleil brille à l’extérieur, il est 11 heures du matin et il ne fait pas encore si chaud. Par contre, ça va probablement bien cogner cette après-midi ». L’objet de cette conversation téléphonique avec David Byrne, c’est évidemment le concert belge que s’apprête à livrer l’Américain à Bruxelles ce week-end. Autour d’un disque enregistré avec Annie Clark, leader du groupe St.Vincent. Un concert que David Byrne promet très vivant –un brass band accompagne les deux musiciens et chanteurs- et où les répertoires des Talking Heads et de St. Vincent figureront également au programme.
Vous tenez un blog, sur votre site Internet davidbyrne.com, que vous avez beaucoup alimenté lors de votre tournée américaine en y parlant arts, musées, etc. Avez-vous redécouvert la culture américaine ?
Oui, d’une certaine manière. J’ai par exemple visité un ancien studio où se tournaient pas mal de films pornos. C’était intéressant de se rendre compte que c’est vraiment devenu un gigantesque business. Plus sérieusement, j’ai été surpris dans le bon sens, ce fût le cas pour beaucoup de gens, de mon séjour à Des Moines (Iowa). A priori, c’est le coin le plus ennuyeux des Etats-Unis. La plupart des gens s’imagine qu’il n’y a aucune culture là-bas. Dans cet endroit assez particulier, les gens ont trouvé une espèce d’équilibre entre personnes plus riches et d’autres plus défavorisées, un sens de la communauté, pour vivre en harmonie au jour le jour. Beaucoup de groupes de personnes véhiculent des idées utopiques, mais ça peut fonctionner. Quand vous rapportez ces propos-là lors d’un dîner à New York, les gens ne vous croient pas. Ça m’a semblé comme une espèce de poche de résistance.
Quand vous êtes en tournée, et que vous débarquez dans une ville comme Bruxelles, par exemple, vous avez des souvenirs précis de vos séjours précédents. Un concert ? Un musée visité ?
Ce genre de choses, oui. Je me souviens de concerts à l’Ancienne Belgique. En fait, je prends mon vélo en tournée et à chaque fois, j’essaie d’explorer une partie de la ville que je ne connais pas. Ça peut être le quartier africain de la capitale ou un parc. Et pour nous, c’est tellement excitant parce qu’on se balade hors des sentiers battus.
Cette énergie dont vous vous nourrissez lors de ces balades exploratoires nourrit-elle le concert du soir ?
La connexion, je ne sais pas. Parce que j’ignore de quel quartier vient la personne qui assiste au concert. Par contre, si le public est enthousiaste et que nous sentons cette énergie, ça risque de nous transcender encore plus. Explorer la ville nous rend moins cynique par rapport l’endroit où nous nous produisons. Ce n’est pas juste un boulot. Vous vous rendez compte que vous jouez devant une communauté.
Avec les Talking Heads, on restait dans les loges, on faisait notre concert et ensuite, on allait traîner dans un bar. Après un moment, j’ai réalisé combien c’était ennuyeux et que ça pouvait rendre cinglé si vous ne voyez rien d’autre qu’une loge, un bar et une chambre d’hôtel.
Si vous venez à Bruxelles ce samedi, c’est pour présenter « Love this Giant », l’album que vous avez enregistré avec St. Vincent. A la base, c’est une suggestion de l’association Housing Works qui s’occupe des personnes séropositives ?
C’est exact. Ils ont une toute petite salle de concerts, une tout aussi petite librairie et Annie et moi nous nous sommes retrouvés à un concert de Björk et des Dirty Projectors. Dave Longstreth, des Dirty Projectors, a proposé un répertoire inédit spécialement pour l’occasion. C’était inattendu. Quand on nous a approchés, nous nous sommes sentis obligés de proposer quelque chose de nouveau. On s’est dit qu’on allait écrire quatre chansons. Mais on était tellement emballé qu’on en a fait un disque. Ça nous a pris un peu de temps de nous connaître parce que je n’avais jamais travaillé avec Annie. Je ne savais pas si, par exemple, on allait commencer par le texte ou la musique.
Les influences de la Nouvelle Orléans sont très présentes sur ce disque à travers la présence de brass band. C’est votre idée ?
Celle d’Annie. Elle voulait des cuivres et c’est une bonne idée, rétrospectivement. Le son est original et si nous devons jouer dans une petite libraire, on peut le faire avec un orchestre et on a juste besoin de micros pour les voix.
Vous avez dit que vous n’avez jamais travaillé sur un projet de manière aussi étroite avec quelqu’un de toute votre carrière. Pourquoi ?
Par exemple, avec Brian Eno, chacun avait un rôle défini. Avec Annie, il nous arrivait d’écrire la musique à deux. L’un commençait une partie, l’autre rebondissait. C’est devenu un jeu entre nous.
Qu’avez-vous en commun avec Annie exception faite que vous avez tous les deux fréquenté une école d’art?
J’avais entendu sa musique et j’aimais bien son approche mélodique. Elle n’a pas peur et se démarque de pas mal d’artistes par son originalité. Elle est très novatrice dans la manière de construire des morceaux. Je sentais que c’est là que nous avions quelque chose en commun.
Vous venez de mentionner Brian Eno, avec lequel vous avez enregistré « My life in the bush of ghosts », en 1981. A l’époque, vous saviez que ce disque était totalement novateur ?
Nous pensions que c’était différent, nouveau, tout ce que vous voulez mais il n’a pratiquement rien vendu à l’époque. Je pense qu’il fait partie de ces disques qui ont plus d’impact en terme d’influence que de chiffres de vente.
En parlant d’impact, vous êtes toujours surpris de celui de ce disque ou de ceux des Talking Heads dans la musique d’aujourd’hui avec Vampire Week-end, par exemple ?
Oui, ça arrive. Surtout avec le premier album de Vampire Week-end où l’influence était flagrante. Pour la suite, je trouve qu’ils ont trouvé leur propre voie où les influences sont moins évidentes.
Musiques de films ou de ballets, exposition, directeur de label, disques solos ou avec d’autres, vous avez décliné l’art sous toutes ses formes. Vous êtes ce qu’on peut appeler un artiste libre. Est-ce que le mot liberté cristallise bien votre travail depuis plus de 30 ans ?
Oui, c’est un bon résumé. C’est pourquoi je suis allé à l’école d’arts. Parce que vous avez la liberté de toucher un peu à tout et de ne pas rester cantonné dans un genre en particulier. Vous vous exprimez en fonction du medium qui convient le plus à ce que vous souhaitez. C’est ce qui reste le plus excitant. Encore aujourd’hui.
Album David Byrne & St.Vincent Love This Giant (Todo Mundo/4 AD).
David Byrne & St.Vincent ce samedi 24 août 2013 à 20 heures. Infos et réservations : bozar.be ; livenation.be
thevache
24 août 2013 à 9 h 08 min
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