« Placebo permet de m’exprimer sans être trop conscient de moi-même », nous a avoué, à Berlin, son chanteur emblématique Brian Molko.
L’hôtel Soho House de la Tortstrasse à Berlin où nous fixe rendez-vous Placebo a toute une histoire. Le bâtiment massif, avant d’être rénové pour en faire un hôtel branché, était fin des années 20 un grand magasin tenu par un Juif qui s’en fit bien sûr expulser pour accueillir dès 1942 le siège des Jeunesses hitlériennes. Après la guerre, dans le secteur russe, le Parti Socialiste Unifié s’y installe et y décide des purges d’opposants au pouvoir stalinien en RDA. La salle où nous attend Brian Molko – qui accepte de mener cet entretien dans un français parfait – est celle du Politburo. Bigre…
Pourquoi se retrouve-t-on à Berlin ?
Notre maison de disques se trouve ici dorénavant. Universal-Allemagne. On ne trahit pas les Belges de PiaS. On a eu une très bonne expérience avec eux. Mais comme chaque album est une réaction artistique envers le précédent, nous avions envie d’un peu plus de sécurité dans l’industrie. En plus, toute l’équipe avec laquelle on bossait chez Virgin en Allemagne, tout au début, et qui a créé notre succès, travaille maintenant pour Universal. On a un lien fort avec eux.
On retrouve un peu sur ce disque la première tonalité de Placebo. Est-ce voulu ?
J’espère que les premiers fans apprécieront ce disque. J’ai du mal à juger ce disque que je ne veux plus écouter pour le moment. J’espère que pour chaque album, l’esprit de Placebo est toujours là. En équilibre avec un son nouveau. Ce serait chiant de se répéter constamment.
L’image de Placebo aussi a fort évolué. Cette pochette-ci est très colorée…
C’est une explosion cosmique, psychédélique, de couleurs. C’est vrai qu’il y a dix ans, on n’aurait pas imaginé cela de Placebo. J’avais envie de faire un break avec l’esthétique très minimale. Je voulais un esprit psychédélique car mon premier amour musical, c’était la musique des années 60. C’est toujours en moi.
« Bosco » aborde le problème de la boisson…
C’est une chanson très triste, tragique, sur l’effet dévastateur de l’addiction sur une relation amoureuse. Cette chanson me fait pleurer. C’est un des morceaux les plus honnêtes et vulnérables de notre carrière. Nous avons réussi à créer une chanson qui peut exister en dehors du contexte de Placebo.
L’alcool fut surtout un problème par le passé pour Placebo…
Je l’espère sincèrement. Il faut y travailler au quotidien. En tant qu’être humain, je me préfère sobre. Je trouve que ces jours-ci, j’ai une meilleure qualité de vie. Le lifestyle rock’n’roll est assez difficile à maintenir au fil des ans. On en parlait avec Steph dans un de nos rares moments de nostalgie. On s’est dit : putain, on a fait toute une vie de fête en dix ans.
Les tournées, chez Placebo, sont souvent lourdes et longues. Ça n’aide pas…
On peut faire ce métier sans tomber dans l’alcool ou la drogue. Plein y réussissent. On peut faire la fête sans que ça devienne un problème ou un drame. Mais, statistiquement, il y a bien une personne sur dix dans le monde qui a une prédilection pour l’addiction. Pour travailler ou se décontracter, ce n’est pas nécessaire en tout cas. Ni pour l’inspiration…
« Lourd comme l’amour » : c’est un slogan un peu étonnant. D’habitude, on dit « léger »…
L’amour, c’est souvent brutal et violent. L’obsession et la jalousie. La perte de quelqu’un qu’on aime. Qu’il vous quitte ou quitte ce monde, c’est difficile souvent l’amour. En réalisant cet album, on s’est rendu compte qu’il y avait un thème qui l’unifiait. Et puis ça reste du Placebo qui ne fera jamais un album très léger.
Placebo existe depuis bientôt vingt ans. Est-ce que vous sentez une évolution dans le public ?
Sur chaque tournée, on se rend compte qu’aux dix premiers rangs se trouvent de nouveaux teenagers. Chaque fois. Ça représente peut-être une sorte d’immaturité émotionnelle mais nous pouvons toujours communiquer avec le public jeune. C’est peut-être le complexe de Peter Pan propre à tout groupe de rock.
On se rend compte ces derniers temps que les meilleurs albums de rock sont l’œuvre de vétérans : Cohen, Dylan, Bowie, Depeche Mode… C’est rassurant pour vous ?
J’espère que nous serons encore à même de faire de bons disques quand nous aurons leur âge. Sincèrement. Car je n’ai aucune idée de ce que je pourrais faire de ma vie. Je n’ai jamais rien fait d’autre. Je ne dessine pas et j’ai sans doute trop de complexes pour faire l’acteur.
Encore maintenant ?
Oui, oui. Même si je ne suis plus trop sollicité pour ça. Je n’ai pas vraiment envie non plus. Un album solo en parallèle, peut-être, ça me brancherait encore, un de ces quatre. Il y a d’ailleurs sur ce disque trois morceaux que j’avais écrits pour un projet solo mais je les ai offerts au groupe car ils sonnaient trop Placebo. Il s’agit de « Too Many Friends », « Hold On To me » et « Scene Of The Crime ». Même si les maquettes étaient très différentes. C’était voix et guitare acoustique.
Ce serait intéressant d’un jour révéler ces démos, dans une édition deluxe par exemple…
Ah oui, pourquoi pas. Ce n’est pas une mauvaise idée, ce serait intéressant. Je vais y penser…
Parlant de David Bowie, on n’est pas près d’oublier ce fameux concert de ses 50 ans au Madison Square Garden où il vous avait invités en première partie… C’est lui qui a parlé de Placebo en premier…
Il a bon goût David (ah, ah). Il a été très chouette avec nous. Je trouve fantastique son retour inattendu. Une vraie surprise, je ne m’y attendais pas du tout. J’ai adoré « Where Are We Now » qui est d’une douceur et d’une tristesse très émouvante. Mais pour nous, c’est tout de même difficile de rester dix ans sans rien sortir.
Vous êtes d’une grande discrétion sur votre vie privée. Tu habites toujours Londres ?
Oui. C’est mon contexte. Placebo permet de m’exprimer sans être trop conscient de moi-même. C’est utile pour moi. Ça satisfait mon côté exhibitionniste. Je n’ai pas besoin, du coup, d’être comme ça dans la vie de tous les jours. Sinon, on est très discrets. Notre vie privée, c’est très important. On ne sort pas dans les soirées avec les autres célébrités.
Ce disque a mis du temps à se faire, finalement ?
En tout, un an. Au départ, c’était un accident. Notre nouvelle firme de disques nous avait demandé un single et on s’est dit que ce serait sympa d’offrir cinq morceaux plutôt qu’un ou deux. On a donc sorti l’EP B3 en 2012, avec notre nouveau producteur, Adam Noble. Et puis ça s’est tellement bien passé avec lui, dans une atmosphère conviviale et productive, qu’on a décidé de continuer. On travaillait déjà sur notre album sans le savoir en fait. Entre-temps, Adam devait terminer d’autres choses, nous, on est parti en tournée pour faire la promo de B3… Ça a donc pris du temps. On n’avait pas envie de se presser non plus.
Chanter « Ne me quitte pas » avec un orchestre symphonique, comme ce fut le cas en plein air à Bruxelles pour la présidence européenne de la Belgique, c’était un vieux rêve ?
Je n’étais jamais monté sur scène avec un orchestre. C’était ma première motivation, je dois avouer, pour être honnête. La chance de faire « Ne me quitte pas » aussi, car c’est une de mes chansons préférées.
On se sent parfois à l’étroit dans le format du trio de Placebo ?
Oui, c’est pour ça que sur disque, il y a un orchestre et du piano sur chaque morceau, je pense. Et sur scène, on est six. Dès le deuxième album, on s’est rendu compte que le format du power trio était trop restreint pour nous.
Ce qui pousse Muse à utiliser des bandes sur scène…
C’est pour ça qu’on est six. Pour éviter les bandes… C’est aussi plus fun d’être à six en tournée, c’est comme un petit gang. On s’entend bien, on se respecte… C’est moins toxique que par le passé.
Pourquoi de si longues tournées ?
C’est vrai que c’est fatigant mais de nos jours, avec la crise du disque, on n’a pas le choix. Je dois épargner pour l’université de mon fils. Il a presque 8 ans…
Placebo sera au Sportpaleis d’Anvers le dimanche 7 décembre. Infos : www.placeboworld.co.uk
JMWilmotte
11 septembre 2013 à 14 h 26 min
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PLACEBORUSSIA
11 septembre 2013 à 14 h 42 min
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LilianKrueger
11 septembre 2013 à 14 h 49 min
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TCThierry
11 septembre 2013 à 16 h 22 min
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