Mais c’est Byzance, l’accueil belge réservé aux Anglais ! En cette rentrée, ce n’est non pas une mais deux dates bruxelloises qu’on leur proposait ! Soit jouer en septembre à l’American Theatre, donc pendant leur tournée sur leurs terres, soit plus tard, en octobre. « Quiconque connaît Bruxelles sait qu’il doit aller au moins une fois à l’American Theatre, nous assure Colin Newman au bout du fil. C’est un endroit étonnant. Nous avons donc aménagé nos dates anglaises pour pouvoir y être. »
Ce concert aura lieu samedi soir, le temps d’un set articulé autour du dernier album en date, Change becomes us, agrémenté comme il se doit d’anciens morceaux, mais aussi de nouveaux, déjà écrits depuis la sortie du disque susmentionné. Et, nouveauté cette année : Wire embarque avec lui un claviériste, ce qui est une première en tournée pour Newman & co.
En réalité, Change becomes us est fait d’ébauches de morceaux datant de 1980 et récupérées, c’est ça ?
En 2011, au moment de partir en tournée, il nous a semblé intéressant de jouer de nouveaux morceaux, mais nous n’en avions pas, à ce moment-là, pour diverses raisons. Nous savions que ces ébauches existaient. Il s’agissait même plutôt de squelettes, qui avaient été laissés de côté et qui dataient, oui, de 1980, à une époque où le groupe était en train de se séparer alors que nous avions été très créatifs. Ce qu’il y a, c’est qu’alors, nous ne voyions pas quoi en faire, même si quelques-uns avaient néanmoins été glissés dans l’un ou l’autre concert. Ici, j’ai dû convaincre tout le monde que la démarche d’en tirer un album valait le coup. En novembre 2011, lors d’une deuxième tournée anglaise, nous avons inséré sept de ces titres dans le set. Ce qui rend ces compositions intéressantes à mon sens, c’est qu’elles n’ont pas été traitées comme si c’était tiré du passé, justement.
A propos de passé, vous croyez à cette « retromania » décryptée par le journaliste Simon Reynolds ?
Je ne sais même pas ce que c’est ! Quel est le problème ? Tout dépend de l’âge que vous avez. Si vous avez 25 ans, que vous ne jurez que par le matériel analogique et que vous pensez que rien de ce qui a été fait après 1973 n’est bon, c’est… charmant. C’est comme un point de vue philosophique. Si vous en avez 50 et que vous dites ce genre de choses, vous êtes juste un vieux con ! « Ah oui, c’était mieux quand j’étais jeune ! » Qui a envie d’entendre ça ? Je pense que les gens un peu plus âgés ne peuvent pas être rétro, sinon c’est qu’ils sont juste nostalgiques.
Comment rester « frais et excitant », comme vous qualifiait un chroniqueur à la sortie de l’album ?
Tout dépend de ce que vous donnez comme sens à ces termes. Il faut avoir la passion, se préoccuper de ce que vous faites et d’une certaine manière, éprouver l’importance de ce que vous créez. Wire a une histoire longue et particulière (Ndlr : le mythique album Pink flag date de 1977). Ces dernières années, il semble que tout ça a fait boule de neige. Nous sommes motivés, et j’ai le sentiment que les gens le ressentent. Je ne dis pas que notre musique est du goût de tout le monde, mais il y a un public qui est excité par ce que nous proposons. Vous ne pouvez pas être cynique à propos de ce que vous faites. Je ne dis pas que l’argent n’est pas important, mais ça ne peut pas être que pour l’argent. Nous essayons de construire intelligemment un environnement dans lequel nous pouvons récolter le fruit de nos efforts. Où le groupe puisse avancer, évoluer. Et aussi que ça génère de quoi nous permettre de vivre. Je pense que c’est important, et ça doit fonctionner aussi bien en termes artistiques que de business.
Quand vous avez arrêté la première fois, en 1980, vous avez dit que c’était entre autres parce qu’à l’époque, aucun d’entre vous ne voyait ce que le groupe allait bien pouvoir faire ensuite. Or, depuis quelques années, on dirait que vous savez toujours ce que vous ferez après. C’est juste une question de maturité ?
Pour être honnête, il y avait bien sûr de cela, mais c’était aussi pour beaucoup d’autres raisons. Maintenant, avoir un plan est important. J’ai la chance de connaître des gens, une personne en particulier qui est très douée pour les plannings. C’est important parce que ça permet aussi d’assurer des revenus. Nous ne pouvons pas nous dire « Wire va faire un nouvel album », et ouvrir une parenthèse de deux ans pour y travailler.
Didier Stiers
Ce samedi 21 septembre au Théâtre Américain, avec Anna Von Hausswolff, Mum et Wolf Eyes.