Nouveau tour de piste pour l’éternel « rock alternatif »

En août dernier, Babylon Circus accouchait d’un cinquième album, « Never stop ». Depuis, le collectif l’emmène sur les routes. (Re)présentations…

Les Lyonnais n’auront pas eu beaucoup de temps pour se remettre de la tournée australienne d’une dizaine de dates qui vient tout juste de s’achever. Notez, ils ont l’expérience. « Le groupe a 18 ans, mais avec Manu, on jouait déjà ensemble avant, nous rappelait David, l’autre voix, peu avant de préparer les valises, en décembre. Je venais d’avoir 15 ans quand j’ai commencé, et j’en ai 37… »

Cela vous arrive-t-il parfois de regarder dans le rétro ?

Manuel Dernièrement, nous l’avons fait, plus que les autres fois. Sur cet album-ci. Et même nous, dans nos vies. C’est pour ça qu’il y a ce petit regard… cette petite teinte nostalgique sur ce disque. Que nous avons écrit sur le thème du passage, de la transition. Même si nous avons toujours l’impression de passer d’un monde à un autre, de nous transformer. Là, c’était vraiment le thème de départ : le passage à l’âge adulte, le passage à la trentaine, la quarantaine…

David De la vie à la mort, de la prison à la liberté…

Manuel Du coup, il y a ces petits moments où on sent le renoncement, le regard perdu sur le passé.

David C’est marrant, mais j’ai personnellement l’impression d’avoir un regard plus amusé. Il y a des choses que j’aurais voulu faire différemment, mais je n’ai pas de nostalgie. Quand je regarde derrière moi, j’ai le sentiment de regarder mon petit frère qui a fait des trucs, dont des conneries, mais c’est plus un regard amusé. Je suis très content d’être là où j’en suis aujourd’hui.

Quand on écoute « Ton silence », on croit percevoir une pointe de déception. Du style : « Nous étions quand même plus remuants et engagés à 20 ans ».

Manuel Il y a cette idée-là qui se promène dans la chanson. Après, elle parle de quelque chose de particulier à propos de quelqu’un que nous avons perdu pendant la réalisation de l’album. Ça, c’est la petite histoire perso que nous n’avons pas forcément envie d’expliquer aux gens. C’est pour ça qu’il y a ce petit regret. C’est quelqu’un qui était…

David Belge…

Manuel Belge d’ailleurs, très militant, activiste. C’est à cette personne que nous parlons, donc, du coup, il y a cette petite nostalgie : quand on avait 20 ans, on y croyait plus. Mais il y a quand même pas mal de gens qui ressentent ce genre de sentiment.

C’est plus difficile de l’ouvrir et de se faire entendre de nos jours ?

Manuel « Never stop » parle un peu de ça. De cette espèce de flot d’informations dans lequel il peut y avoir un truc énorme et horrible qui se passe, dont on parle au JT et tout, mais il y a tellement d’informations que 24 h après, plus personne n’en dit rien. Alors que tout le monde a sauté au plafond. C’est un truc de fou, c’est flippant.

« Babylon Requiem » évoque un peu de ça aussi, mais en prime, vous y passez en revue toutes les religions.

Manuel Oui, toutes ces croyances qui se télescopent, qui s’affrontent, se confrontent, dans un monde où on ne sait plus à quoi se raccrocher.

En même temps, un requiem, c’est une prière pour les morts…

Manuel Ouais… C’est un monde qui est mort, du coup, ça allait avec notre thème du passage. C’est un monde qui a vécu, mais qui prend la déferlante de la globalisation, et qui disparaît chaque jour. Cette chanson-là parle aussi des gens qui ont peur de se voir disparaître. De voir leur culture disparaître, leur identité. Et qui s’affrontent, entre religions, nationalités, cultures. Ils s’affrontent parce qu’ils ont peur que ce soit l’autre qui en veuille à leur propre identité.

David Ça parle aussi de l’argent, de l’Unesco et des fleurs des champs. C’est tout ce à quoi on peut se raccrocher. Il y a ce mélange sucré-salé, mais du coup, on l’interprète comme on veut. Et quand même, ce qu’on cherche avec une chanson, c’est à proposer un sens, pas à en imposer un.

Quand vous évoquez la marche du monde dans vos textes, c’est souvent un peu de biais, non ?

Manuel Ça fait partie des trucs qui nous remuent les tripes, donc ça se retrouve dans nos chansons, mais maintenant, ce n’est effectivement pas de but en blanc, jamais au premier degré. Nous aimons mélanger ça à de la poésie, pour élargir, pour que ça parle à d’autres gens, que l’auditeur ait une certaine liberté d’interprétation. Nous avons beaucoup parlé du monde dans nos chansons, depuis des années, que ce soit à propos de notre quartier, de la guerre, de la violence dans la ville et autres. Ici, sur cet album, nous avons plutôt cherché dans nos vies à nous, dans ce qui nous est arrivé, mais c’est drôle, au final, ça parle toujours autant de société.

Diriez-vous que 2013 a nourri votre inspiration, musicalement parlant ?

David Il se passe toujours des trucs ! La magie d’internet, c’est que quand on est un peu curieux, on peut aller assez loin, découvrir des gens parfois complètement obscurs mais qui ont une patte intéressante. J’ai même envie de dire que c’est exponentiel, en ce moment : plus ça va, plus il se passe de choses sur la Toile.

Manuel Avant, j’écoutais beaucoup mes disques préférés. Depuis quelques années, nous allons aussi énormément sur internet quand nous travaillons sur un nouvel album. Pour se passer des trucs qui nous font penser à ce que nous sommes en train d’écouter… Nous pouvons y consacrer des journées ou des nuits. Et je trouve que c’est une très bonne chose. Ça passe du trad’ à Rihanna et des trucs hyper mainstream. D’une écoute à l’autre, ça a rompu des barrières, alors qu’avant, nous étions un peu prisonniers de notre discothèque. C’est le bon côté de ce foisonnement qu’est internet. Il faut essayer de le prendre du bon côté, on n’a qu’une vie, hein !

Vous écoutez quoi, aujourd’hui ?

Manuel Stromae… Je sais que c’est un peu la honte en Belgique, on ne doit plus en pouvoir, de lui, mais j’aime bien les textes, ça me parle beaucoup.

David Stromae, j’ai écouté, je le trouve génial, effectivement. Alors que c’est une musique qui à la base est dance, années 90 et pas forcément mon kif. Là, il arrive à y mettre une telle poésie, une telle force, une telle charge émotionnelle que ça passe très bien. Sinon, un disque dont, je pense, il ne faut pas dire qu’on l’a acheté et qu’on l’a aimé, c’est celui de Bertrand Cantat. Détroit… Il est magnifique. Et dans un autre style, c’est le dernier album de Gogol Bordello dont j’ai complètement oublié le titre.

Didier Stiers
(Photo : Hamza Djenat)

 
A l’Ancienne Belgique ce jeudi 23 janvier. Album : « Never stop » (Sony Music France).

 


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