Cure d’Elzo au Rockerill

Il gâte les yeux et les oreilles, Elzo Durt. Avec ses flyers, affiches, pochettes, son label et ses concerts à Bruxelles ou ailleurs. Samedi, « son » festival aura lieu au Rockerill. On dit merci !

Imaginez les deux Daft Punk coiffés de casques ouverts, avec des têtes de personnages qu’on dirait échappés de La Caste des Méta-Barons : voilà comment Elzo Durt illustre la couverture du magazine Gonzaï, du moins le numéro de juin 2013 consacré à… l’imposture. Le Bruxellois prend aussi son pied (sic) à travailler pour Le Monde. Et à coup sûr, à créer des décalages évocateurs. Il aime les images accrocheuses. Pas obligatoirement choquantes, « même si parfois il faut ». Demandez-lui de qualifier son style, et il vous répondra quelque chose du genre « collage pop/punk/psychédélique ».

Il faut rappeler également que l’artiste a reçu une bonne éducation dans le disque : papa, architecte, en écoutait beaucoup lui aussi. « Très tôt, je me suis dit que j’aimerais bien un boulot où j’aurais cette liberté-là », avoue celui qui conçoit des pochettes pour le label Born Bad et gère le sien, de label – Teenage Menopause Records – avec un camarade parisien. L’un dans l’autre, ce sont toujours des histoires de rencontres, de coups de cœur. Et de concerts…

C’est une impression, ou les petites scènes se sont multipliées, ces dernières années ?

En rock ? Il y a quand même eu une période un peu creuse, au début des années 2000. Il y avait des scènes, mais des scènes très confidentielles. Je pense que pour le moment, il se passe quelque chose en France. Les disques que j’achète sont pour moitié de groupes français. Plus que des Américains ou des Anglais, alors que ça n’a pas toujours été le cas…

Même chose pour la techno ?

Bon, ce sont mes goûts, mais la « nouvelle scène » techno m’intéresse moins. Il y a eu un boom et là, maintenant… Mais ce sont aussi des groupes qui mélangent de plus en plus tout. Tu sens que les mecs n’écoutent pas qu’un seul style… Après, c’est vrai que ces temps-ci, il y a quand même beaucoup de concerts, Bruxelles bouge pas mal. Mais dans tous ces jeunes qui se remuent, beaucoup d’organisateurs sont français ! Et je ne sais pas pourquoi. Parce qu’il y a peu de groupes, par exemple, ce qui est un peu problématique.

Peu de groupes ? Pas côté pop…

Je ne sais pas, je ne les écoute pas, ceux-là… Toute cette pop wallonne, ça ne m’attire absolument pas du tout.

Une affiche comme celle du Rockerill Festival se constitue-t-elle facilement,dans ce contexte ?

Je m’entends bien avec les gens du Rockerill. On a déjà organisé plusieurs concerts ensemble, on a sorti l’album du Prince Harry… Ça faisait longtemps qu’on voulait faire un festival là-bas. Eux avaient déjà le Flesh Festival, une fois tous les deux ans : c’est sublime, il y a une ambiance, j’y ai fait plein de découvertes. Comme je fais quand même un gros boulot d’organisation de concerts, j’ai aussi un public qui bouge. Donc on s’est mis d’accord sur un budget, et on a fait avec ça. J’ai dû contacter tous les groupes, constituer un line-up… Ce n’est pas si dur à organiser comme ça, mais on verra le jour même. Je ne l’aurais pas fait seul, par exemple, je n’ai pas les moyens. C’est vrai que ces temps-ci, j’essaie de plus en plus de travailler en coprod’ avec les salles. Pour moi, ça veut dire que je ne dois plus non plus investir vraiment. Je ne touche pas grand chose, mais il y a le plaisir de le faire, et de voir les concerts que j’ai envie de voir, dans des conditions qui me semblent bonnes.

Organiser, en soi, n’est pas vraiment ton but ?

Non. Même si c’est gai d’avoir ce rapport-là avec les groupes, les rencontrer, passer du temps avec eux. Je pourrais viser ça pour essayer de gagner du fric, mais il y a des gens ici qui le font bien, et c’est quand même différent. Je pense à Buzz On Your Lips : ils réfléchissent plus à un truc financier. C’est normal : tu investis, il faut récupérer. Pour moi, comme ces groupes sont souvent des potes, j’arrive à passer à côté des bookeurs. Ou alors, je rends service au booking avec une affiche, comme ça j’ai des prix. L’idée est d’organiser des concerts pas trop chers non plus. Et puis surtout de faire la fête avec eux !

Teenage Menopause, le label, c’est un peu le même système ?

Oui, et c’était logique, en même temps, tu vois ? On sort les trucs qu’on a envie de défendre. Par contre, là, il faut réfléchir à la vente, le but n’est pas non plus de garder les disques chez soi. Et ça demande du boulot. Mais c’est chouette : on voit qu’à force, ça a fait du bien à pas mal de groupes.

Tu penses à qui ?

Je pense à Jessica 93. Lui (Ndlr : Geoffroy Laporte), ça l’a bien aidé, parce qu’il était plutôt dans le milieu des squats, des mecs qui font de la distro, et donc, on ne trouvait pas vraiment ses disques en magasin. Du coup, il jouait aussi dans des conditions pas terribles. La sortie de l’album l’a vraiment aidé, surtout au niveau des cachets et des endroits où il peut jouer. Pour J.C. Satan aussi, je pense qu’on a fait un super boulot…

J.C. Satan et Jessica 93 sont les deux plus belles réussites de Teenage Menopause ?

Dans l’ensemble, je suis assez content. Mais la première, c’était Catholic Spray. Ils n’avaient rien sorti mais bénéficiaient d’un petit buzz à Paris, sur une scène très confinée. Le jeune groupe garage à ce moment-là, quoi… On s’est fait mutuellement du bien. Après, Scorpion Violente, c’était super important pour nous. On aimait, et que les mecs nous fassent confiance, nous permettent de sortir ça…

Un projet ?

L’idée est de sortir, à partir de septembre, octobre, huit 45T au rythme d’un par mois. On bosse là-dessus. On va essayer de trouver huit artistes différents pour réaliser les pochettes, mais qu’il y ait un lien sur l’ensemble, et y compris entre les groupes. C’est un chouette projet. Et puis là, c’est agnès b. qui nous suit, qui nous aide. A force, c’est gai : tu vois que le truc prend forme, que ça plaît, que ce n’est pas travailler dans le vent.

Allez, un peu de pub : quelle serait ta bonne raison d’aller au Rockerill Festival ?

Je me suis fait la programmation rêvée. Un peu, quoi. En rock, j’ai invité en gros presque tout le label. En techno, que ça soit The Horrorist ou Michael Forshaw (Ndlr : finalement absent et remplacé par Cursor Miner) ou même Minimum Syndicat, c’est chouette… Déjà, Minimum Syndicat, c’est français, et c’est étonnant qu’il y ait des mecs en France qui fassent de la bonne techno. Enfin, ce n’est pas dans leurs habitudes (sourire). Pour le reste, c’est aussi un choix d’avoir des trucs que tu ne vois pas ici en club. C’est l’occasion de les voir dans une structure comme un club, avec un gros son, du light show, que ça soit vraiment fait pour danser. Dans de bonnes conditions, quoi. Je suis super content d’avoir invité The Horrorist. C’est vrai que la techno, c’est souvent un type qui presse « play » sur son ordi, qui balance le son… sauf que là, il a un show, il rechante tout et tout le monde connaît. Je crois que ça va être bien le bordel !

Et puis, il y a le Rockerill…

C’est un endroit que j’adore ! Je trouve que c’est un des plus chouettes endroits de Belgique. Et arriver à y monter un festival comme ça, à un prix comme ça, c’est vraiment cool !

Didier Stiers

 

Rockerill Festival 2014 : From punk to techno. Samedi 26 avril, à partir de 18h, au Rockerill. Rock / punk / garage (de 18h à 24h) : J.C. Satan (fr), Jessica 93 (fr), Le Prince Harry (be), Tits (fr), Scrap Dealers (be) + dj set. Techno / électro (de 24h à 06h) : The Horrorist (live – usa), Minimum Syndicat (live – fr), Cursor Miner (live – uk), Singularity (live – be), Elzo (dj set – be). Expo de sérigraphies, projections, vinyl market… Infos : www.rockerill.com.
Frontstage - Durt - Flyer Rockerill

Didier Stiers

commenter par facebook

5 Comments

répondre

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *