aMute : du chaos à l’épure

En juin, Jérôme Deuson s’envolera pour quelques dates au Canada. Dans ses bagages : Savage Bliss, le cinquième album enregistré sous le couvert d’aMute. Entre ambiant et post-rock, pour faire court. Des questions ? Ben oui…

J’avais cru comprendre, il y a quelques mois de ça, que tu voulais prendre un long congé. Et voilà que tu reviens quand même avec un album. Tu avais changé d’avis ?

Disons que j’ai enfin un boulot que j’aime et qui m’a permis de quitter le statut d’artiste. En 2011/2012, j’étais réellement malheureux sur le plan créatif. Rien ne me convenait dans la société actuelle, au niveau musical et artistique. Maintenant que je n’en ai plus rien à foutre, je sais que dès que je me remets derrière une machine ou une guitare, c’est pour le faire par goût et envie. Alors qu’avant, par moments, je me disais : « A quoi bon ? » Je suis plus détendu qu’avant, en somme.

Je trouve qu’il y a quelque chose d’aquatique, dans ce nouvel album. En même temps, je me fais peut-être des idées… Jusqu’où ton environnement influence-t-il ton travail ?

Ouais c’est marrant… Je vais régulièrement nager et c’est vrai que la mer m’a toujours influencé. Mais mon environnement, comme pour beaucoup de Bruxellois, est la ville, la pollution, le bruit et une certaine forme de violence morale. Disons que la musique me donne une échappée vis-à-vis du pseudo chaos urbain.

Est-ce que l’électronique et les machines sont prépondérantes, sur Savage Bliss ? Au point, comme tu le disais, de ne pas avoir envie d’être sur scène uniquement face à ton laptop ?

Oui clairement. J’ai envisagé Savage Bliss comme un tournant au niveau acoustique et au niveau de sa simplicité. J’écoute beaucoup de choses très épurées depuis quelques mois et il est certain que l’aspect linéaire et fragile était un élément auquel je voulais accorder une grande importance. L’électronique part toujours de claviers ou de guitares néanmoins. Mais au fur et à mesure de l’élaboration de l’album, j’ai élagué bon nombre de pistes pour offrir un espace à l’imagination.

Le point de départ, c’est toujours un essai ? De l’improvisation ?

C’est une question que je ne me pose pas ou que je ne me pose plus, en ce sens que tout part surtout d’une réelle envie de composer et non de devoir composer. Habituellement, il faut quoi qu’il arrive que l’envie soit bien présente, mais aussi le temps, le gsm coupé, Internet ailleurs et une solitude parfaite.

Le crescendo est-il un art particulièrement délicat ?

Je ne sais pas vraiment… Je dois dire qu’il y en a qui sont mieux réussis que d’autres, évidemment. En tout cas, j’ai besoin d’une certaine violence à un moment pour que cela me fasse de l’effet.

Tu as une définition personnelle du « post-rock » ? Parce que ça peut aussi être une étiquette fourre-tout…

Je pense que bon nombre de groupes ont souffert de cette classification. Parfois, quand on utilise ce terme pour qualifier un artiste, c’est un peu comme si on disait qu’il avait une maladie. Et d’un autre côté, quand tu as quelqu’un qui te rencontre et que tu lui explique que tu fais de la musique, tu as toujours droit à la question : « C’est quel genre ? » Et je ne sais jamais quoi répondre. Pour ma part, je ne pense pas du tout être facile à classer puisque mes racines sont en effet le rock et le folk, et que je dilue ça dans un océan numérique à certains moments. Je pense plus à une envie d’émotion.

Quel est l’album d’ambient que tu as le plus écouté ? Et apprécié ?

Je dirais l’ensemble de l’œuvre de Tim Hecker, Ben Frost et Fennesz. Mais je suis aussi un fan d’ambiances en tant que telles et c’est pourquoi je pense à l’univers de Mount Eerie ou Xiu Xiu qui sont deux artistes qui ont cette capacité de plonger l’auditeur dans une ambiance malsaine mais cohérente.

 

Didier Stiers
(Photo : Jeuc Dietrich)

Savage Bliss : chronique dans le Mad
Infos : aMute

 

Didier Stiers

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