Ces diables de Pixies !

Après le récital en demi-teinte de nos footeux pas foutus de déflorer les filets argentins, il a bien fallu se consoler… Samedi soir, ce sont les rockeurs qui ont assuré la thérapie express. Express, mais ô combien réjouissante. Du concert des Diables Rouges, on retiendra surtout les rappels. Dix minutes pleines, intenses, dramatiques. Et un peu vaines en même temps. Epuisés par leur tournée sud-américaine, les artistes ? Il est vrai que leur meilleure prestation restera celle du 2 juillet et qu’avec une telle setlist et tous ces changements de line-up, la reproduire aussi parfaitement à chaque fois est impossible. Soit… Reste qu’il n’est pas sûr qu’on puisse encore vivre une telle atmosphère de fièvre au KlubC… Reste aussi que hier, la première partie dévolue à Mélanie De Biasio n’aura pas eu l’effet escompté. N’aura pas été nécessaire, aurait-on plutôt envie de dire : le gros de la foule est déjà là pour le match et attend visiblement que « ça passe » en bavardant. Dans le brouhaha ambiant (d’où sa main sur l’oreille ?), les chansons jazz de la Belge ont du mal à exister. L’une des surprises de l’affiche 2014, oui, en termes de genre, mais ce n’était assurément ni le moment ni l’heure.

Frontstage - De Biasio

Notez, même les régionaux de l’étape ont eu un peu de mal. Triggerfinger s’était lui aussi retrouvé confronté à un petit souci d’horaire puisque supposé jouer en même temps que les Belges du Brésil. Et craignait donc de ne pas attirer de public, hormis les fans hardcore, ou alors des Hollandais attendant « leur » rendez-vous, voire du plus exotique encore (le trio anversois jouait la veille au Main Square d’Arras). Craintes inutiles finalement pour les récipiendaires d’un disque d’or (comme plus tôt, dans la journée, Ozark Henry) : ces vieux routiers du rock savent occuper le terrain, monter dans les tours, et ils finissent donc par se retrouver devant bien plus de monde que prévu.

Pendant ce temps-là, sous le chapiteau bleu, quand on réclame, ce n’est pas en envoyant du « Seven nation army » mais du « Tous ensemble ». Les T-shirts noirs siglés Metallica ont fait place aux tricolores. Les solos de Hazard et Mirallas remuent le public, qui crie sa frustration de ne pas assez entendre Kevin De Bruyne, et que la fausse note de Vincent Kompany laisse une fraction de seconde sans voix.

En face, l’Argentine, c’est un peu comme les gugusses de Major Lazer, appelés à clôturer sur la main stage vendredi. Oubliez le beau jeu, ils préfèrent le pilonnage. Le genre de répertoire dans lequel on ne trouve pas beaucoup d’occasions d’être transporté quand on aime la musique, mais qui réussit à la mettre bien dans le fond. Et puis, le supporter pavoise, Diplo fait aller son petit drapeau, et les stewardesses, pardon, les danseuses, distribuent des essuies à ceux qui ont le mieux mouillé le maillot.

Frontstage - Black Keys
On connaît la suite, quant à ce Belgique-Argentine… Il est 20h10, les Black Keys occupent la grande scène. A quatre : Auerbach et Carney sont accompagnés par un guitariste/claviériste et un bassiste. Au fil des ans et des disques, leur rock est devenu de moins en moins garage, perdant en aspérités mais gagnant, ici aussi, en efficacité. Samedi à Werchter, c’est « best of », messieurs-dames, avec du « Gold on the ceiling », du « Lonely boy » et du « Fever » pour le plus grand plaisir des 7 à 77 ans. Qui s’amusent malgré la pluie.

Marc Wilmots a son banc, et Herman Schueremans a les Pixies. Ne tournons pas autour du pot : sous un chapiteau plein comme un œuf et ceinturé par plusieurs rangées de malheureux qui n’ont pas réussi à s’y glisser, Frank Black et les siens ont tout explosé ! Reformés et repartis sur les routes en 2004, les quatre de Boston ont été critiqués, crédités de prestations en dents de scie mais aussi d’avoir proposé du neuf diversement apprécié.

Frontstage - Pixies - 1
« Les Pixies, c’était mieux avant ! » Ah mais pas forcément ! A Werchter aussi, on pouvait craindre le match ennuyeux, or non ! Ils ont retrouvé la rage en même temps que le plaisir d’être sur scène et de jouer. Paz Lenchantin à la basse apporte sa contribution vocale. Joey Santiago se marre comme un dingue avec sa guitare dont il joue sous toutes les coutures. Et ce bon Frank pas bavard pour un sou enchaîne les titres quasiment comme si sa vie en dépendait. Le récent « Bagboy » passe comme une lettre à la poste, et « Crackity Jones » en version petite frappe. A mi-parcours, impossible de ne pas reprendre, comme tout le monde, le refrain de « Here comes your man ». Sur « Tame », Frank Black esquinte ce qui lui reste de voix… Comme il se doit, le groupe termine avec un « Where is my mind ? » d’anthologie. Attention aux questions avec « où »… Mais ils nous ont carrément mis la tête à l’envers. Et Werchter 2014 tient là son concert de référence.

Didier Stiers
(Photos : Mathieu Golinvaux)

Setlist Pixies : Bone machine – Wave of mutilation – U-mass – Something against you – Hey – Gouge away – Bagboy – Crackity Jones – Caribou – Magdalena 318 – Nimrod’s son – Here comes your man – La la love you – Greens and blues – Isla de encanta – Rock music – Silver snail – Monkey gone to heaven – Debaser – Tame – Vamos – Where is my mind.

Didier Stiers

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