Magnus au pays des néons qui se meurent

Dix ans après «The Body Gave You Everything», Tom Barman et CJ Bolland réactivent Magnus avec un deuxième album et, cette fois, une vraie tournée

Les concerts à Couleur Café, aux Ardentes ou à Pukkelpop, cet été, nous avaient prévenus: Magnus est de retour.

Il y a dix ans, le duo anversois publiait son premier album. Depuis, Tom n’a pas manqué de travail, dEUS publiant pas moins de quatre albums, avec de longues tournées à la clé, sans parler de nombreux DJ sets et de sa participation au groupe jazzy expérimental Taxiwars.

Nous avons retrouvé Tom et CJ au Bar du matin, à Forest, par un petit… matin justement. Dix ans après, ils ont l’air encore plus excités: «Musicalement, l’esprit est le même, reconnaît Tom. C’est le monde autour de nous qui a changé. Avant, j’ai l’impression qu’il y avait un public pour ça. C’était un événement, petit ou grand. Il y a de quoi déprimer. Un album de Magnus, ce n’est pas une obligation mais un plaisir qu’on partage avec d’autres. J’ai toujours l’espoir de toucher les gens comme moi, j’ai été touché par Front 242 ou le Velvet Underground.»

En 2009, le duo pensait pouvoir s’y remettre sérieusement. CJ et Tom se mettent à travailler sur de nouveaux morceaux, mais dEUS monopolise totalement celui qui a la réputation d’être un dictateur: «En 2009, ce fut un faux départ, disons. Et puis il est plus facile d’être le dictateur d’une seule personne que d’un groupe. Mais c’est moins drôle. Et comme je ne suis pas un grand chanteur, même si j’ai une bonne voix, je pense tout de suite à qui pourrait chanter au mieux telle ou telle mélodie. Que ce soit Tom Smith ou Selah Sue. Mina Tindle, je l’ai croisée sur un show télé en France. Blaya, je la connais parce que je suis souvent à Lisbonne, ma deuxième base.»

Pour Tom, Magnus ou Taxiwars (son nouveau groupe de jazz avec Robin Verheyen au sax, Nic Thys à la basse et Antoine Pierre à la batterie) sont autant d’occasion de décharger un peu ses épaules du poids de dEUS: «Oui, c’est sans doute vrai. Même si musicalement, Magnus n’est pas un dEUS électro. On a déjà essayé avec dEUS de jouer sur scène du Magnus, et ça n’a pas marché. Acontrario, jouer Magnus avec un batteur et un guitariste, mêlés aux machines de DJ, ça fonctionne. J’ai un plaisir fou à être sur scène. On espère, ici, tourner un peu partout avec Magnus. On ne l’avait pas vraiment fait il y a dix ans. Taxiwars, c’est mon idée, mais Robin me décharge d’une grande partie du travail. C’est du jazz hardcore. L’album est prêt.»

Tom n’a, il est vrai, jamais caché sa passion pour le jazz, lui qui a déjà publié deux excellentes compilations de choix sur les labels Blue Note et Impulse. Celui qui nous avoue avoir déjà écrit le scénario de son deuxième long-métrage passe du coup pour un fou de boulot. Tom s’en défend: «J’aime aussi aller à la plage une heure ou deux. Je ne suis pas workaholic car je ne suis pas malade. J’ai beaucoup d’énergie, c’est tout. J’aime voir du monde, rencontrer des gens, partager. Ma sœur aussi bosse pas mal chez Hewlett-Packard, ma copine fait ses heures…»

CJ: «Moi je n’ai pas le temps de faire autre chose que Magnus. C’est un temps plein pour moi. Il m’arrive encore de faire des DJ sets ou de produire des amis, mais c’est tout.» Tom, ceci dit, en a un peu marre de son studio à Borgerhout où les derniers albums de dEUS ont été réalisés. Ilrêve de soleil et de Portugal, d’un ailleurs tout simplement. On comprend dès lors mieux le titre un peu tristounet de Where Neon Goes To Die, une citation de Lenny Bruce parlant de Miami Beach, qui est aussi devenu le slogan d’un musée en plein air à Las Vegas, où les néons de Sin City trouvent leur dernier repos: «J’en ai marre de Borgerhout, ça ne m’inspire plus. Si le premier album de Magnus parlait de la fête, celui-ci est le lendemain de fête. J’ai jamais compris comment les producteurs dance faisaient avec leur chagrin. Ce disque est plus mélancolique. J’ai 42 ans aussi et non plus 32. Beaucoup travailler, c’est aussi une façon de ne pas trop réfléchir. C’est canaliser une énergie et neutraliser un peu toute la folie qui nous entoure dans le monde.»

Du coup, on ne résiste pas au plaisir de demander à Tom et CJ leur avis sur Tomorrowland et ce concept de «Key to Happiness»: «C’est un peu comme le carnaval, non? J’ai lu quelque part une enquête mondiale auprès des jeunes concernant leurs priorités dans la vie. En premier vient le sexe, puis l’alcool, la fête et enfin la musique. Ceci dit, ma copine m’a dit que sous une tente, à Tomorrowland, il y avait des vieux comme moi, avec des sons des années 90. Par ailleurs, là où j’ai bavé de rage, c’est en voyant au Pukkelpop Outkast qui s’est foutu du monde entier en étant full play-back et je ne comprends pas que la presse n’en ait rien dit. C’est un vrai scandale. Un total manque de respect pour le public. C’est plus scandaleux qu’Avicii. C’est: take the money and run.»

Tom et CJ ont en commun de «manger les puristes au petit- déjeuner», comme ils disent. P-funk? Électro-rock? Qu’importe: ils ont toujours aimé casser les codes musicaux. Côté scène, Tom annonce une nouvelle tournée de dEUS, en soutien promotionnel de leur best of 1994-2014, avec un premier concert au Cirque royal le 19 décembre, parallèlement à celle de Magnus.

“Where Neon Goes to Die” : notre critique * * *

THIERRY COLJON


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3 Comments

  1. Ben

    27 août 2014 à 19 h 49 min

    Mouais, pour y avoir assisté, Outkast n’était pas du tout en “full play-back” !
    Quel vilain mensonge!
    Ou alors l’ami Barman voulait parler de l’absence totale d’instruments sur scène, mais quoi de plus commun dans un concert de hip-hop!
    Certes le DJ n’était pas celui des beasties boys mais de là à créer un faux scandale…
    Jalousie? Le duo d’Atlanta à certainement reçu un bien plus gros cachet que Magnus j’imagine…

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