Le couple star se produisait à Paris, seule escale européenne de sa tournée commune « On The Run ». Compte-rendu d’un show mastodonte.
C’est le couple le plus puissant du show-business. Elle, icône pop, fille spirituelle de Michael Jackson et Madonna ; lui, rappeur businessman, petit voyou de Brooklyn devenu millionnaire. Ils sont les souverains d’une époque qu’ils représentent mieux que quiconque : nombriliste et bling bling, obnubilée par la réussite et le culte de la célébrité et dans laquelle art et business se confondent.
Autant dire que la tournée commune « On The Run » de Beyoncé et Jay-Z qui se terminait ce week-end au Stade de France (deux dates uniques en Europe) se présentait comme un show poids lourd, un événement qui a l’ambition de rester dans les annales. Le couple se met en scène et, pour le public présent, c’est comme être convié à son couronnement sur le trône de la pop culture. Quant à l’aspect financier, il s’agirait déjà, en une vingtaine de dates seulement, de la tournée la plus lucrative de l’histoire après le « 360º Tour » de U2 qui s’était étalé sur deux ans.
L’expérience sociologique valait en tout cas le déplacement. Depuis la tribune intermédiaire, bloc Y13, rang 48, assis entre des ados surexcité(e)s et un couple de sexagénaire hollandais qui ne l’était pas moins, l’ampleur du phénomène Beyoncé s’est imposé à nous avec limpidité. Quand, à 21h15, les lumières s’éteignent, c’est l’ébullition. Instantanément, TOUS les téléphones s’allument, créant une constellation virtuelle dans le stade. Trois écrans vidéos entourent la scène : à droite apparaît Jay Z, à gauche Beyoncé, sur le grand écran central, des vidéos sont projetées, sortes de courts-métrages dépeignant le couple en Bonnie & Clyde, le fil rouge de la tournée.
La chose se veut conceptuelle : « 03 Bonnie & Clyde » est le premier duo enregistré par le couple, celui-là même qui est à la base de leur rencontre. C’est donc logiquement avec ce titre que le spectacle s’ouvre, suivi par la plupart des duos enregistrés ensemble. Puis, chacun y va de ses tubes personnels par alternance, le rythme est soutenu, le show est millimétré, aucun temps mort, zéro ennui. La musique ? Tout est sur bande. La scène vide est occupée par les danseurs et/ou laisse place aux visuels sur l’écran. Et, croyez-le ou non, c’est bien suffisant !
Que les choses soient claires : on assiste là à un grand spectacle, non à un concert. Et dans sa première heure, le show est époustouflant, plaisant et agréable, visuellement impressionnant et proche de la perfection la plus parfaite. Monsieur joue les bad boys au grand coeur, Madame montre ses fesses mais avec style, oh, et le son, même sur bande, en impose ! Même à trois kilomètres de la scène, on est pris dans le tourbillon, d’autant plus quand Nicki Minaj intervient en invitée surprise sur « Flawless ». En clair, c’est assez énorme.
Et puis, après un peu plus d’une heure, la machine à tubes commençant doucement à se tarir, la baisse de régime est perceptible. Le tout devient redondant : vidéo, changement de costumes, chorés, un coup pour Beyoncé, un coup pour Jay, et rebelote. Ça tire en longueur, des fautes de goût viennent s’immiscer (quand Madame fait sa Whitney Houston en robe de mariée, l’émotion feinte et too much) et malgré l’un ou l’autre tube (« Drunk In Love », la chanson qui rend berzerk de 7 à 77 ans), l’impensable se produit : le vernis craque quand, sur « Partition », la reine est prise en flagrant délit de playback. Voilà, la faille.
Polémique ? Le recours au playback est généralisé dans ce type de shows mastodontes. Il n’est simplement pas possible de danser comme Beyoncé le fait et en même temps chanter juste (Jay-Z avait, lui, son micro allumé… semble-t-il). Et en soi, à part un manque forcé d’interaction avec le public, à partir du moment où le show est parfait, le playback ne pose aucun problème. Non, le problème, c’est que cela a créé ce petit moment de flottement, une fissure dans la perfection qui a, pour un court instant, crevé la bulle de rêve dans lequel étaient plongés les 77.000 spectateurs…
Qu’à cela ne tienne, tout cela est vite oublié et la machine pop reprend. Des tubes, encore (« Love On Top » pour Bey, « Niggas In Paris » pour Jay, qui déçoit sans remplaçant à Kanye West…) et, au bout de près de 2h30 de concert, le grand final approche. Sur la petite scène au centre de la foule, Monsieur et Madame Carter entonnent, main dans la main « Young Forever » tandis que des images de vie de famille défilent sur l’écran. La foule peut ainsi apprécier les sourires de la petite Blue Ivy, comme elle grandit, et le bonheur de ses parents. Enfin, après une dernière note entonnée les yeux dans les yeux, c’est le baiser tant attendu. Comme dans un film Disney, pareil. Hystérie collective. Le couple royal marche alors tranquillement vers la sortie, profitant d’un dernier bain de foule. La mission est accomplie. Plus fort que Jay Z, plus fort que Beyoncé, la famille Carter règne haut sur l’univers de la pop.
D.Z. et G.My.