The Libertines, être et avoir été

Dix ans après le split, les Rimbaud-Verlaine du rock anglais tentaient de reprendre l’histoire, mercredi, à Forest National. Que dire? Parce qu’il y a des choses à dire…

Le retour des Libertines, on était curieux sans trop en attendre quoi que ce soit. Et dès le départ, ça s’annonce mal. Le trip nostalgie, un petit film sur écran vidéo au-dessus de la scène, des photos en 3D et les voix off qui relatent l’histoire, les good ol’ days, les blessures, ce que le groupe a représenté pour les gens, le vide qu’il a laissé…

Déjà, on n’entend rien. Ensuite, ça dure trois plombes. Et puis, le côté corde sensible… Bof, hein. Surtout qu’il y a un sacré décalage entre ce que les Libertines ont pu représenter chez eux, en Angleterre, et ici sur le continent. Preuve en est, ce Forest National (en version club, 5 000 places) était loin d’être rempli tandis que le quatuor tout juste reformé se produisait devant 60 000 personnes à Hyde Park en juin dernier. En même temps, rien d’étonnant pour un groupe qui doit sa renommée à deux années frénétiques vécues il y a dix ans et qui n’a alors jamais rempli que… l’Orangerie du Botanique. Soit 700 personnes. Soit peu ou prou le nombre de fans chauds-patates attendant impatiemment dans la fosse. Mais c’est pour dire qu’il y a comme une erreur de casting. Et on se demande bien pourquoi ce concert n’a pas été organisé à l’Ancienne Belgique…

Ça se confirme avec le début du set. Le son est dégueulasse, la scène est trop grande, la salle trop vaste, impersonnelle et vide pour ces guitares maigrelettes et ces riffs fragiles. Et puis, ce trip nostalgie mis en scène, donc… Une histoire se raconte, le déchirement de deux amis qui se retrouvent… Les chansons sont toujours là, pourtant (« Time For Heroes », « Vertigo »,…), elles sont bien exécutées (bien exécutées, oui… Et pour ceux qui se demandent, Doherty a l’air… humain – ça n’a pas toujours été le cas -, bien, normal, quoi…) et font plaisir à entendre, mais… Il y a ce sentiment bizarre. C’est trop sage. Et puis, simplement, dix années ont passé…

Ce qui a rendu les Libertines si attachants, si importants pour certains, c’est ce bordel ambiant qui entourait et était l’essence même du groupe. Sa faculté à trouver la poésie dans chaos, son urgence et le fait qu’ils vivaient l’instant et uniquement l’instant présent. Du coup, dans le contexte actuel, le décalage…

Et puis, au fur et à mesure que le concert avance, ça se décoince, l’atmosphère est plus détendue, le son devient potable ou alors on commence juste à être un peu saoul… Qu’importe, en tout cas, aux alentours de « Music When The Light Goes Out » et « What Katie Did », le concert prend une autre tournure. Plus agréable, moins posée et plus chaotique aussi. Ces gens ont beau avoir monté un show pour les grandes salles, ils ne seront jamais tout à fait professionnels, comme on dit. Tranquillement, l’urgence repointe le bout de son nez, ça se lâche à droite et à gauche et dans la fosse, les ultras sont chauds-bouillants. Quant au reste, les bons vieux jours mis en scène, la salle, tout ça… On s’en fout, t’façon on est saoul!

Le rappel sera même un pur plaisir avec « What Became Of The Likely Lads », « Up The Bracket », « What A Waster » et « I Get Along » et son « People Tell Me I’m Wrong/ Fuck’Em! » terminal. Comme une réminiscence de ce qui fut, il n’y a pas si longtemps, le présent et l’avenir du rock n’ roll. Sauf que ce n’est plus le cas. Preuve en est, ces intermèdes solo où chacun (Barât, Doherty et même le bassiste John Hassle – bon esprit!) y va de son petit instant de gloire perso. Ce qui donna cette séquence édifiante surtout dans le contexte des Libertines tout juste reformés: de tous les tubes joués dans la soirée, le plus acclamé, le plus applaudi, le plus chanté et repris en choeur, le plus apprécié, bref, le plus tubesque… Eh bien, il s’agissait du « Fuck Forever » de Pete Doherty et ses BabyShambles.

Le passé, c’est le passé.

DIDIER ZACHARIE

Setlist

The Delaney/ Campaign of Hate/ Vertigo/ Time for Heroes/ Begging/ The Ha Ha Wall/ The Ballad of Grimaldi (Carl Barât solo)/ Music When The Lights Go Out/ What Katie Did/ The Boy Looked At Johnny/ Boys In The Band/ Can’t Stand Me Now/ Last Post on the Bugle/ Fuck Forever (Peter Doherty solo)/ The Saga/ Death on the Stairs/ Don’t Look Back Into The Sun/ Tell The King/ The Good Old Days RAPPEL Never Lose Your Sense of Wonder (John Hassle solo)/ What Became Of The Likely Lads/ Up The Bracket/ What A Waster/ I Get Along

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> “Peter Doherty, la vie en rock”
> “Mais qu’est-il arrivé au Rock n’Roll?”

Journaliste lesoir.be

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8 Comments

  1. leclercq

    2 octobre 2014 à 14 h 02 min

    Faut comparer le comparable, à Hyde Park début juillet c’était un festival avec entre autres the Pogues qui avaient drainé à eux seuls 20.000 personnes à l’ O2 lors de leur concert précédent

  2. exilednuns

    2 octobre 2014 à 15 h 54 min

    Souvenirs Souvenirs… Le concert des libertines au Botanique, en décembre 2002, a eu lieu dans le Witloof Bar pas dans l’Orangerie, il devait y avoir environ 200 personnes.

  3. Le Soir

    2 octobre 2014 à 16 h 28 min

    @exilednuns. Oui, mais ils ont quand même rempli l’Orangerie deux ans plus tard (sans Doherty, certes…)

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