Louis Bertignac publie, à 60 ans, son cinquième album. Avec «Suis-moi», le grizzly se fait tendre.
Louis nous donne rendez-vous à la Maison Cauchie, à Etterbeek, sur une idée de Bruxelles Ma Belle. La maison dessinée en 1905 par l’architecte Paul Cauchie – qui appartient toujours à ses héritiers – est un décor de rêve pour parler avec l’artiste qui, nonobstant la fraîche notoriété auprès du grand public que lui a apportée sa participation à l’émission The Voice, garde intacte sa simplicité, cette force tranquille de mec le plus cool au monde.
Tiens, une vapoteuse. Comme l’amie Carla Bruni. Vous vous voyez encore ?
Non, ça fait longtemps qu’on ne s’est plus vus. On se parle au téléphone de temps en temps. Il faut qu’on se voie mais ça ne se passe jamais vraiment. Ils sont très occupés les deux, là. Avec leur petite fille. En plus je ne vais pas souvent à Paris. Je leur dis de venir à la campagne.
Là où l’album a été en partie enregistré…
Je vis à 60 kilomètres de Paris où je vais le moins possible. J’ai donné 55 ans de ma vie à Paris, ça suffit. À la maison, j’ai tout ce qu’il faut : un super studio comme j’en ai toujours rêvé. Je suis très casanier hors des concerts. Parfois je vais au stade… En fait, je suis toujours occupé sur une chanson. Quand t’en as 18, il y en a toujours une que t’as envie de faire avancer. Tranquille… Et puis quand tout est prêt, tu vas à Miami avec les meilleurs batteurs et bassistes qui te font ça en quatre jours.
« Grizzly » était un album sans concessions, celui d’un ours mal léché…
Oui, tout avait été fait en 24 heures. Sur scène, je me suis rendu compte que toute la place était prise par la guitare et pas beaucoup par la voix et les mélodies. Là, je suis parti des mélodies. Et l’air de rien, c’est encore mieux à jouer sur scène.
Un seul texte est signé Bertignac…
C’est déjà énorme pour moi. Ça m’emmerde. Grizzly, je n’en ai pas fait un, c’était tout Boris Bergman. Celui d’avant, c’était Carla et encore avant, Étienne Roda-Gil. Ça ne m’amuse pas de faire les textes. Il faut que je bosse et je me trouve mauvais. Ici, ils sont plusieurs mais c’est rare quand je les coache. J’ai envoyé les MP3 à quatre ou cinq personnes que je connais ou pas, qu’on m’a conseillées. Et ils m’ont envoyé chacun leur texte et j’ai pu choisir celui qui me correspondait le plus. Je les ai tous chantés. J’ai cinq versions différentes de chaque chanson.
On retrouve Mélanie Laurent en duo sur « Je dis oui »…
Elle est très douée, je l’adore. Elle est très cool, craquante. C’est Nagui, qui est un de mes potes, le parrain de ma fille, qui m’a donné son numéro. J’aimais son premier album, que j’aurais bien produit ceci dit en passant. J’ai appelé Mélanie. Elle me demande le MP3 et puis me dit oui tout de suite. Elle se pointe à la maison. Je vais la chercher à la gare, elle est d’une simplicité, méconnaissable, l’air de rien. Elle avait appris la chanson par cœur et l’a chantée d’une traite, avec le chat dans les bras… Je lui ai dit que si elle a besoin de moi pour son deuxième album, je suis là.
Après Carla et Joyce Jonathan…
Ça leur a plutôt réussi mais à moi aussi. Quand Jagger et Daniel Lanois ont dit que la production de Carla était extraordinaire, j’étais super fier. Je ne suis pas en recherche de productions, mais ça me change de ma vie habituelle. J’adore bosser avec ces filles. J’apporte ma patte sans dénaturer leur univers. La guitare sèche, ça me change… Je commence à prendre confiance en ma voix. Ça a mis le temps. À l’époque des Visiteurs, je tentais de chanter comme Robert Plant. Il n’y avait pas pire avec une voix grave comme la mienne. C’était une grossière erreur. Carla m’a dit : « Arrête de gueuler. »
Du coup arrive « The Voice »…
C’était agréable. J’ai appris diverses choses. Maintenant, je suis à l’aise avec les micros et les caméras. Ce qui n’était pas le cas avant. Quand j’ai quitté Higelin puis Téléphone, je me suis retrouvé derrière le micro au milieu de la scène, j’étais très mal à l’aise. Pendant des années. Maintenant, je suis moi sur scène. Dans The Voice, pareil, je suis resté moi-même.
L’émission de TF1 t’a apporté une nouvelle notoriété…
Quand j’ai annoncé sur mon site que j’allais faire The Voice, je te dis pas l’avalanche d’insultes. « T’es une pute… » « Fini le rock’n’roll… » J’ai dit : vous verrez bien. Là, maintenant, il y a plein de petits gosses qui écoutent du rock’n’roll ou qui viennent à mes concerts. C’est merveilleux.
Pas heurté par le star-system ?
Je n’avais pas l’habitude. J’étais planqué, tranquille. Mon public maintenant va de 6 à 86 ans. Je discute sur Facebook avec des mamys, c’est mignon. Certaines m’ont dit qu’elles me regrettaient. Je leur réponds : ne vous inquiétez pas, je reviens l’année prochaine dans The Voice Kids.
Quelle idée…
J’ai arrêté The Voice car mes filles, plus que ma fiancée, en pâtissaient. On les emmerdait à l’école ou dans la rue. Ça te prend tous les week-ends de printemps en plus. Ce sont les jours où j’ai mes filles. Je ne les voyais plus, c’était affreux. Ils m’ont rappelé un mois après pour me dire qu’il y avait The Voice Kids qui ne prend qu’un samedi dans l’année. J’ai dit OK. C’est très sympa, ce n’est pas pareil. Les grands ont le mot carrière en tête et si tu détruis ça, ça fait du mal. Les kids savent qu’ils retournent à l’école la semaine d’après, ça ne va pas changer leur vie, c’est une belle expérience.
Ça fait quoi d’avoir 60 ans ?
Ça s’est bien passé. Je suis sex-appeal là, car sexa et pile 60. Quand on voit les Stones sur scène, ça donne de l’espoir. J’attends cet âge car avec mes baguettes à la place des jambes, je me sens moche. Quand je serai sur un tabouret, à la John Lee Hooker, ce sera bien. J’attends ça avec impatience.
La scène, c’est un vrai médicament. J’aime composer des chansons mais ce n’est pas aussi gratifiant que la scène. Être sur scène avec des potes devant des gens qui s’éclatent : je ne peux rien demander de mieux à la vie.
Le disque est dédié à ta maman…
Je l’ai perdue il y a trois mois. Elle est venue l’écouter quand il était presque fini. Elle a été un soutien toute ma vie. Il y a eu des inquiétudes au début bien sûr. Surtout qu’au départ, j’étais superdoué en classe. Mais quand j’ai découvert la guitare vers la quatrième, c’était fini, je n’ai plus eu le prix d’excellence. J’étais à fond dans la musique. Panique à bord : le fils de la famille en qui on croyait a commencé à faire n’importe quoi. Mais, quand même ils m’aimaient plus que tout. Avec Téléphone, là ils sont devenus fiers. Mon père est parti en 2007. Ma mère adorait me voir tous les samedis à la télé, bien habillé, bien coiffé… Elle était heureuse.
Propos recueillis par THIERRY COLJON
“Suis-moi” : notre critique * * + l’écoute intégrale sur Deezer.
TCThierry
29 octobre 2014 à 14 h 49 min
«Ecrire des textes, ça m’emmerde» | frontstage/ http://t.co/vFaiGzXs1a
spyderman
29 octobre 2014 à 18 h 50 min
Si ça l’emmerde d’écrire, qu’il se taise à jamais.
Louis Bertignac
4 février 2015 à 13 h 53 min
Merci pour ce beau commentaire. Que dire ? C’est gentil, c’est beau, c’est touchant… Tu devrais écrire des chansons, tu es vraiment très doué ! 😉