Moitié marrant, moitié génial, le fils de Ian Dury signe avec It’s a pleasure l’un des meilleurs albums de l’année.
Il s’excuse de répondre aux questions un œil braqué sur son smartphone et sa tablette, Baxter Dury. C’est que pour le moment, il s’occupe lui-même de son management. Après avoir épuisé et viré trois spécialistes de la profession sur un même album, il ne lui restait probablement plus que cette option ! Si le casting reste ouvert, il a intérêt à ne pas se rater en attendant de trouver l’oiseau rare. Ce serait bête de ne pas capitaliser sur cette petite perle qu’est son quatrième disque studio. It’s a pleasure, qui porte bien son titre, a été enregistré par bribes ici et là. A l’ICP, notamment, où ont été captées batteries et percus. « Je ne sais pas pourquoi je fonctionne de la sorte, ça doit être ma tête, ironise Baxter. Je suis né comme ça. Quand j’étais gamin, j’ai eu la malchance de ne jamais pouvoir me focaliser sur une seule chose. »
Le « home studio », ce n’est pas votre truc ?
Mais ça ne sert pas à tous les genres de musique. Dans la mienne, il y a un peu plus d’espace. J’aime qu’on y entende jouer de l’humain. Et quand on veut entendre de l’humain dans la musique, on ne peut pas aller l’enregistrer dans sa cave ou son grenier, il faut faire ça dans un studio approprié. Et puis, j’ai toujours été old school : j’aime que les gens se mettent dans l’état d’esprit approprié. C’est difficile à faire avec des machines, non ?
Vous étiez dans quel état d’esprit quand vous avez commencé à travailler sur « It’s a pleasure » ?
Moyen… Un peu fatigué, parce que je sortais d’une longue tournée. Il a fallu que je me réajuste. J’ai traité ça comme un job. Je pense qu’on peut sentir quand un disque est le fruit d’un travail, et je n’emploie pas ce terme de manière dédaigneuse ou péjorative. Je veux dire que Happy soup, mon album précédent, était assez authentique alors que celui-ci est plus stylé. Mais c’est bien, je ne me critique pas…
Jusqu’où avez-vous « construit » ce nouvel album sur le bon accueil qui a été réservé à « Happy soup » ?
Le dernier album a eu un peu de succès, pas énorme, mais assez pour que ce soit une chouette expérience. Normalement, c’est là-dessus que vous repartez… Mais la principale influence sur celui-ci est financière. Happy soup m’a permis d’enregistrer It’s a pleasure. Après Floor show (NDLR : le prédécesseur de Happy soup), je n’avais aucune chance d’en faire un autre. J’ai dû en vendre deux exemplaires et demi. Ce qui s’est passé pour que j’aie la chance de continuer à faire de la musique relève de la magie. Rien ne m’a fait tenir, ou ne m’a poussé à continuer, mais comme je n’avais rien à perdre, j’ai recommencé.
Vous ne pensiez pas arrêter, quand même ?
J’aurais pu faire d’autres choses. Plongeur en eaux profondes, dentiste en Antarctique, mais non…
C’est moins créatif !
Oui… Mais dentiste en Antarctique, c’est un peu les mêmes conditions de travail que celles de l’industrie de la musique. Dures ! Incroyables, mais dangereuses !
Vous nous présentez Fabienne Debarre, qui chante avec vous sur cet album ?
C’est une musicienne extraordinaire. Il se trouve qu’elle était disponible quand j’ai commencé à travailler. Elle ne m’a pas trop bien compris au départ, je pense, elle s’est contentée de sourire poliment. Elle s’est mise aux claviers, je la regardais… On aurait dit deux sourds-muets en train d’essayer de communiquer ! Je crois qu’elle a fini par capter ce que je grommelais. Je lui ai acheté un sandwich… Elle a composé des choses simples, positives, c’est bon !
Votre voix et la sienne sont à ce point opposées… mais elles se marient tellement bien ! C’est presque paradoxal…
A ce propos, j’ai lu quelque part que c’était comme de la barbe-à-papa emballée dans du sordide. C’est juste, je trouve. Enfin, j’espère…
Quelle était l’idée de départ de ce disque ?
Il n’y en avait pas. Ce n’est pas comme si vous travaillez sur un ballet, une chorégraphie… Vous commencez à écrire, il y a une chanson qui sonne d’une certaine manière qui vous plaît bien, et vous poursuivez dans cette voie-là. C’est un peu un sport puéril. Comme quand vous êtes avec vos potes dans votre chambre, que vous leur jouez le truc et qu’ils trouvent ça bien. Et là, vous êtes content d’avoir trouvé un bon beat, ou un chouette son pour le hi-hat. C’est débile, mais la meilleure chose à propos de la musique, c’est cette idiotie qu’elle permet. Après, si vous arrivez à y distiller un peu de clairvoyance, de maturité, ça, c’est vraiment malin. En même temps, ce n’est pas le plus important.
C’est quoi, alors ?
L’authenticité !
Didier Stiers
En concert le jeudi 13 novembre au Botanique (première partie : Nicolas Michaux).
“It’s a pleasure” : notre critique * * * + l’écoute intégrale sur Deezer.
FabriceHavenne
5 novembre 2014 à 12 h 59 min
Baxter, le serial modeste | frontstage/ http://t.co/vKl2rfRwT2