Pour accoucher de son troisième album, « Shake shook shaken », The Dø a laissé parler son instinct
Fichu sommet européen ! Et les embouteillages qu’il cause, qui vous mettent tellement en retard pour une interview que vous vous retrouvez à la faire au GSM, dans votre voiture rangée le long d’un trottoir du quartier Schuman ! A l’autre bout du fil : Olivia Merilahti, plutôt compréhensive.
Un chroniqueur écrivait à propos du disque qu’il y avait trouvé un supplément de folie comme on en entend rarement chez les groupes français… Mais n’est-ce pas ce qu’on pourrait dire de vous depuis vos débuts ? Déjà, vous ne « sonnez » pas « français »…
Je n’avais jamais vu ça comme ça, mais oui, peut-être. Nous sommes tous les deux un peu métissés, nous avons des cultures différentes. Et surtout : nous ne sommes pas blasés !
A chaque nouvel album, vous remettez tout à plat ?
Oui, c’est ce que nous aimons faire : table rase, utiliser des instruments différents, tenter ce que nous n’avions jamais essayé avant. C’est parfois très délicat, plus ou moins réussi, mais finalement, c’est comme ça que nous fonctionnons. En studio, nous voulons tout nous autoriser, ne pas nous priver.
Est-ce que ça veut dire que vous vous équipez au maximum, histoire de pouvoir faire un peu tout ? Ou vous avez quelques idées de base, des directions ?
En réalité, la première étape consiste à nous envoyer beaucoup d’idées. J’ai mon studio chez moi, Dan travaillait de son côté… Ensuite, nous nous retrouvons pour mettre tout ça en commun, ajuster les morceaux. Tout ça ne doit durer que trois ou quatre jours, maximum : nous essayons de limiter le temps passé ensemble en studio, pour capter le concentré de tout ça, ne pas trop s’égarer, ne pas trop se laisser prendre par des délires qui sont très faciles à atteindre en studio. Ça, nous l’avions déjà fait plein de fois. Ici, nous voulions aller vraiment droit au but, ce que nous n’avions jamais réalisé auparavant. Et en général, aller vraiment droit au but est très euphorisant. Il y a beaucoup de plaisir aussi dans ce que nous avons fait là. Je parle de l’immédiateté émotionnelle que nous avons pu atteindre.
Même en vous autorisant ce que vous vouliez, n’y a-t-il pas quelque chose qui vous pousse vers tel ou tel son ? Quelque chose que vous avez entendu ? La technique à disposition ?
Tout a commencé par des petites maquettes que j’ai enregistrées sur la route, pendant la dernière tournée, en 2012. Je pense que j’étais assez frustrée, j’avais besoin d’enregistrer des choses, et même si c’était avec un minuscule clavier midi et mon laptop ! Au bout du compte, j’avais de quoi commencer à enregistrer, poser des idées assez grossières. Ça, c’était une première étape. Ensuite, il y a eu les boîtes à rythmes que nous avons achetées quand nous avons dû partir à l’étranger sans batteur. Nous devions partir avec un groupe un peu plus léger, et nous avons décidé de nous séparer de notre batteur. Pour des raisons pratiques et techniques en fait. Mais finalement, ça a été une agréable surprise, et de fil en aiguille, c’est devenu une vraie volonté artistique. Nous avions vraiment quelque chose dans l’oreille que nous voulions atteindre. Et c’est passé par des sons plus synthétiques, et même presque volontairement un peu froids. Il fallait aller dans cette direction-là. C’est difficile à expliquer, quand c’est une intuition… Nous essayons de garder cette part presque… animale. Mais l’intuition, ça peut se perdre facilement. Là, nous avons essayé de suivre notre instinct.
Propos recueillis par DIDIER STIERS