Billions Of Comrades jouait samedi à la prison de Marche-en-Famenne. Une première, pour le groupe de Tubize comme pour l’établissement pénitentiaire.
A Marche-en-Famenne, on est loin des images de ces prisons belges surpeuplées et pourrissantes. Mis en service en novembre 2013, l’établissement est présenté comme le fruit d’un « masterplan pour une infrastructure pénitentiaire dans des conditions humaines ». Y voir jouer un groupe de rock, comme Billions Of Comrades ce samedi, serait donc presque normal, sauf qu’à Marche, il s’agit d’une première, parmi les activités mises en place en l’espace de quelques mois à peine.
A côté des habituelles séances de musculation, parties de scrabble ou d’échecs, la prison a ainsi accueilli un philosophe, reçu des représentants de la Foire du Livre de même qu’Armel Job, proposé aux détenus de cultiver un bout de jardin ou de s’occuper de… ruches ! Mais la venue des Tubiziens de Billions Of Comrades, vainqueurs du Concours Circuit en 2012 et signés sur le label bruxellois Black Basset Records, est bel et bien une première.
Pourquoi Billions, au fait ? « Musicalement parlant, explique Didier Gosset, de Black Basset Records, une population carcérale, c’est forcément une population lambda qui est susceptible d’écouter la radio avant tout, et qui n’est donc pas nécessairement au fait des diverses possibilités musicales. Partant de là, Billions Of Comrades est le groupe le plus « abordable » du label. »
Du côté du label, justement, l’envie est grande aussi d’amener la musique là où on ne la trouve pas nécessairement. « La musique de Quadrupède, par exemple, a déjà servi en France, pour des spectacles de danse, des chorégraphies. L’idée d’avoir un aspect un peu plus social est quelque chose qui avait aussi été développé avec Mont Doré. » La boucle continue à se boucler : avec Billions Of Comrades, elle est aussi présente en prison…
Sur la petite scène montée dans la salle des sports de la prison, face à 85 détenus (et un public mixte, comme l’est l’établissement), le groupe n’aura pas traîné à trouver ses marques. « Robots », « Harders », « Squadra » : si on n’a pas perdu de vue ni l’endroit ni ceux et celles parmi lesquels on se retrouve ici, on se sent tout aussi vite dans une atmosphère de concert, chahut bon enfant entre les morceaux inclus.
« On ne savait pas trop à quoi s’attendre, m’avoue Johnathan Manzitto après que les détenus aient regagné leurs quartiers. Quand nous sommes montés sur scène, poursuit le chanteur du groupe, nous avons vu cet espace vide devant nous comme dans n’importe quelle salle. C’est cette espèce de barrière à franchir. Je crois que de part et d’autre, elle a été franchie assez rapidement. Après, ça a été super vite. Nous avons même eu l’impression que ça avait été encore plus vite que d’habitude. »
Et le fait d’avoir pu discuter un peu musique avec les prisonniers, juste avant qu’ils ne s’en aillent ? « C’était vraiment du pain béni pour nous. Ce n’est plus seulement un concert, c’est le côté humain qui prend le pas sur le reste. Pour ça, c’est vraiment parfait. »
Le concert de Billions Of Comrades s’inscrivait dans une série d’activités destinées à « humaniser » l’univers carcéral, des activités pour lesquelles Marche est un établissement « pionnier ». De l’avis général, l’expérience devrait être renouvelée, que ce soit avec des artistes venus de l’extérieur ou le groupe actuellement en formation entre ses murs.
Didier Stiers
(Photos : Delphine Gilson)
Reportage dans Le Soir de ce lundi