Troisième album pour l’ancien hobo qui s’est dorénavant fixé à Londres. «Curio City» est une vraie réussite, un disque personnel qu’il a réalisé pratiquement seul chez lui
Charlie Winston aime les fringues. Ce qui lui a valu le titre d’homme le mieux habillé de l’année par le magazine GQ. Quand on retrouve le chanteur né en 1978 dans les Cornouailles dans les Halles Saint-Géry pour un mini-concert impromptu, il est d’ailleurs sapé d’un pantalon à carreaux et d’une veste à treillis du même rouge. « Non, ça ne vient pas de Shoreditch mais de Los Angeles, nous avoue-t-il d’emblée. Les vêtements sont une autre manière de s’exprimer, je trouve. Ils disent qui vous êtes. Ma mère me disait, quand j’étais gosse, ne sois pas trop exhibitionniste tout de même. Il faut dire que j’avais l’habitude de me promener tout nu en public. »
Charlie tient la forme. Il a raison d’être fier de son nouvel album, Curio City. Le premier sur son propre label que distribue la major Sony Music : « Dans la vie, je suis curieux de beaucoup de choses, à commencer par rencontrer de nouvelles personnes, découvrir de nouveaux lieux… Je suis curieux de ce qui est à l’origine de ce que nous faisons, les racines de nos actes. Sans être un grand philosophe. J’ai seulement lu quelques livres qui posaient la question : pourquoi on fait tout ça ? Il n’y a pas de réponse définitive bien sûr. Quand j’ai commencé ce disque, c’est la question que je me suis posée en tout cas. »
Et il a bien fait. Après un deuxième album, Running Still, qui n’a pas rencontré le succès du premier mené par « Like a hobo », beaucoup de choses ont changé dans la vie de Charlie. Il a produit l’album de Saule, il est devenu père en 2013, il a déménagé à Londres où il a fondé son propre studio, son label et sa société d’éditions. Tout cela avant de réaliser Curio City quasiment seul. « C’est vrai qu’il s’est passé plein de choses dans ma vie. Je voulais plus de profondeur pour ce disque, plus de puissance. Je m’étais rendu compte que j’avais perdu la passion pour la musique, j’étais devenu comme une parodie de moi-même. J’ai beaucoup sué sur mes textes. »
Si Charlie est toujours aussi populaire en France et en Belgique, c’est aussi en raison de ce tube inespéré en duo avec Saule, « Dusty Men », la chanson la plus diffusée en 2013 : « D’avoir produit l’album de Baptiste, ce que je n’avais jamais fait, m’a aidé à me donner confiance et surtout à faire savoir aux gens que je pouvais le faire et qu’ils pouvaient me faire confiance. » Confiance ou inconscience, Charlie aime les risques en tout cas : « Oui, c’est vrai. Je n’ai pas peur. Je sais ce que je peux faire, pourquoi aller payer quelqu’un pour le faire à ma place ? »
« There’s no security in anything we do », chante-t-il dans « Another Trigger », une chanson inspirée par le livre The Antidote : Happiness For People Who Can’t Stand Positive Thinking d’Oliver Burkeman : « C’est un grand livre. Ça parle de l’illusion de la sécurité dans notre société, avec l’Europe par exemple qui ferme ses portes. Chaque mur qui nous entoure suscite encore plus de haine et de frustration, un autre élément déclencheur. »
Charlie a donc décidé de se prendre en main en retournant à Londres où il a vécu dès l’âge de 17 ans, avant de venir à Paris et y connaître le succès : « Paris n’est pas fait pour moi. Trop bruyant et pas assez de nature. Là où je vis, dans l’est de Londres, il y a toujours un parc à proximité. Et d’un point de vue artistique, Paris m’a aussi beaucoup déçu. Londres vous pousse à être inventif. J’ai en projet de nombreuses collaborations, que ce soit dans le milieu de la mode ou du cinéma pour lequel j’ai écrit deux scripts, dont un qui pourrait être un opéra. Mon propre label et ma maison d’éditions me servent à contrôler ce que je fais mais aussi, si je découvre un jeune artiste, de pouvoir l’aider à se développer. »
“Curio City” : notre critique * * * et l’écoute intégrale sur Deezer.
Charlie Winston sera à l’AB le 7 mai (Infos : www.abconcerts.be) et tout bientôt en couverture de Victoire.