Le premier album de Vianney, « Idées blanches », révèle l’univers original d’un jeune homme qui, entre Dick Annegarn et Joe Dassin, honore la chanson française. Rencontre à Paris
Les bureaux du label Tôt ou Tard, près d’Oberkampf, sont comme une ruche familiale. Luce et Mathieu Boogaerts sont à côté. Depuis bientôt vingt ans, le patron Vincent Frèrebeau veille comme un père sur son petit monde. Thomas Fersen, Dick Annegarn et Vincent Delerm en sont les grands-oncles, accueillant avec bienveillance les petits nouveaux… comme Vianney.
Un sacré lascar, celui-là, que beaucoup ont découvert aux récentes Victoires de la Musique où le jeune homme de 24 ans était nommé dans la catégorie Révélation album. Au-delà de sa fameuse mèche (« J’ai depuis des années un complexe capillaire, peut-être pour cacher une calvitie naissante », nous dit-il d’emblée), on retiendra la beauté simple et la qualité de plume de ses chansons raffinées qui lui ont déjà valu, de la part de la presse française, les plus honorables comparaisons, entre Dick Annegarn et Joe Dassin : « Ces artistes que j’aime beaucoup m’ont libéré. Joe Dassin, j’aime son approche de chansons accessibles et profondes. C’était bien écrit, bien arrangé et bien traduit. Annegarn aussi racontait des trucs l’air de rien. C’est à cause de lui que je suis allé à vélo, de Bretagne à Bruxelles, pour découvrir la place de Brouckère dont il parle dans sa chanson «Bruxelles». Du coup, j’ai été déçu car cette place est horrible. Je lui en ai parlé et il m’a dit que cette chanson parlait de la destruction de la ville. Mais j’ai tout de même bien aimé Bruxelles. »
Vianney Bureau est né à Pau en 1991 mais a vécu et vit toujours à Paris, passant en Bretagne ses vacances familiales. Mais ado, sa passion, ce sont les voyages. En stop, à vélo ou en scooter électrique. En Turquie, en Suède, en Angleterre… « J’aime la notion d’effort, les rencontres aussi. Je dormais n’importe où. Ado, je voulais me sentir libre. »
Un original, Vianney ? Plutôt, oui. A 15 ans, ce fils de militaire s’inscrit au lycée militaire de Saint-Cyr, y reste trois ans avant, à 18 ans et bac en poche, de se lancer trois autres années – dont une en Angleterre – dans des études de commerce, et enfin, trois autres années de couture qui, en 2014, le propulsent diplômé d’une école de stylisme : « Pour moi, ce ne sont pas des extrêmes, au contraire c’est très homogène. Même si la chanson a toujours eu une place centrale dans ma vie depuis mes 12 ans, j’ai toujours été en uniforme et j’ai adoré ça. Je persiste à croire que la liberté, on la trouve dans la discipline. Je me suis aussi beaucoup amusé à contourner les règles. Un quart des élèves viennent de ZEP (de milieu défavorisé) et ça les transforme. On y apprend à respecter l’autre. Le stylisme, c’est l’attachement à l’apparence. C’est différent. Les belles robes m’ont toujours fait rêver. J’en ai réalisé pour des amies et ma maman. Elles sont là chez moi. J’aime les dessiner. Mais je ne sais pas m’habiller. Encore maintenant, je mets n’importe quoi. »
Mais Vianney ne chante pas n’importe quoi. Son amour des mots a séduit Julien Clerc, président du prix Talents W9 qu’il a emporté. Julien le prend en première partie de ses concerts au Palais des Sports, comme Florent Pagny l’a fait 27 fois dont les dates à Liège et Bruxelles : « J’ai beaucoup appris avec Pagny. Ce qu’il fait n’est pas mon truc mais lui et toute son équipe ont été bienveillants à mon égard. Je n’oublierai jamais l’accueil du public liégeois. Ils hurlaient tellement que j’ai cru que Florent était derrière moi. Je me suis dit : c’est quoi cette ville ? J’y ai rencontré mes premières fans. » Les Idées blanches de Vianney reflètent son état d’esprit. C’est un doux, un optimiste. « Je suis un enfant sage », reconnaît-il. Son amour de la langue française est d’autant plus fort qu’il parle parfaitement anglais : « Je ne chante pas en anglais car je suis amoureux de la diversité dans le monde. Il faut défendre notre langue et notre culture. Trop de groupes français chantent aujourd’hui en anglais tout en l’écrivant mal. Le français est une des langues les plus précises. T’écoutes Brassens, ses histoires sont des putains de chansons. Les mots sont la mélodie. J’aime aussi la façon dont Stromae se sert de la langue. Si les albums d’Annegarn et de Fersen sont en moi tellement je les ai violés, j’adore aussi Harvest de Neil Young ou tous les Beatles. Si j’ai mis les tablatures de mes chansons dans le livret, c’est dans un esprit de partage. C’est une idée de mon père. Je lui ressemble beaucoup. »
Vianney poursuit sa tournée, seul avec sa guitare. Après les festivals d’été, il continuera en salles cet automne. Ses teintes pastel sont comme des petites lumières, de bonnes vibrations.
Notre critique * * * de l’album et son écoute intégrale sur Deezer.
TCThierry
4 mars 2015 à 17 h 26 min
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