«Les meilleures idées surviennent souvent la nuit»

Mattias De Craene est le saxophoniste de Nordmann. Le groupe belge dynamitera la scène extérieure du Gent Jazz à minuit le jeudi 16 juillet

Le Gent Jazz est sans conteste le plus riche des festivals de jazz belges. Son programme est grandiose et comprend des tas de moments forts. Les quatre qu’on a épinglés ci-dessous, bien sûr, mais il y a aussi Bill Laswell & the Masters Musicians of Jajouka ; la pianiste canadienne Kris Davis ; le trio Reijseger/Fraanje/Sylla ; Charles Lloyd avec Gerald Clayton au piano ; Abdullah Ibrahim, 80 ans ; le trio de Vijay Iyer ; le Néerlandais Yuri Honing ; Stéphane Belmondo ; Ginger Baker Jazz Confusion, oui oui, le mythique batteur de Cream et de Blind Faith ; Van Morrison, qui chantait « Gloria » avec Them il y a 50 ans ; Bony King, Neneh Cherry, ZAZ, Andreya Triana, Laura Mvula, Rhiannon Giddens, Bony King…

Et puis il y a les Belges. Mélanie De Biasio, le nonet de Keenroh, le Toine Thys Trio, Michel Bisceglia, Isolde et les Bens XL, Little Dots, Alice on the Roof, Ignatz en de stervende honden, Flying Horseman, le fameux Stuff de Lander Gyselinck, le BRZZVLL de Vincent Brijs qui accueillera Anthony Joseph au chant. Et, bien sûr, Nordmann.

Nordmann, c’est Mattias De Craene au sax ténor, Edmund Lauret à la guitare, Dries Geusens à la basse et Elias Devoldere à la batterie. Trois jeunes de 23 à 25 ans et le « papa » du groupe, Dries, qui en a 36. Nous avons applaudi leur premier album, Alarm ! «  Leur musique est un lien entre jazz et rock, écrivions-nous dans le Mad. Un lien ambitieux, énergique, inventif et convaincant. On sent King Crimson, Manngold De Cobre, Zappa, Weather Report, Zorn. Mais ça n’est jamais une copie conforme : le quartet a suffisamment de talent pour se frayer une voie nouvelle. Un travail étonnant à la rythmique basse-batterie, des atmosphères troublantes au sax et à la guitare, des solos inattendus, des mélodies soudain interrompues par une phrase totalement étrangère. Un album séduisant.  »

Mattias De Craene faisait le voyage d’Oslo le week-end passé. Il y accompagne son amie, Bieke Depoorter. Une photographe associée à Magnum qui participe à l’exposition Artijuli à Senja, tout au nord de la Norvège. On s’est donc parlé au téléphone depuis l’aéroport d’Oslo.

Quand est né Nordmann ?

Il y a trois ans, pendant nos études au conservatoire de Gand. On devait faire des jams. Un prof nous a dit : toi, toi, toi et toi, vous jouez ensemble. Le hasard, vraiment. On a joué, on a écrit un peu de musique. Et on a décidé de rester ensemble, parce que ça fonctionnait. Le hasard, en fait, c’était la destinée.

Pourquoi Nordmann ?

C’est un mot qui sonne bien. C’est solide. En fait, nous cherchions un nom. Nous nous baladions dans Wikipedia. On est tombés sur le catalogue Ikea, qui faisait de la pub pour ses sapins Nordmann. Et voilà, le nom était trouvé. Mais on n’a pas demandé à Ikea de faire notre promo.

Vous vous êtes inscrits au Rock Rallye de Humo en 2014. Un groupe de jazz dans un concours rock ?

Au début, en effet, on était plus jazzy, mais avec des musiques plus fortes, des compos plus dures que dans le jazz traditionnel. Et puis nous avons mûri. On a obtenu un son plus hard, plus rock. Et nous nous sommes inscrits à ce concours. On avait une démo, un son, on s’est dit pourquoi pas ?, sans savoir sur quoi ça pouvait déboucher. On a terminé deuxième. Et cela a beaucoup joué pour nous. Nous devions faire une prestation de 15 minutes. Or, nos morceaux faisaient souvent 7 ou 8 minutes. On a donc fait des versions plus compactes. Avec un bon mélange et un big sound.

Etes-vous meilleurs sur album ou sur scène ?

Je ne sais pas. C’est plus amusant de jouer sur scène, c’est sûr. Mais notre album a été quasiment joué live. Il n’y a pas d’overdubs. Il n’y a que les impros qui changent parce qu’elles se modifient chaque fois. L’album, en fait, c’est une version, un moment de ce qu’on fait sur scène.

Vous composez ?

Oui. Pour l’album, j’ai composé quatre morceaux et Edmund quatre autres. Et ça a fonctionné. Mais nous cherchons maintenant le meilleur moyen de travailler. On essaie que tout le monde apporte son truc. Quand on répète, on prend une idée de l’un, un riff de l’autre et on les joue. Tout le monde participe.

D’où viennent vos idées musicales ?

Les meilleures idées viennent la nuit. En décembre, nous repartons en Norvège, Bieke et moi. Son thème, c’est la nuit. Alors, les nuits de 24 h en hiver… Elle essaie de fixer la noirceur, la sensibilité particulière de la nuit. Moi aussi, je suis à l’écoute pendant la nuit. Mais je travaille tout le temps. Mes idées surgissent quand je suis dans mon lit, ou quand je suis à vélo, ou quand je me promène. Partout en fait. A l’aéroport d’Oslo aussi. Quand j’attrape une idée, je la saisis immédiatement sur mon smartphone. Je siffle ou je chantonne, un air, une ligne de basse. Mon smartphone est plein d’idées de ce genre. Quand je compose, je vais retrouver ces idées et j’essaie à partir d’elles d’entendre le groupe complet jouer.

Quand on voit vos titres « Alarm » ! », « Pfut », « Paling » (anguille en français), vous ne manquez pas d’humour…

Je ne sais pas si l’humour participe de la musique. Mais c’est ce que nous sommes. Quatre personnalités différentes mais qui ont le même sens de la vie et le même type d’humour. On joue sérieusement, mais on ne se prend pas au sérieux.

Propos recueillis par

JEAN-CLAUDE VANTROYEN

Nordmann joue le 10 juillet au Vrijstaat d’Ostende et le 16 au Gent Jazz. Il sera à Bruxelles, à Flagey, le 16 janvier 2016.  www.nordmannmusic.com

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