Ce jeudi aux Ardentes, les rappeurs occupaient la grande scène avant Kendrick Lamar. Né dans les nineties, le groupe a toujours son mot à dire.
Couleur Café, ce n’est pas tous les jours que ça arrive. Et en même temps, ce n’est pas grave non plus. Ni significatif. En d’autres termes, si l’explosion vécue par Starflam l’autre jour à Tour et Taxi ne s’est pas exactement reproduite ce jeudi à Coronmeuse, ce n’est pas pour autant que le crew liégeois a loupé le coche à domicile ou que le public des Ardentes l’a boudé.
Petit rappel à l’attention des distraits : Starflam compte dans ses rangs un expatrié, Seg, et un Liégeois d’adoption, Akro. Pour le premier, ce concert aux Ardentes a de particulier qu’il se produira devant sa famille. Et pour le second, qui se démène toujours autant sur scène, c’est une sorte de retour au bercail. Kaer : « C’est ici qu’il a fait ses premières armes, notamment sur Fidèle au vinyle. Et tout le développement du groupe s’est opéré ici. » Pavé se marre : « Il faut rappeler qu’Akro passait tous ses week-ends à Liège. Dans nos divans. »
Retour au concert. Solide. Généreux. « C’était un public d’écoute, analyse Kaer à la sortie de scène. C’est ça ! » Des gens qui connaissent certains titres (« La sonora », entre autres et évidemment), mais pas forcément toute la discographie. Qui kiffent un beat ou une mélodie mais ne sont pas au fait de l’engagement de ces quadras-là (« Pour déceler que les vrais assassins bossent chez Nestlé » lâchent-ils dans « Amnésie internationale »). Reste le plus important : le groupe donne, et à ses pieds, personne ne semble avoir envie de s’en aller avant la fin des 50 minutes imparties. De bon augure pour l’avenir : Starflam était ce jeudi le seul représentant hip hop à proposer un son différent aux gamins venus voir les rappeurs américains et leur star, Kendrick Lamar. Et dans « Ce plat pays » qui est le mien et le leur, il faut qu’ils restent au programme !
Quand on voit le public mélangé qui s’est rassemblé devant la main stage, que tout le monde est dans le même truc, on se dit qu’en termes de « générations », les questions d’âge ne comptent plus trop…
« Dans ce que j’écris pour le moment, raconte Kaer un peu plus tôt dans l’après-midi, j’ai une phrase, justement : « Ils sont has been, je suis vintage. » Et je trouve que ça correspond même bien avec le titre « Comme à l’ancienne ». C’est vrai qu’on est un peu vintage… C’est quoi ? On traverse les époques. On est comme une belle pièce que les gens trouvent sur eBay, ou un bon vinyle. » Et Pavé d’ajouter (en mc qui sait) : « Et puis le terme vintage au départ n’a rien à voir avec l’âge, ça veut dire vendange. C’est une bonne année ! »
A propos des réactions du public d’aujourd’hui, Fred constate qu’elles sont plus démonstratives. « Je vois même des gens chanter les scratches, maintenant ! » Kaer : « C’est vrai que c’est très inspirant. Ça donne envie de reste là-dedans, alors qu’on essaie de nous couper l’herbe sous le pied. En Belgique, je crois qu’on essaie d’éliminer le droit d’être artiste. Quel groupe, d’où qu’il sorte, va aujourd’hui trouver l’équivalent de jours de concerts réclamés par l’ONEM ? C’est déjà dur pour nous qui sommes dans le système depuis longtemps, alors pour ceux qui vont arriver, c’est carrément mission impossible ! Mais donc, c’est vrai que c’est très inspirant, parce qu’on se rend compte qu’on a toujours des choses à défendre, des choses à dire, sur scène ou en interview. »
Pavé conclut : « Je me souviens quand nous avons joué à Gand, au Vooruit, d’avoir vu un couple de parents avec leurs enfants. C’est important, la transmission ! »
Didier Stiers
(Photos : Michel Tonneau)