Les Dropkick Murphys sont aux années 2000 ce que les Pogues étaient aux 80’s. Problème, il faisait bien trop chaud pour mettre un Irlandais dehors, ce jeudi, sur la plaine de Kiewit.
« -Hey, waitaaa ! Can ya ge’ us a pint’a Murphys ? »
« -Here ya go, mait’ »
« -‘t’s a bi’ hot, innit ? Fookin’ hell, mait’ ! How can we play a propa gig’ wi’ dis fookin’ sun !? Can’t even fookin’ see me own balls… How could I see tha craaaawd ? Fookin’ huge craaaawd, i’ must be ! Fookin’ hell ! All is lost, mait’ ! »
Le bassiste rondouillard a raison. Ken Casey, fondateur et co-leader de la meute irlando-keuponne a beau tenter de rameuter du peuple pour chanter avec lui « Ahooooo ! Ahooooo ! », passé les premiers rangs, ça devient compliqué. La chaleur, l’horaire, la grande scène surtout ! On n’est pas sûr que c’était leur faire une fleur que de les envoyer sur la Main Stage à l’heure du souper, les Dropkick Murphys. Trop grand, trop vaste, trop tôt…
Et puis, c’est vrai. Quelle idée ? C’est que les Dropkick Murphys qui jouissent déjà d’un succès improbable aux Etats-Unis (leurs disques sont régulièrement dans le top 10 du Billboard… Les Dropkick sont des Irlandais de Boston – NDR), trouvent leurs fans parmi les plus dévoués… en Flandre. Ça devient un cliché : le meilleur marché pour un groupe de rock, n’importe quel groupe de rock? La Flandre ! Denis Leary (cet autre Irlando-Américain de la côte est) en a même fait une série : « Sex&Drugs&Rock&Roll ». Le pitch ? Un groupe de rock se reforme. Pour son concert du retour, il va là où il est certain de remplir une grande salle. Ce sera donc Forest National ! Voilà. Belgique, terre d’accueil de la gratte électrique et des keupons tatoués…
Mais revenons aux Dropkick… On les aime, oui. Ne fut-ce que pour leur énergie, leur jusqu’au-boutisme, leur passion de la chose binaire. Eux ne sont pas là pour la gloire, les filles, la drogue facile ou les entrées VIP. Non, ils sont là parce qu’il n’y a rien au monde qui surpasse leur envie d’être là. Parce que c’est leur vie. Le punk, l’Irlande, le rock celtique, les vans pourris, la mauvaise bière et les soirées dans les pubs à chanter les vieux traditionnels du lointain pays ! Alors ils y vont, envoient la sauce, et se retrouvent suivis par des hordes de fanatiques, comme eux, direction le haut des charts US. Voilà. Si le rock existe toujours en 2015, c’est grâce à des gars comme les Dropkick !
Mais ici, à Kiewit, en fin d’après-midi, ça balance un peu dans le vide. Malgré l’énergie. Malgré la passion. Ni le bon horaire, ni le bon endroit. Ni le bon son, ajoutera-t-on. Dommage… Le Johnny méritait pourtant qu’on crache du gosier pour lui. « & Drums & Guns & Guns & Drums Ahooooo ! Ahooooo ! O Johnny I hardly knew ya ! »
DIDIER ZACHARIE
Photos MATHIEU GOLINVAUX