De Beirut à Istanbul, les aventures de Zach Condon

L’excellent quatrième album de Beirut, «No No No», sortira vendredi. Et Zach viendra le défendre à l’AB les 14 et 15 septembre. D’ici là, nous l’avons rencontré.

Depuis décembre 2013 et son hospitalisation australienne pour cause de fatigue aggravée, on n’avait plus eu de nouvelles de Zach Condon, le chanteur auteur et compositeur de Beirut. Le revoici avec un nouvel album où ne reste aucune trace de son coup de mou, sauf qu’il en a profité pour se débarrasser des sonorités balkaniques. Rencontre avec le grand voyageur.

La dernière tournée a duré trois ans. N’est-ce pas un peu fou ça, non?

Si. Voilà pourquoi je suis devenu fou. En tournée, vous ne pouvez rien faire d’autre, comme de résoudre les problèmes de la vie que vous avez laissés chez vous.

Mais pourquoi avoir tourné si longtemps? Il vous est impossible de dire non quand la demande est là?

Cette demande est trop excitante sur le papier. C’est aussi une façon de fuir vos problèmes domestiques. J’avais plein de raisons stupides d’être sur la route plutôt que chez moi, à Brooklyn. J’avais en main la liste des pays où Beirut pouvait jouer et je ne me posais pas de questions.

Et c’est donc en Australie que votre corps vous a lâché et que vous vous êtes retrouvé à l’hôpital…

J’étais à Sydney, supposé prendre un vol pour Perth. La chanson s’appelle «Perth» plutôt que «Sydney» car ça sonne mieux.

Le nom du groupe de votre père s’appelait Sydney, peut-être y a-t-il un lien, non?

L’Australie m’a toujours fasciné. Je ne suis pas resté longtemps à l’hôpital mais je suis resté confiné dans la chambre d’hôtel trois jours avant de pouvoir prendre mon vol de retour. Il ne restait plus beaucoup de dates à faire mais j’étais épuisé, je n’aurais pas pu les assurer. J’étais d’autant plus frustré que ce n’est pas la première fois que ça m’arrivait. En 2006 ou 2007 déjà, j’ai dû annuler des concerts.

Et donc, repos à la maison…

Oui, mais il restait encore des dates européennes. J’avais touché le fond mais ce n’était pas encore la fin.

Tout ça se déroule en 2013 mais dès 2014, vous retravaillez déjà à un nouvel album…

Oui, même si certaines chansons remontent à 2012 déjà.

Le nouvel album tranche avec les précédents dans la mesure où tout le côté balkanique a disparu. Ce disque est foncièrement pop…

Je voulais redéfinir ce que je voulais faire quand j’ai créé le projet Beirut. Je me suis concentré sur l’écriture des chansons, naturellement, sans me soucier de la façon dont je les ferais sonner. Quand j’ai réuni le groupe en studio, c’était juste pour jouer les chansons sans rien chercher d’autre.

Pourquoi l’album s’appelle-t-il «No No No», même si une chanson porte ce titre? C’est tellement négatif…

C’était le single et puis j’ai trouvé que le titre allait bien avec la photo. Je trouve même ça drôle… J’ai pris moi-même cette photo. On a enregistré le disque en plein hiver, il neigeait comme jamais. On a fini en mars, le magnolia en face de ma maison commençait à fleurir. J’ai fait la photo et je l’ai envoyée au designer.

Après des temps durs – votre hospitalisation, votre divorce – votre vie a beaucoup changé, avec une nouvelle copine. Vous vivez avec elle une bonne partie de l’année à Istanbul. Voilà qui est plus joyeux, plus positif…

Mes ennuis ont commencé il y a quatre ans, en fait. Et puis tout s’est arrangé. Les relations avec le groupe sont excellentes. Avec le label aussi. Ma copine… Oui, tout a pris un tour plutôt sympa.

C’est amusant de s’appeler Beirut et de vivre à Istanbul, même si ce n’était pas prévu… La ville turque, en plus, est le symbole parfait du mariage entre l’Occident et l’Orient, à l’image de votre musique. Même si cette nouvelle influence ne se retrouve pas du tout dans le disque…

Parce que ce n’est pas la mienne. C’est beau, mais je ne suis pas turc. J’adore aller voir des spectacles des derviches tourneurs et d’autres trucs fous complètement fascinants. Ça viendra peut-être plus tard mais, pour le moment, je continue de faire la musique qui me ressemble. Je vis toujours à Williamsburg, mon quartier de Brooklyn, mais on va aussi souvent qu’on peut à Istanbul. La ville me fascine, c’est vrai. Je ressens tout à fait là-bas ce que vous décrivez…

Vos amis américains doivent estimer que vous êtes cinglé de vivre en partie là-bas. Alors que les médias ne parlent que de guerre dans la région…

Oui, je sais. Le plus drôle c’est quand ils viennent m’y voir. Mes parents, qui vivent à Sante Fe, sont venus. J’adorais voir leurs réactions inquiètes quand je les sortais un peu… Mais, au final, on a tous passé un bon moment… Je suis content qu’ils soient venus… Mais ils ont beaucoup voyagé dans leur vie. Mon père était musicien…

Le titre de vos chansons est souvent mystérieux par rapport aux paroles. «Gibraltar» par exemple…

On a passé beaucoup de temps sur le disque, mais une fois celui-ci fini, on s’est rendu compte qu’aucune chanson n’avait de réellement de titre définitif. «Gibraltar» représente pour moi l’entrée, le passage d’un monde à l’autre. Mais il ne faut pas y voir une prise de position ni rien. C’est plus un mot symbole… Pour «August Holland», c’est une peinture qui se trouve dans notre studio. C’est un tableau immense d’un bête paysage peint par un inconnu, mais j’aimais le nom du peintre August Holland.

De la même manière que la chanson «Pacheco» n’a rien à voir avec l’ancien hospice bruxellois qui a donné son nom à un boulevard…

Pour moi, c’est un nom espagnol. Près de Santa Fe, il y a un canyon Pacheco. Il y a quelques années, il y eut là-bas un immense feu en plein été. Ça m’a rappelé quand on avait dû partir dans le Colorado tellement il était impossible de respirer à Santa Fe. C’est la seule référence de l’album à mon enfance là-bas, dans le Nouveau-Mexique. Le nom Pacheco me semblait aussi fainéant que la chanson. Je ne sais pas si ça à voir avec mon âge. J’ai 29 ans, j’essaie de prendre mes responsabilités, de prendre ma vie en main… Il est encore trop tôt pour savoir si je me débrouille bien.

Beirut est très populaire en France, surtout depuis l’album «The Flying Cup Club» qui s’en inspirait. Cela fait-il partie de votre passé?

Cela fait quelques années que je n’ai plus été à Paris. J’aime bien la Belgique aussi, même si je n’en ai jamais parlé dans mes chansons.

La tournée ne sera plus aussi longue, sans doute…

Je dis ça à chaque fois… Le problème est la demande. Beaucoup de gens veulent nous voir un peu partout. On doit encore répéter et tout mettre en place. C’est assez excitant.

Beirut, fondamentalement, c’est vous, ce sont vos chansons. Dans quelle mesure, le groupe est important pour vous? Le besoin d’être entouré de vos potes?

Pour moi, c’est vraiment un groupe, même si ce sont mes chansons. Je les ai rencontrés à Santa Fe. Ils sont toujours là. Ils jouent dans d’autres groupes, ils reviennent… On a toujours joué ensemble. J’ai besoin d’avoir des gens avec qui je travaille depuis le début pour préserver une certaine perspective. Sans eux, je deviendrais fou en studio, les albums n’auraient jamais été terminés. Nick, le batteur, vit à une demi-heure d’Alburquerque. Heureusement, il y a des vols directs pour New York. Vous savez pourquoi il vit toujours au Nouveau-Mexique? En raison des énormes réductions de taxe dont bénéficient les tournages de films et de séries TV… C’est pour ça que No Country For Old Men ou Breaking Bad ont été faits là. Pour moi, pour ce que je fais, c’est plus facile de vivre à Brooklyn. Ça fait dix ans que j’y vis maintenant. Ça a fort changé. J’ai une belle maison…

Vous devenez le George Clooney de la musique en quelque sorte, sauf que votre amie n’est pas libanaise mais turque…

C’est fun, oui! J’ai beaucoup de chance car mon amie est aussi jolie qu’Amal Clooney…

Beirut sera les 14 et 15 septembre à l’AB. C’est complet!

Notre critique * * *

Thierry Coljon


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