Feu! Chatterton ressuscite le rock à la française

Avec son premier album «Ici le jour (a tout enseveli)», Feu! Chatterton confirme son statut de plus bel espoir du rock made in France. Rencontre avec le combo parisien juste avant son concert complet à l’Orangerie du Botanique, avant un Cirque royal en mai prochain.

Votre nom, chargé de références, annonce la couleur…

Sébastien (guitare)
Au départ, il vient d’un tableau du XIXe siècle du peintre britannique Henry Wallis. On y voit Chatterton mort, mais on a l’impression qu’il dort. Après, on s’est intéressé au personnage. C’était un poète qui a publié des textes sous un faux nom. Quand il s’est présenté comme l’auteur de ces textes, ses parents l’ont déshérité, il s’est retrouvé à l’abandon et s’est suicidé. C’est pour ça qu’on a mis le «Feu» qui est une expression un peu désuète, mais pour casser ce truc-là, on a mis un point d’exclamation, pour faire comme s’il était ressuscité.

Arthur (chant) C’est ensuite qu’on s’est rendu compte que ce nom était chargé de toute une histoire. Il y a la pièce d’Alfred De Vigny, l’album de Bashung, une chanson de Gainsbourg où il parle de tous les suicidés…

S. On assume ce côté poète romantique, c’est une période qu’on aime bien.

Vous êtes peut-être le premier groupe rock français à assumer cette tradition depuis Noir Désir. C’est une influence?

A. Clairement. Des Visages des Figures, c’est un album qui met tout le monde d’accord dans le groupe. Et puis, en France, il y a peu de groupes dans l’histoire. Les maîtres, on les connaît, t’as Brel, Gainsbourg, Bashung… Mais l’idée de groupe, c’est très anglo-saxon. La France n’a pas cette culture, mais il y a eu Noir Désir. Alors, logiquement, on s’y réfère. Sinon, le premier choc, pour moi, ça a été Gainsbourg. Il y a tout, là. C’est un truc qui m’a donné envie de faire de la musique, ce sentiment quand au détour d’une phrase, tu comprends un sens caché. Et d’un coup, tu deviens complice avec ce type. Il est mort, mais tu l’imagines te faire un clin d’œil…

Vous établissez un lien entre Gainsbourg, Cantat et les poètes romantiques?

A. Le lien, c’est qu’ils savent raconter une histoire. Mais ils n’ont pas le même ton.

Le fait d’avoir signé chez Barclay n’est pas non plus un hasard…

A. Il y a deux raisons pour lesquelles on a choisi Barclay. C’est bien sûr l’histoire, les derniers géants qu’on a aimés y étaient logés. Brel, Bashung, Noir Désir… La musique en français, c’est leur truc. Et puis, on voulait que l’album soit produit et on n’avait ni la thune, ni l’énergie pour gérer tout nous-mêmes. Et aujourd’hui on sait que si on avait fait ce disque seuls, on n’aurait pas eu ce luxe, le temps, les moyens de productions pour le faire. Il faut le dire parce que les labels sont un peu diabolisés en ce moment et ce serait malhonnête de ne pas reconnaître l’importance que Barclay a eu pour nous accompagner dans le production et le développement de ce disque. Et c’était aussi important pour nous que le disque se propage le mieux possible.

A côté, il y a aussi des références plus modernes comme LCD Soundsystem dans votre musique…

S. Ah oui! C’est un de mes groupes préférés!
A. Il nous a convertis. On adore, notamment parce qu’il y a une élégance dans la manière de faire danser.

Vous vous sentez proches de la nouvelle scène pop française? La Femme, Aline…

S. C’est marrant, parce qu’ on a commencé Feu! Chatterton au moment où « La Forêt » de Lescop est sorti. Et à l’époque, faire du rock en français, ça ne se faisait pas. On nous charriait. « Vous êtes fous! » Et à ce moment, il y a « La Forêt » qui fait un peu de bruit, après il y a eu La Femme, Aline, Granville, Mustang et c’est clair que ces groupes nous ont permis d’exister. S’ils n’étaient pas passés là avant…

A. Ça nous a encouragés à continuer.

S. La Femme, c’est plus important encore, parce qu’en écoutant l’album, on est tombés amoureux du son et du coup on a contacté leur producteur. On est très admiratifs de ce groupe, ils gèrent tout, ils font tout et sont vachement plus punk que nous. Ils ont une folle énergie, on adore leur disque.

Pour revenir aux textes, c’est quoi «La Malinche»?

A. La Malinche, c’est une figure mythologique mexicaine. Quand Cortès arrive pour conquérir le pays, il est fin stratège. Plutôt que d’aller faire tomber la tête, il décide de lier contre le chef aztèque les différents petits royaumes. Mais pour cela, il a besoin d’un interprète. Et il trouve cette fille qui avait été faite prisonnière en Haïti. Comme en plus elle est belle, elle devient sa maîtresse. Comme en plus elle a du tempérament, elle devient une de ses femmes. Et comme en plus elle assouvit ses désirs comme personne, il l’amène avec lui en Espagne. Et ce qui est intéressant avec ce personnage, c’est qu’elle apparaît comme une grande traîtresse qui se met au service des colonisateurs, mais elle est aussi considérée comme la mère du Mexique moderne. Et puis, il y a l’incarnation du mythe…

Vous êtes aussi les premiers à citer DSK dans une chanson…

A. Ça rimait bien avec Toscane… Mais DSK, c’est aussi un mythe, c’est un empereur romain. T’es au sommet, tu te découvres cinq minutes pour une histoire sordide et c’est les abysses direct.

Et vous citez DSK dans une chanson… Sur le Costa Concordia!
(rire général) C’est seulement en lisant les paroles que je m’en suis rendu compte. Donc, n’importe quel événement peut faire une chanson?

A. Oui, c’est pas tous les jours, mais quand il y a moyen, il faut saisir l’occasion. Mais là, c’était offert, un bateau qui coule sur les côtes…

Et sinon, le costard trois pièces? C’est pour de vrai ou c’est juste pour la scène?

A. Tout est pour de vrai et pour du faux… Je ne le porte pas tous les jours…

S. … Mais il aimerait bien.

Propos recueillis par DIDIER ZACHARIE
Photo: Fanny Latour Lambert

Journaliste lesoir.be

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