Un peu plus que du rock’n’roll…

Les Eagles of Death Metal étaient de retour à Paris quatre mois après les attentats du 13 novembre. Un concert chargé en émotion et sous haute sécurité.

Comment allaient se passer les retrouvailles? Car c’est bien de retrouvailles dont il s’agissait, à défaut d’autre mot. Entre le groupe californien Eagles of Death Metal et son public parisien, il s’est créé un lien particulier, fort, chargé, né dans la douleur et l’horreur. Un lien du coeur.

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Cette tournée s’intitule “The Nos Amis Tour”. Tout simplement. On ne peut plus clairement. Ils l’ont dit et répété, les EODM viennent “finir” le concert du Bataclan. Communier avec les survivants. Commémorer les 89 morts qui assistaient à leur concert lorsqu’un commando djihadiste… Inutile de répéter l’horreur qui s’est propagée alors.

Mais voilà. Depuis ce tragique vendredi 13, tout a changé. Pour Paris et pour le groupe. Les Eagles of Death Metal étaient alors une bande de rockeurs plus ou moins anonymes, que la plupart des observateurs prenaient surtout comme une bonne blague trash et bonne enfant. De la bière, du sexe et du rock à l’ancienne…

Depuis, les médias se sont intéressés à ces Californiens barbus, et notamment à la personnalité de leur chanteur Jessee Hugues. Un type attachant comme un nounours, drôle et fragile. Mais aussi un conservateur pro-avortement, pro-armes et fou de Dieu. De quoi créer un léger malaise…

Depuis cinq jours que le groupe est de retour sur scène et en Europe, Jessee Hugues s’est ainsi laissé aller en interviews. Toujours sur la corde raide, émotionnellement fragile quand il repense aux événements, plein de compassion et d’amour pour ses prochains, il s’est dit “chargé d’une mission par Dieu” tout en assurant au micro de Laurence Ferrari ce mardi que “tout le monde devrait avoir une arme à feu. Je veux que tout le monde ait la chance de vivre (…) Est-ce que vos lois en France ont empêché cette attaque? Non. Tout ce qui a permis d’arrêter cette attaque, ce sont les actes des hommes les plus courageux qui se sont rués sur les attaquants”.

Mais, savez quoi? Parlotte que tout cela! Car une fois passé les mesures de sécurité bien compréhensibles, arrivé dans la salle, puis, enfin, voyant les Aigles débarquer sur scène, il n’est plus qu’un mot: Rock’n’roll! Ou, mieux: communion rock’n’roll. Après quelques minutes de tension palpable, le groupe débarque au son du “Il est cinq heures” de Jacques Dutronc. A partir de là, c’est relâche.

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Hurlements de joie, déflagration de six cordes. Le Jessee a beau tenter de faire une minute de silence pour “se souvenir”, personne n’en veut. Passer à autre chose, vite. Un exutoire. Un exorcisme. Et il en fut ainsi!

Pendant près de deux heures, les Eagles of Death Metal (avec Josh Homme de Queens of the Stone Age, co-fondateur du groupe, absent au Bataclan) et le public parisien ont exulté, partagé. Les uns offrant t-shirt “I really wanna be in Paris” (clin d’oeil à leur titre “I really wanna be in LA”) et une écharpe tricolore acceptés comme des offrandes, les autres léguant une guitare explosée en direct aux premiers rangs. “Je ne sais pas vous, mais j’avais vraiment besoin de ça!”, éructe Jessee au rappel, brandissant sa nouvelle guitare aux couleurs tricolores avant de reprendre les Stones en solo et en choeur avec le public.

“Je ne vais pas quitter cette scène de sitôt!”, lance-t-il encore. “Vous ne vous en rendez pas compte, mais vous êtes coincé avec moi. Je suis parisien, désormais! Et vous n’avez aucune idée à quel point je vous aime!” Paris l’aime aussi, Jessee. On l’a bien senti. Et c’était bon pour tout le monde.

Un concert pas comme les autres, assurément.

DIDIER ZACHARIE
Photos AFP

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Journaliste lesoir.be

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