Louise Attaque… à nouveau

Dix ans après leur dernier album, Gaëtan Roussel, Robin Feix et Arnaud Samuel reviennent avec «Anomalie»… sans leur batteur Alex. Rencontre avec le trio.Près de vingt ans après leur premier album qui, en flirtant avec les trois millions d’exemplaires vendus, reste un record pour un premier disque, (c’était avant la crise!), revoici Louise Attaque. Non pas au complet, mais avec un album excitant. On en parle avec les intéressés.

En écoutant ce disque, on sent, plus que par le passé sans doute, le plaisir que vous avez eu à le faire…

Gaëtan. Merci. Tant mieux car c’est quand même ça le moteur et la recherche, l’essence et la quête.

Cela fait longtemps que vous y pensiez, de vous retrouver?

G. Deux ans, je dirais. Une année de discussions intenses d’abord. Rien à voir avec les retrouvailles pour le best of, qui était une idée de la firme de disques. On l’a acceptée. C’était une manière d’être ensemble, on a fait une chanson, mais on n’a pas enclenché.

Vous n’avez pas ressenti cette étincelle en 2011 mais bien maintenant…

Robin. C’était pas le moment. Gaëtan était en tournée.

G. On s’est posé plein de questions. Il fallait d’abord mettre les choses à plat, pour nous. Avant d’entrer en studio, il fallait se retrouver autour d’une table. Là, on est trois, pas quatre. Notre architecture a changé, notre entourage a changé. Ça nous a permis d’avancer. Mais ça restait Louise Attaque autour de la table et le projet artistique, lui, n’a pas changé. L’idée était de faire un disque et des concerts.

Arnaud. Lors de ces discussions, on s’est rendu compte que trois personnes regardaient dans la même direction. Il n’était donc pas question de tout abandonner du jour au lendemain.

Robin, vous aviez, vous, carrément raccroché. Vous ne jouiez plus de basse…

R. C’est vrai, j’ai dit ça.

G. On a joué deux titres lors d’une émission de télé il y a deux ans. C’était l’occasion de se voir, de jouer ensemble. C’était le moment de discuter.

La nostalgie de ce que le groupe a pu vous procurer comme émotions existe-t-elle?

A. Ce n’était pas de la nostalgie, non. Par contre, savoir si on a encore des choses à dire ensemble, ça, c’était précieux. On était surtout curieux de savoir si on pouvait encore créer ensemble.

G. Sans nostalgie aucune, on est retournés dans la façon de faire un peu acrobate du premier album. Ce fut notre porte d’entrée. Avec Robin, on a commencé à deux en Angleterre puis Arnaud nous a rejoints quelques jours plus tard, c’est aussi un signe de confiance.

Le violon est très différent ici. Beaucoup plus discret…

A. Le violon n’est pas sous-mixé mais moins présent, oui. Dans «Anomalie» par exemple, il est dans la matière. C’est un peu le choix du producteur. C’est vrai que j’ai traité le violon différemment, non plus en contre-chant de la voix de Gaëtan. J’ai essayé d’éviter ça. Il reste rythmique. Je ne voulais pas répéter un réflexe, un savoir-faire. Je me suis bousculé et ça me plaisait qu’eux aussi me bousculent. On voulait placer différemment le violon.

Eviter de se répéter faisait partie du cahier des charges ? Un nouveau jeune producteur, des lieux d’enregistrement inédits… Les textes aussi sont plus épurés…

G. Oui, être plus direct. Ça se retrouve dans les mots comme dans la forme. Arnaud est moins frontal dans son jeu. On a du coup tous évolué. C’est plus frontal, plus lisible. Même si on n’avait pas de batteur et qu’on ne pouvait pas répéter les morceaux, il était pourtant assez simple de se projeter en concert. L’intensité était là.

Comment les anciens morceaux vont-ils être joués sur scène maintenant que vous êtes cinq ?

A. On s’oriente vers la juxtaposition des deux sons différents : le côté brut et acoustique d’avant, avec l’épaisseur de la nouvelle production.

R. De toute façon, les anciens morceaux on ne les joue plus de la même manière. On n’est plus les mêmes. On a vieilli.

Les gens seront contents de vous retrouver sur scène… Parce qu’il y a eu un manque du public par rapport à ce que vous représentiez…

G. On a beaucoup joué par le passé. Que les gens aient envie de se procurer des tickets pour cette tournée-ci, c’est précieux. On est impatients. On a fait de la musique pour ça au départ, pour jouer devant les gens. La première cassette qu’on a pu faire, ce n’est pas aux firmes de disques qu’on l’a envoyée mais aux gens qui pouvaient nous trouver des concerts.

Louise Attaque, c’est la dernière grosse vente en France avant la crise et l’effondrement du marché. A votre façon, vous avez annoncé l’ère du live en remplacement des ventes de disques…

G. On s’est tellement cassé le nez sur les firmes de disques, avec Caravage, Robin et moi, qu’on s’est dit : on va faire autrement. En faisant des concerts.

R. On n’était pas les premiers non plus. On suivait les traces de Dominique A et Miossec qui, sans avoir énormément de succès, jouaient partout.

Les textes parlent beaucoup de solitude, Gaëtan…

G. La différence peut provoquer la solitude, comme la patience. Le temps est très présent aussi. L’usure du rapport humain, du couple comme de l’amitié, de gens qui font de la musique ensemble… L’actualité est là aussi. Au-delà des mots, c’est comme ça qu’on essaie de faire de la musique, nous. On est concernés. C’est un disque de 2015, c’est évident. On parle de ce qui nous concerne, de ce qui se passe autour de nous, sans être des donneurs de leçons. Les textes sont imbriqués dans la musique. C’est un tout. C’est pour ça qu’on aime faire de la musique ensemble.

A. Textes et musiques, tout se passe un peu ensemble dans le processus. Gaëtan écrit mais en écoutant nos remarques, on en discute.

Vous avez toujours eu la réputation d’un groupe qui se pose plein de questions. Avec des discussions interminables, des prises de tête…

G. Je pense qu’on a réfléchi une bonne fois pour toutes. Se retrouver autour d’une table, ce n’était pas pour retomber dans nos travers mais pour les évacuer, justement.

R. On n’a pas parlé musique, en fait. Mais de la manière de la proposer, d’arriver à créer. La musique, pour nous, c’est comme le dessin de Louise, c’est quelque chose de jeté.

G. Et de se dévoiler un petit peu aussi. La philosophie, la démarche… Donner de soi. Il ne faut pas être une coquille ou une armure infernale. Il fallait en parler entre nous. Si on s’est arrêté plus de huit ans, c’est parce qu’à la sortie du troisième album, on a fait une tournée. On est retourné tout de suite en studio, pensant qu’on allait retrouver l’énergie de la scène et ça n’a pas été le cas. C’était une erreur et un échec. On a mis du temps à s’en apercevoir, à se le dire… Tout ça use. Il fallait se remettre les uns avec les autres et pas à côté des autres.

Gaëtan, qu’ont apporté les deux albums solo, «Ginger» et «Orpailleur» ?

G. Des rencontres. Des musiques que je n’écoutais pas ou que j’aimais mais que je n’arrivais pas à mettre, le contact avec la langue anglaise, les chœurs, jouer à huit ou neuf sur scène. Ça m’a apporté beaucoup. Il n’y avait pas une plus grande mise en danger, c’est juste d’autres histoires. D’autres manières d’avancer… Et c’est pareil pour les autres. C’était possible parce que je venais d’un groupe et aujourd’hui tout cela se retrouve dans le disque. Pareil pour Robin et Arnaud…

Vous fréquentez-vous hors de la musique ?

R. Je vis en Angleterre. Le but du jeu n’est pas de se voir tous les jours quand il y a une amitié de 30 ans.

On retrouve au piano sur un morceau le Liégeois Marc Thonon qui vous a signé sur son label, Atmosphériques, aujourd’hui disparu…

G. Marc fait partie de notre histoire. Il a toujours tendu l’oreille à ce qu’on faisait, même après qu’on a arrêté de travailler avec lui. On lui a toujours proposé d’écouter ce qu’on faisait.

Louise Attaque sera à l’AB le 17 avril. C’est sold out. Et le 12/08 au BSF.

Notre critique * * * et l’écoute intégrale sur Deezer.

Thierry Coljon


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