Le disque sombre de Grand Blanc

Le groupe parisien originaire de Metz conjugue électro puissante et chanson en français dans un premier album à fleur de peau

Grand Blanc fait partie de cette nouvelle scène française décomplexée qui, de Bagarre, avec qui on l’a vu aux Nuits Botanique l’an dernier, à Feu! Chatterton, en passant par Fauve, a décidé de soigner la langue française au service d’une musique très puissante. Ici, avec Grand Blanc et ce premier album, Mémoires vives, le modus operandi passe par des sonorités électro d’une puissance folle. Le plus amusant, c’est que les quatre membres du groupe (trois Messins et un Francilien) se sont rencontrés entre Conservatoire et école d’ingénieur du son. Camille a même joué de la harpe dans son enfance. «On est arrivés séparément à Paris, entre 2007 et 2010, nous ont-ils raconté. Au début, on ne savait pas comment utiliser les logiciels. On ne savait même pas que ça existait. On souffre du syndrome des autodidactes. L’idée a été de garder avec les machines la puissance des guitares et de la rythmique. Connaître la musique nous a tout de même servi de bagage au moment de faire nos premières maquettes. On les a postées sur internet et via un groupe dont on voulait faire la première partie, elles sont arrivées à l’oreille du label Entreprise qui nous a signés.»

Les ambiances sombres de Grand Blanc rappellent à certains moments la cold-wave à la noirceur affichée: «Même si après notre premier EP, on a cherché à s’en éloigner, ça reste dans notre ADN. Pour nous, la musique est une question d’ambiances et de couleurs. C’est ça qui nous intéresse, plus que les arrangements de l’époque. C’est la puissance de cette musique qui nous plaît. Mais la techno autant que le hip-hop nous influencent. La musique des années 2000, en fait. On écoute de tout.»

La particularité de Grand Blanc, c’est aussi le soin apporté aux textes. Benoît, qui partage le chant avec Camille, s’en charge, mais il ne faut pas s’étonner si les mots sont plus des couleurs, dans un ensemble impressionniste: «Je suis très autiste quand j’écris un texte même si, au résultat, c’est fragmenté et collégial. Chacun donne son avis. Je n’aime pas utiliser des mots trop compliqués. Si on ne chante pas en anglais, c’est parce qu’on ne maîtrise pas suffisamment la langue. J’ai un rapport énergique avec les mots. J’aime la juxtaposition de deux mots qui vont faire exploser la chanson. Même si ce n’est pas compréhensible de prime abord. Bashung faisait ça admirablement. Pour nous, la musique est d’abord un art vivant, scénique. Les textes ne sont pas faits pour être imprimés, pas plus que les notes. Parfois, on est à la limite de l’inintelligible. C’est fait sciemment. Le message, c’est plus regarder, pas besoin d’expliquer. J’ai plus un rapport poétique et esthétique aux choses.»

La ville – sa dureté, sa noirceur, sa solitude – est le thème principal d’un disque sombre: «On désosse notre ville. C’est un mur, une lumière, une personne. On est témoins. Le mythe du groupe qui pense, ce n’est pas nous.»

Grand Blanc est un joli nom: «On a aimé confronter ces deux mots. C’est un nom très ouvert. Il y a la page blanche qu’on remplit comme on veut. Il y a derrière Grand Blanc une idée de pureté et de froideur.»

Recueilli par THIERRY COLJON

Notre critique * * * et l’écoute intégrale sur Deezer.


commenter par facebook

1 commentaire

répondre

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *