Dernier membre vivant du groupe de punk rock new yorkais, son batteur Marky Ramone publie avec Punk rock blitzkrieg une formidable et sincère autobiographie qui donne envie d’entonner le célèbre cri de guerre du groupe, le fameux «Hey Ho, Let’s go!»
Comme le dit à juste titre l’écrivain Stephen King sur la quatrième de couverture de Punk rock blitzkrieg, ma vie chez les Ramones: «Les Ramones sont un des trois ou quatre groupes américains parmi les plus influents de tous les temps, et leur histoire, telle qu’elle est racontée par le survivant Marky Ramone, est à la fois captivante et lumineuse».
Et de fait, cette plongée au coeur de l’histoire de groupe est tout bonnement formidable et Dieu sait s’il y en a déjà eu des bouquins sur les auteurs des «I wanna be sedated», «Beat on the brat» ou de «I wanna be your boyfriend». Les fans des Ramones se souviennent bien sûr de Mort aux Ramones par leur bassiste et compositeur Dee Dee ou même de On the road with the Ramones par leur tour manager Monte A. Melnick qui fût quasi le baby-sitter du groupe pendant les 22 années d’existence de cette famille dysfonctionnelle. Si le guitariste Tommy Ramone y est allé de son autobiographie sobrement intitulée Commando, on découvrait aussi via le frère du chanteur I slept with Joey Ramone, un attachant portrait du longiligne frontman dont le visage était mangé par ses longs cheveux et ses légendaires lunettes noires. Reste que la sortie des mémoires du Marc Bell (qui devient Marky Ramone en 1978) était d’autant plus attendue qu’il s’agit du dernier membre du groupe toujours vivant.
Le premier tiers du bouquin est en soi déjà passionnant. Pour ceux et celles qui l’ignoraient, Marky avait déjà pas mal de bouteille avant de rejoindre les Ramones. Témoin privilégié de toute une scène et une industrie en pleine mutation – Vinyl, la série HBO produite par Scorsese et Mick Jagger ne raconte pas autre chose- Marky raconte ses débuts de batteur professionnel au sein de Dust mais aussi des Voidoids de Richard Hell, avec qui il enregistre l’hymne «Blank generation» et de Wayne County, The Electric Chairs. Son enfance et sa jeunesse à Brooklyn constituant un éclairage tout aussi passionnant sur cette Amérique -le musicien est né le 15 juillet 1956- des sixties à travers le prisme de cet adolescent happé par la batterie dès son plus jeune âge.
Pénétrer dans l’intimité d’un groupe aussi mythique dans l’histoire du rock est toujours exaltant. Et si on savait que Joey, Johnny, Dee Dee et Marky étaient tout sauf une «Happy family», on réalise combien il est miraculeux que le groupe ait tenu si longtemps dans le temps. En deux mots, Johnny Ramone, ultra conservateur (il aurait voté Trump aujourd’hui) avait la main lourde sur sa femme et était brouillé à mort avec Joey. Les deux ne se sont quasiment pas adressé la parole pendant l’existence du groupe. Joey était victime de troubles obsessionnels compulsifs -certaines descriptions de scènes sont terriblement tragiques et touchantes -tandis que Dee Dee était une personnalité bipolaire et polytoxicomane et Marky, lui, buvait comme un forcené. Sa façon dont ce dernier décrit sa descente aux enfers et surtout sa miraculeuse résurrection force le respect.
Comme dans toute excellente autobiographie rock qui se respecte, les anecdotes sont légions. Le tournage de Rock’n’roll high school, par exemple, la première tournée allemande des Ramones, les sessions d’enregistrements sous la houlette de Phil Spector, les blagues faites par les membres du groupe à Monte, leur rencontre avec Stephen King, mais aussi les tournées où le public se renouvellera dans la foulée de Nirvana. Lire comment les Ramones vivent l’arrivée du grunge est savoureux. Leur popularité deviendra énormissime un peu partout mais en Amérique du Sud, la Ramonmania n’a rien à envier à la Beatlemania. «On est passés du fait de jouer dans un trou à rats à celui de jouer dans les stades» écrit Marky.
Les dernières pages sont un peu moins drôles. La fin du groupe, Joey étant malade avec une hache de guerre entre Johnny et Joey jamais enterrée. Le décès du chanteur qui enregistrait son album solo qui sortira à titre posthume sera suivi de celui du bassiste (overdose) et du guitariste (cancer de la prostate). Et cette cérémonie au Rock and Roll of Fame le 18 mars 2002 un peu pathétique. Au final, comme le précise l’auteur «John, Dee Dee, Joey et tous les gens merveilleux avec qui on a travaillé dans les Ramones, ainsi que nos amis dans d’autres groupes, ont été bénis et maudits par le même sort: ils étaient en avance sur leur temps». L’histoire n’en est que plus belle…
PHILIPPE MANCHE
Marky Ramone Punk rock blitzkrieg, ma vie chez les Ramones (traduit de l’anglais par Stan Cuesta). RivagesRouge, 412p., 24 euros.
PierreMikailoff
19 avril 2016 à 8 h 59 min
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