Samedi, elles ont chacune à leur manière conjugué rock et intensité. Dominatrice pour les quatre Savages, et espiègle pour Polly Jean Harvey.
Jehnny Beth « hoste » comme disent les Anglo-Saxons, un radioshow intitulé Start Making Sense. L’autre jour, c’est PJ Harvey qui y partageait quelques-uns de ses morceaux favoris. Entre Nick Cave et Captain Beefheart. On imagine donc que ces dames s’apprécient quand même un minimum, et que se retrouver le même jour au même festival n’a pas dû les laisser totalement indifférentes.
Savages sur scène aujourd’hui, c’est juste un peu moins… sauvage, animal dirait-on presque en se souvenant comment on avait découvert cette bande de filles au Pukkelpop il y a trois ans. L’intensité, elle, est par contre toujours bien présente : dans les yeux et le chant de Jehnny Beth (veste de tailleur ouverte aux coudes, talons aiguilles), accompagnée par une impressionnante section rythmique.
Pendant près de 40 minutes, le groupe, et surtout sa « frontwoman », va se livrer à une sorte de petit jeu de séduction/domination avec le public. Qui n’en demandait pas tant : après toutes ces heures de boue et de pluies continuelles, rien de tel que se faire rassurer par un « don’t let the fuckers get you down » !
Les dernières notes de « River Anacostia » à peine évanouies, le groupe et sa « leadeuse » saluent et sortent de scène à la queue-leu-leu. A ce moment-là, avec les collègues et néanmoins camarades, nous nous sommes dit : « Parfait, Werchter est terminé, on peut rentrer à la maison ! » Conscience professionnelle oblige, nous sommes restés, bien sûr. Mais si la venue de PJ Harvey était déjà un petit événement en soi, ce concert de samedi en fut un de taille !
Etonnant, décalé (la formation, où figurent Mick Harvey, John Parrish et Alain Johannes, entre en scène façon défilé militaire, caisse claire en avant), parfaitement sonorisé (en festival, c’est un miracle), il est captivant de bout en bout. On plonge ici et là dans les racines de la folk anglaise, mais toujours avec un esprit rock on ne peut plus vivant, n’en déplaise à Monsieur Flea. Certes, c’est un peu théâtral, aussi. Indéniablement : habillée de noir par Ann Demeulemeester, couronne de plumes dans les cheveux, Polly Jean joue de temps en temps les grandes prêtresses païennes, silencieuse entre les morceaux, une vague début de sourire sur les lèvres, mais pour mieux ensorceler encore ceux à qui il restait un petit doute quant à The hope six demolition project. Le dernier album en date. Et pour mieux réinterpréter des « classiques » comme « Down by the water » ou « To bring you my love ». Il s’est passé un truc rare, samedi !
Didier Stiers
(Photos : Mathieu Golinvaux)
Setlist Savages : I am here – Sad person – Husbands – I need something new – When in love – The answer – Hit me – T.I.W.Y.G. – Adore – Fuckers
Setlist PJ Harvey : Chain of keys – The ministry of defence – The community of hope – The orange monkey – A line in the sand – Let England shake – The words that maketh murder – The glorious land – Medicinals – When under ether – Dollar, dollar – The wheel – The ministry of social affairs – 50ft queenie – Down by the water – To bring you my love – River Anacostia