Ardentes jour 2 : t’es Bronson ou PNL ?

Après ce mercredi supplémentaire et le concert d’Indochine, le festival a pris ce jeudi sa vitesse de croisière. Direction le trou noir PNL…

Vitesse de croisière aux Ardentes signifie hip hop. Et Woodie Smalls, pour commencer, Woodie qu’on reverra le 16 juillet à Dour (Boombox). Plus atypiques : les Américains de Yelawolf. Un trio de l’Alabama qui a quitté son sweet home voilà cinq ans pour signer d’abord sur le label d’Eminem. Le rappeur, le guitariste et le dj sont tatoués de partout, mais sous les stetsons point de rednecks, ça déménage plutôt pas mal. Le flow est supersonique, les scratches allumés et la gratte joue en rythmique ou balance des riffs, dont un peu de Led Zep (« Whole lotta love ») et un peu de Black Sabbath (« War pigs »). Le style est plus cracra que ce celui, en leur temps, des Philadelphiens de G. Love & Special Sauce, mais c’est en place, varié, et offre même une petite respiration (« Best friend »).

Avec quelques années de moins et face à un public quelque peu plus jeune également, Georgio (22 printemps) fait partie de cette vague jeune qui porte pour l’instant le rap français entre buzz et old school. Moins à part que PNL, le garçon s’est lancé via le crowdfunding pour un premier album, Bleu noir, sorti en 2015. Déjà passé par les Ardentes il y a deux ans, il a pris un peu de bouteille, n’est pas tombé dans le bling bling pour autant, et s’offrira un Olympia en mars de l’année prochaine. « Saleté de rap », dixit le Parisien, qui dans « Rose noire » parle même d’histoires d’amour pas toutes roses avec simplicité mais un certain style : « Les fleurs du mal ne poussent pas qu’dans les poèmes de Baudelaire/C’est au bouquet final que tu te dis que l’amour c’est la guerre/C’est pas Versailles dans tes jardins secrets/Et si t’as assez d’air pour voir que tout part en fumée. »

Frontstage - Georgio

Thundercat au HF6, ce n’est pas forcément le meilleur plan de la journée ! Le Californien (Ronald Bruner, en réalité) est un virtuose du jazz, funk et autre soul barrée, il a travaillé avec Kendrick Lamar sur To pimp a butterfly, mais aussi Suicidal Tendencies et Flying Lotus. Sauf qu’ici, on entend très fort sa basse, on la sent même pas mal, mais pour la finesse, celle de son chant ou du jeu de ses deux acolytes (clavier, batterie), on n’est pas trop à la bonne adresse et c’est dommage. En même temps, programmer ce genre d’artiste ici n’est pas une première et tant mieux. Dans le même ordre d’idées, on verra Kamasi Washington dimanche, Kamasi Washington dont l’album Epic s’est vendu à près de 3.000 exemplaires en Belgique : pour le style et vu la taille de l’objet (triple, donc cher), c’est quelque chose ! Chez PIAS, on se réjouit !

Frontstage - Thundercat

Scène en plein air, 19h30, l’heure de se faire enfin une vraie idée du phénomène PNL. Pour Peace N’ Lovés ; rien à voir avec l’amour, c’est « argent » ou « billets » en argot (issu du Romani). C’est aussi deux frères (Adelmo et Nabil), issus de la cité des Tarterêts à Corbeil-Essonnes, au sud de Paris. Et surtout, c’est ce qu’une partie des médias spécialisés de l’Hexagone considère comme le futur du rap français tendance cloud. Le moindre de leur clip balancé sur YouTube enregistre des millions de clics (plus de 38 millions pour celui de « Da », posté il y a deux mois à peine), et l’autotune fait chez eux l’objet d’un emploi systématique.

La puissance des réseaux sociaux, leur manière de fonctionner et de réussir en marge de tout le système, toussa, toussa, d’accord, c’est clair. Au-delà, quant à ce que ça dit, quant à ce que ça provoque chez les fans – bien présents aux Ardentes aussi – et surtout pourquoi : mystère et boule de shit ! Et puis sur scène, c’est envapé mais finalement assez pauvre, à moins que les deux frangins n’aient décrété que leur « charisme » se suffisait à lui-même. Ils vont ainsi de droite à gauche et retour, constamment que ça en devient hypnotique, toujours de la même démarche lente, vaguement menaçante… Derrière, il y a un dj mais on ne sait pas trop ce qu’il fait, et un quatuor de costauds dans lequel figure un préposé aux cigarettes et un autre au Smartphone.

Frontstage - PNL

C’est générationnel, comme le suggérait aussi Pavé, de Starflam ? Assurément ! Mais on veut bien aussi que les textes soient plus désillusionnés ou malins qu’il n’y paraît, encore faut-il qu’ils soient audibles. Et puis, il y a ce truc métronomique, mécanique, désincarné induit par ce « jeu de scène » et ce p… d’autotune, qui ne constituent pas vraiment une invitation à entrer dans leur univers ! Les appels à « la famille » font d’ailleurs comprendre que si tu n’en es pas, eh ben circule, y’a rien à voir. « Pas comme eux », rappent-ils dans « Plus Tony que Sosa » (référence à Scarface) : c’est clair, mais comme qui ou quoi, alors, ça, par contre…

Frontstage - Action Bronson - 2

Du coup, à l’aune de PNL, Action Bronson arrive comme une bouée de sauvetage. La fusée éclairante dans la nuit noire de nos interrogations, le fumigène coloré sur nos questionnements… Avec des spliffs grands comme ses slaches de campeur hollandais (et ses chaussettes), le New-Yorkais, ex-cuisinier, fan du Wu-Tang, Nas et autre Kool G Rap, se paie un look pas commun. Mais quelle énergie ! Quelle présence, avec la bonne petite dose d’autodérision quand il prend des poses de lutteur ! « White men can’t rap ? » Dites-le aux Beastie Boys ! A Eminem ! Ou à l’ami Bronson… Interactions avec son backeur, changements de rythme, beats à retourner le site de Coronmeuse : ça vit ! Jusqu’au final, torse nu, tous les tatouages à l’air. Une aubaine pour les photographes.

Frontstage - Action Bronson - 3

Didier Stiers

 

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